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l'exercice d'un droit semblable. Il en résulte que la distinction des lois civiles entre servitudes affirmatives et négatives est applicable en matière internationale. Comme exemples de servitudes négatives nous citons la défense de construire une forteresse, d'établir des forces militaires au-delà d'un chiffre déterminé sur la frontière etc.1 D'autres distinctions, telles que celle de servitutes continuae et discontinuae", nous paraissent peu utiles. Peu importe d'ailleurs que ce soit l'Etat lui-même ou ses nationaux qui soient appelés à jouir de la servitude. Ainsi, par exemple, le droit de couper du bois de campêche dans certaines contrées, au profit des sujets britanniques, formait une clause expresse du traité de Paris de 1763 (art. 17).2

L'extrême limite de ces servitudes est indiquée par le respect mutuel que les nations doivent à leur indépendance: elles ne peuvent jamais avoir pour effet de rendre une nation entièrement dépendante d'une autre. Du moins, tout en restreignant le libre exercice des droits souverains, la laisserontelles subsister comme nation mi - souveraine. C'est au surplus le problème le plus délicat de la théorie, problème que la pratique ne sera que rarement appelée à résoudre.3

Les servitudes publiques s'acquièrent par voie de traités, même sans tradition.1 Elles peuvent aussi être constituées valablement par un usage immémorial (§ 11 ci-dessus). La seule possession d'une servitude toutefois ne suffit pas pour imposer à un État indépendant l'obligation d'en tolérer la jouissance: il peut au contraire exiger en tout temps qu'il en soit justifié par un titre régulier, et la présomption de la liberté militera toujours en sa faveur. Klüber (§ 139), Engelbrecht et Gönner, qui soutiennent la thèse opposée, s'appuient sur les rapports tirés de l'ancien état de choses établi en Allemagne, et il est incontestable qu'encore l'acte fédéral de 1815 (article 11) maintenait entre les États de la Confédération germanique

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1 V. Engelbrecht II, 2. 27.

2 de Steck, Essais. 1775. Gönner § 24. 25.

3 Une formule différente a été proposée par Schmelzing § 239. V. aussi Gönner § 37. 38.

4 Gönner § 67.

l'autorité légale de la possession. Toutefois, entre des souverains entièrement indépendants les uns des autres, la simple possession ne pourra jamais suffire pour établir un droit permanent.

Les traités constitutifs de servitudes internationaux s'interprètent d'après le sens clair et strict des termes y employés. Il n'est pas permis de tirer de la concession d'un droit de souveraineté une induction en faveur d'un autre: dans le doute, c'est seulement le moindre degré du droit qu'il faudra admettre.1 L'usage immémorial s'établit par une jouissance constante et uniforme, conformément à l'adage:,, tantum praescriptum quantum possessum." Dans le doute, l'État obligé ne peut en aucune manière être troublé dans la co-jouissance du droit concédé, à moins que ce dernier ne soit naturellement exclusif ou de nature à ne pouvoir être exercé que par un seul État, ou que l'autre n'ait renoncé à cette co-jouissance. La jouissance d'un droit souverain dans un territoire étranger ne peut s'effectuer que de la manière la moins nuisible ou la plus convenable pour l'État obligé. La concession d'un droit contraire à un droit précédemment établi serait nulle.

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Toute servitude est regardée comme un droit réel permanent, autant par rapport à l'État obligé que par rapport à celui auquel elle est concédée. Elle se transmet activement et passivement aux successeurs et héritiers du pouvoir souverain. Elle prend fin d'après les règles ordinaires de nullité ou de résolution des traités internationaux. Elle s'éteint encore par voie d'abandon, de consolidation et de renonciation expresse. Ainsi p. ex. l'acte de la Confédération du Rhin (art. 34)

