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REVUE MILITAIRE SUISSE

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Lausanne, le 12 Décembre 1871.

XVIe Année. SOMMAIRE. Organisation militaire suisse. Revue bibliographique. Résumé de l'organisation militaire de la Suisse, par A. de Mandrot, colonel fédéral. Seconde édition; De la révision fédérale. Essai d'entente. Traduit de l'allemand par Ed. Secretan, secrétaire au Département politique fédéral; Studien über die Reorganisation der schweizerischen Armee, von einem eidg. Stabsoffizier; Bundesrevision und Militærorganisation, von einem eidg. Stabsoffizier; Actes du Comité international de secours aux blessés. Nouvelles et chronique. Table des matières, titre et couverture du volume de la Revue militaire suisse de 1871.

ORGANISATION MILITAIRE SUISSE.

REVUE BIBLIOGRAPHIQUE.

Résumé de l'organisation militaire de la Suisse, par A. de Mandrot, colonel fédéral. Seconde édition, 1871. 1 brochure in-18.

Nos lecteurs connaissent déjà la première édition, parue en 1864, de cet excellent résumé de nos institutions militaires. La seconde édition est plus complète ; elle comprend, répartis sous neuf chapitres, tous les détails relatifs à l'organisation et à la composition de l'armée suisse, détails précieux, groupés sous cette forme commode, pour maints nationaux et surtout pour les étrangers. Cette édition est enrichie en outre de deux avant-propos renfermant des aperçus et des renseignements pleins d'intérêt. On en jugera par les passages suivants, discutables d'ailleurs en plus d'un point:

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L'organisation militaire de la Suisse est généralement mal connue et souvent mal appréciée. Beaucoup de gens ne voient dans nos milices qu'une sorte de garde nationale ou de garde bourgeoise, se figurant que ces milices, plus ou moins volontaires, ne coûtent rien à l'Etat et presque rien aux particuliers. Plusieurs militaires étrangers ont une petite idée de ces milices, qu'ils n'ont, il est vrai, presque jamais vies..

L'organisation militaire de la Suisse date du 17me siècle; elle fut reprise en 1817 et puis totalement revue en 1850 et 1851. C'est de ces années que date la nouvelle organisation militaire qui régit actuellement la Confédération. Cette organisation attend encore bien des améliorations qui feront peu à peu leur chemin, et elle va peut-être bientôt être refondue sur beaucoup de points importants à l'occasion de la révision prochaine de la constitution fédérale. Un projet détaillé a été déjà depuis plus d'un an élaboré à cet effet par le département militaire fédéral. Notre peuple s'éclaire toujours plus sur ce sujet, et mainte mesure que l'on repoussait comme soi-disant aristocratique, il y a quelques années, est maintenant réclamée par les miliciens eux-mêmes comme utile à l'armée..

Notre milice suisse est un type à part, et je ne puis bien la définir qu'en la nommant une armée domiciliée; son organisation n'a de rapport qu'avec l'ancienne organisation de la landwehr prussienne; il se pourrait même que les fondateurs de cette grande institution en soient venus chercher le modèle chez

nous..

Après avoir été trop peu étudié, notre système de milices est maintenant surfait. On le déclare non seulement meilleur marché que tout autre, mais encore entièrement suffisant pour la défense de tout pays.

Il est bon cependant de bien se rendre compte d'une chose avant de s'en engouer; il est surtout pratique, lorsqu'on veut imiter le système militaire suisse, de connaître à fond ce système.

Examinons donc les deux points qui le rendent tout d'un coup si populaire, et voyons d'abord s'il est vraiment aussi bon marché qu'on le dit, puis ensuite si les milices suisses sont aussi fortement organisées que les armées des peuples voisins. Nous sommes bon patriote; mais pour rendre hommage à la vérité, nous devons convenir que le public a été induit en erreur sur l'un et l'autre de ces deux points.

On a dit que, pour une somme annuelle de 6,000,000 de francs, la Suisse avait une armée de 202,000 hommes parfaitement en état de faire campagne, et de se mesurer avec quelque troupe permanente que ce soit.

Voyons ce qu'il en est réellement.

D'abord, quant aux dépenses militaires fédérales ordinaires, nous voyons par le compte-rendu financier de 1868 qu'elles avaient déjà atteint alors la somme de 3,550,000 francs; à ce chiffre il faut ajouter celui de 540,000 francs pour intérêts de l'emprunt de 12 millions à 412 voté en 1867 pour l'armement nouveau, ce qui nous donne pour le budget fédéral : . fr. 4,090,000

Ensuite en ce qui concerne les dépenses faites par l'ensemble des Cantons, nous voyons d'après les procès-verbaux de la commission de révision du Conseil national qu'elles se sont, aussi en 1868, élevées à la somme de

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Nous devons y joindre encore, pour les frais personnels d'habillement et d'équipement mis à la charge des miliciens, d'après l'évaluation faite par M. Stampfli au congrès des sciences sociales à Berne en 1865, la somme de .

Nous arrivons donc à un total de

fr. 4,500,000

fr. 750,000

fr. 9,340,000

Encore n'est-ce pas tout; en effet le service militaire, quelque court qu'il soit, entraîne pour tous les citoyens de 20 à 45 ans, lesquels ont chacun leur profession, leur famille, leurs affaires, à la différence de ce qui a lieu pour les soldats des armées permanentes, des pertes et dépenses que l'on peut estimer approximativement à 20 fr. par homme et par an; on doit être certain qu'il est en tout cas plutôt au-dessous qu'au dessus de la vérité. Ce sont donc pour 200,000 hommes 4,000,000 de francs, lesquels, ajoutés aux budgets militaires sus-mentionnés, font monter les charges militaires de la Suisse à 13,000,000 au moins, au lieu des 6,000,000 dont on parlait au congrès de Berne que nous avons mentionné tout à l'heure.

D'autre part, quand on a dit que les milices suisses étaient entièrement au niveau des troupes permanentes des pays avoisinants, on s'est permis une exagération peu digne d'un pays et d'un peuple libres auquel on ne devrait dire que la vérité.

Nous conviendrons que la Suisse a l'esprit militaire autant qu'aucun autre peuple. Nulle part on ne peut former un soldat aussi promptement que dans ce pays-ci, et ce soldat bien commandé pourrait tenir tête aux soldats des pays voisins. Mais estil toujours bien commandé? Ses officiers généraux, supérieurs, subalternes, sontils à la hauteur de leur position? Chacun en Suisse sait bien que c'est là le point faible de notre armée, que cette infériorité ne pourrait être rachetée que par beaucoup plus d'exercices, de réunions de troupes et par conséquent de dépenses. Nous croyons que si l'on voulait faire le nécessaire, pour donner aux chefs de tous grades de notre armée l'instruction dont ils ont besoin, il faudrait bien ajouter un million et demi au budget susmentionné, ce qui le porterait à 14,500,000 fr.

Cela ne serait certes pas cher si pour ce chiffre la Suisse avait vraiment 200,000 soldats bien organisés; mais en réalité nous n'en avons que 120,000 en état de faire campagne, et encore manque-t-il beaucoup à ces 120,000 pour qu'ils soient vraiment arrivés à ce point. Il faudrait qu'en cas de guerre nous eussions devant nous six semaines pour y préparer officiers et soldats.

Ce que nous venons de dire n'attaque pas le système des milices en général, ni celui de la Suisse en particulier; cela signifie seulement que ce pays bien du chemin à faire pour que sa milice atteigne réellement à la perfection que lui attribuent des gens ignorants ou trop favorablement prévenus. Cependant, avec l'aide de Dieu et du patriotisme national, nous espérons mériter une fois les éloges prématurés qu'on nous donne.

Nous avons dit prématurés, car en effet comment juger de la valeur d'une institution militaire avant qu'elle ait subi une épreuve sérieuse, celle de la guerre ? Or, dans la guerre du Sonderbond (1847), des milices combattaient d'autres milices. Nous ne savons donc pas encore quelle figure nous ferions devant des troupes mieux disciplinées et plus exercées.

Les personnes qui ont écrit sur notre armée de milices, n'ont presque point parlé de son état-major.

Sans les traditions militaires de notre pays, sans le dévouement patriotique de ceux mêmes qui font partie de ce corps, il nous serait impossible d'avoir un étatmajor comme le nôtre. Si dans notre pays c'est souvent une lourde charge d'accepter un brevet d'officier, cette charge est bien augmentée lorsqu'on accepte un brevet dans l'état-major. Aux dépenses beaucoup plus considérables que cet office occasionne, vient s'adjoindre une responsabilité d'autant plus grande que les instruments dont on doit se servir sont imparfaits.

Si donc une nation étrangère voulait imiter notre système de milices, voici ce que nous nous permettrions de lui proposer.

Diviser le pays en districts de 100,000 âmes environ de population, chacun de ces districts fournissant 1 bataillon d'infanterie de milice, 1 escadron de cavalerie, 1 compagnie d'artillerie, 1 compagnie de tirailleurs (chasseurs à pied), 1 section de troupes du génie. Autant il y aurait de ces districts, autant l'Etat aurait de cadres de compagnies d'infanterie dont la moitié des officiers (capitaine compris) et des sous-officiers seraient permanents et formeraient le cadre d'instruction. En réunissant un certain nombre de districts ensemble, on formerait un batailloncadre, dont la moitié de l'état-major serait aussi permanent. On procéderait de même pour former les escadrons et les batteries, mais les recrues feraient leur service dans la compagnie ou section portant le numéro de leur district.

Le service d'instruction serait de 6 mois consécutifs pour l'infanterie, d'un an pour la cavalerie, l'artillerie et le génie. Chaque année, les bataillons, escadrons et batteries seraient campés pendant quinze jours pour des manoeuvres de campagne.

Les miliciens promus au grade de sous-officiers passeraient de nouveau 6 mois au cadre, ils le complèteraient; il en serait de même pour les promotions aux grades de sous-lieutenants, de lieutenants et de capitaines, puis encore à celui de chef de bataillon.

Les brigades et divisions seraient commandées par des officiers généraux en service permanent; un état-major permanent, fortement instruit, serait indispensable.

Après 6 ans passés dans l'armée active, les hommes en sortiraient pour passer dans l'armée de réserve qui pourrait compter, toujours par district, un effectif et un nombre de corps égal à celui de la première ou plus considérable, suivant l'âge jusqu'auquel on exigerait le service militaire.

Le service dans la milice serait obligatoire pour tous les citoyens, sans distinction de position sociale; la loi déterminerait les exceptions.

Nous sommes convaincus qu'à ces conditions tout pays pourrait organiser une armée de milices parfaitement en état de soutenir une guerre défensive, et qui permettrait de réduire peut-être des les armées permanentes et de diminuer considérablement les budgets militaires. >>

De la révision fédérale. Essai d'entente. Traduit de l'allemand par Ed. Secretan, secrétaire du département politique fédéral. Berne 1871. 1 brochure in-8°.

C'est la brochure connue de M. le conseiller fédéral Dubs qui vient de paraître sous ce titre. Elle arrive malheureusement un peu tard, en français au moins, pour exercer sur l'opinion publique toute l'influence à laquelle elle pouvait légitimement prétendre. Quoiqu'il en soit, un tel écrit a sa valeur en tout temps; il mérite d'être lu et médité par le plus grand nombre possible de lecteurs. Il se divise en un avant-propos, quatorze chapitres et une conclusion. Le chapitre II traite spécialement de l'organisation militaire; nous en reproduirons les extraits suivants, qui feront juger du reste de la brochure :

<< Dans tout Etat fédératif, dit l'honorable conseiller fédéral, l'organisation militaire est une question de la plus haute gravité. Notre constitution actuelle pose principe que tout Suisse est soldat. C'est là un principe indispensable à la démocratie, car l'obligation du service militaire pour tous est le complément nécessaire du suffrage universel. Chaque citoyen doit à l'occasion payer de ses biens et de son sang pour garantir la volonté populaire telle qu'elle a été formulée par la votation nationale.

La constitution actuelle partage l'armée en deux catégories L'armée fédérale ne comprend qu'une partie des citoyens portant les armes : elle se divise en élite, soit 3 %, et en réserve, soit 1 12% de la population. Ce qui reste forme l'armée cantonale, désignée sous le nom de «< Landwehr » dont la Confédération ne peut disposer que dans les cas d'absolue nécessité.

Déjà l'organisation militaire de 1850 se plaça au-dessus de ces dispositions constitutionnelles en statuant, après de longues luttes, que tous les hommes doivent entrer dans l'élite et la réserve fédérales. Un grand désordre dans l'organisation de l'armée en résulta. L'échelle des contingents telle que la fixe la constitution n'était plus en harmonie avec l'effectif réel de l'armée. Certains Cantons comptèrent des surnuméraires en grand nombre et par conséquent diminuèrent le temps de service de l'élite et de la réserve, tandis que d'autres, où la jeunesse reste moins dans le pays, eurent de la peine à maintenir leurs contingents au complet et se virent forcés de les garder pendant plus longtemps sur les rôles de l'armée fédérale. De là de nombreuses récriminations contre un système qui imposait des charges très inégales soit aux Cantons, soit aux citoyens.

Pour prévenir ces irrégularités, le Conseil fédéral propose d'abolir le principe des « pour cent » pour l'élite et la réserve et de modifier l'échelle des contingents de manière à la mettre en harmonie avec les forces militaires réelles des Cantons. Il propose en outre de supprimer la distinction entre armées fédérale et cantonale en incorporant la landwehr dans la première et enfin de fixer d'une manière uniforme les obligations militaires des citoyens, soit en durée, soit en étendue.

Les Commissions des deux Conseils tout en adoptant ces propositions firent cependant un pas de plus.

La Commission du Conseil national propose la centralisation totale du militaire, de manière à charger la Confédération des frais d'instruction, d'armement, d'habillement et d'équipement de l'armée fédérale. Le matériel de guerre sera remis par les Cantons à la Confédération et celle-ci aura en outre le droit d'utiliser les places d'armes et les bâtiments à destination militaire appartenant aux Cantons en les acquérant ou en les prenant à bail.

La Commission du Conseil des Etats eut quelques scrupules en face de cette centralisation universelle. A vrai dire, le désir de voir les Cantons déchargés de toute dépense militaire l'éblouit un moment, mais en y réfléchissant elle désira cependant réserver comme auparavant aux Cantons, moyennant surveillance fédé– rale, l'administration militaire proprement dite.

En examinant impartialement ces deux propositions on ne peut hésiter un ins

tant à déclarer que celle du Conseil des Etats pèche par un manque considérable de logique et ne peut en raison même de ses contradictions établir un point de vue tenable. De toutes les combinaisons celle-là est la moins naturelle qui fait que l'un commande et que l'autre paie. Prenons quelques exemples dans la vie usuelle. Il s'agit de livraisons à faire. Les administrations cantonales croient devoir prendre en considération le fait que telle ou telle personne est ressortissante du Canton ou se recommande d'une autre manière. L'administration fédérale examine les listes de prix des vingt-cinq administrations; elle y trouve de grandes inégalités, beaucoup de prix exagérés; elle sait qu'elle aurait pu obtenir des prix beaucoup moins élevés, si elle avait mis au concours une livraison générale pour toute la Suisse. L'administration fédérale peut-elle, à moins de vouloir prodiguer les finances de l'Etat, laisser les administrations cantonales disposer ainsi sur le compte de la Confédération? Cela est tout à fait impossible. Supposons qu'il s'agisse du magasinage et de l'entretien du matériel de guerre. La Confédération peut-elle laisser subsister l'organisation actuelle ? A peine; car elle perdrait toute possibilité de surveillance et en même temps verrait l'entretien renchérir démesurément. Elle en viendra nécessairement à réunir les objets du même genre et à choisir pour les divers magasins les positions les plus favorables. Mais ceci nécessite d'autres organisations qui seraient en collision avec les organisations cantonales co-existantes.

Faisons abstraction des exemples spéciaux et considérons la chose à un point de vue général. Il est évident que parmi ces vingt-cinq administrations cantonales il y en aura de bonnes et de mauvaises. Comment l'administration fédérale s'y prendra-t-elle avec ces dernières? Peut-elle laisser les unes disposer à leur gré et prendre les autres sous tutelle, ou même les supprimer ? Une telle manière d'agir prendrait les proportions d'une injure faite aux Cantons mêmes. Par conséquent l'administration fédérale verra bientôt la nécessité de créer une organisation qui lui donne la possibilité de prendre sur elle une responsabilité réelle et d'avoir à sa disposition un personnel sur lequel elle puisse agir et compter. En d'autres mots remettre à la Confédération toutes les charges militaires obligera sans aucun doute et nécessairement celle-ci à créer une administration militaire qui lui soit propre et à supprimer les administrations cantonales.

La Commission du Conseil des Etats construit par conséquent un édifice destiné à une ruine prochaine. La dislocation de l'administration et la responsabilité sur deux points différents n'est autre chose que la désorganisation immédiate d'une organisation nouvelle. Cependant la commission avait une idée juste, c'est de considérer comme dangereuse une disposition qui écarterait entièrement les Cantons de l'administration militaire. Mais comme Eve au paradis elle ne put détourner les yeux de cette belle conception, qui lui représentait les Cantons entièrement déchargés de toutes les dépenses militaires. Les Cantons ont soif de ce beau fruit et s'ingé nient à trouver un prétexte pour pouvoir honorablement le saisir.

La commission du Conseil national a très-bien su tirer parti de cette disposition des Cantons dans son propre intérêt. La centralisation militaire s'est travestie en une grande réforme financière pour pouvoir plus facilement s'emparer du terrain. Nous sommes par conséquent obligés de vouer à cette dernière quelque attention......

Après avoir examiné les réformes financières et soulevé ainsi le manteau dont se couvre la centralisation militaire, nous voulons étudier celle-ci d'un peu plus près.

Examinons cette matière au point de vue des principes. Le militaire a deux buts distincts: tantôt il sert à la défense du pays contre un ennemi extérieur, tantôt il doit maintenir l'ordre et le repos à l'intérieur. La défense du pays est en premier lieu l'affaire de la Confédération; le maintien de l'ordre à l'intérieur est l'affaire des Cantons. Il en résulte que, soit la Confédération, soit les Cantons ont également besoin d'une arinée. La conséquence principielle de cet état de

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