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• V. Klüber, Abhandlungen und Beobachtungen. I. 1830. p. 1–57. de Kamptz, Beiträge zum Staats- und Völkerr. I, p. 140. Brauer, Beiträge zum Staatsrecht der Rheinbundstaaten. p. 264. Maurenbrecher, Deutsches Staatsr. § 138 e. Medicus, Rhein. Bund. IV, p. 184. Schmelzer, Verhältnifs auswärtiger Kammergüter. 1819. p. 75.

semble avoir abrogé dans les territoires qui faisaient partie de cette Confédération, toutes les servitudes y établies anciennement. Cependant une grande divergence d'opinions a éclaté sur ce point. Plusieurs auteurs exceptent de l'abrogation tacite les servitudes négatives; d'autres celles fondées sur des priviléges impériaux. Nous pensons que les petits droits régaliens (regalia minora) doivent seuls être exceptés de cette abrogation générale.

5. Droit d'intervention. 1

§ 44. De tout ce que nous avons établi jusqu'à présent il résulte clairement qu'en général aucune puissance n'est en droit de s'immiscer dans les affaires intérieures d'un État étranger. Aucune puissance ne peut donc imposer à un État indépendant, quelque faible qu'il soit, une constitution particulière, ni exiger l'introduction de changements dans celle qu'il s'est donnée, ni s'opposer aux réformes par lui projetées, ni régler les conditions du pouvoir souverain. Aucune puissance ne peut dicter à un État indépendant ses règles de conduite et de gouvernement, ni lui imposer certaines institutions ou le faire renoncer à d'autres. Aucune puissance enfin ne peut prétendre vouloir tracer la ligne politique d'un souverain indépendant. C'est donc le principe de non-intervention qui est le seul vrai, tandis que celui d'intervention n'est qu'un droit exceptionnel, fondé sur des raisons spéciales qui n'ont pas toujours été, dans la pratique des nations, des raisons légitimes et n'ont souvent

1 L'examen des points principaux qui se rattachent à la question du droit d'intervention, se trouve dans Moser, Vers. VI, p. 317 suiv. Vattel II, 54. Günther, Völkerr. I, 280 suiv. de Kamptz, Völkerrechtliche Erörterung des Rechts der europäischen Mächte, in die Verfassung eines einzelnen Staats sich zu mischen. Berlin 1821. (V. la critique dans Hermes XI, p. 142). Traité sur le droit d'intervention par MM. D. et R. Paris 1823. Krug, Dikäopolitik. Leipzig 1824. p. 322 suiv. Wheaton, Histoire du progrès etc. p. 394 suiv. (II, 199). Heiberg, Das Princip der NichtIntervention. Leipzig 1842. H. de Rotteck, Das Recht der Einmischung. Freiburg 1845, et dans le Dictionnaire intitulé: Staats-Lexicon. t. VII. Phillimore I, 433. Halleck, Intern. Law. Chap. IV, § 3. 1. Berner, dans le Staatslexicon de Bluntschli, art. Intervention.

eu d'autre fondement que des intérêts égoïstes. Mais le droit des nations n'admet que des raisons fondées sur la justice.

Pour être exacts nous distinguons, quant à l'objet : l'intervention dans les affaires constitutionnelles d'un pays de celle dans ses affaires de gouvernement, y compris les démêlés politiques de divers gouvernements entre eux. Quant à la forme, nous distinguons encore: l'intervention proprement dite, ou le cas où une nation intervenant comme partie principale dans les affaires intérieures d'une autre, cherche à lui imposer sa volonté par la force même des armes,

de la simple coopération, ou du concours accessoirement prêté à une autorité ou à un parti quelconque de la nation dont les affaires intérieures l'ont motivé.

Enfin on peut user de simples mesures de précaution arrêtées en vue de dangers éventuels, telles que la paix armée,1 et d'une intercession purement officieuse, entreprise par une nation dans son propre intérêt ou dans l'intérêt d'une autre.

Ces formes et ces dénominations diverses d'intervention appartiennent encore à la pratique récente des États. C'est surtout le principe de coopération qui est devenu la base du traité de la quadruple alliance du 22 avril 1834 et de celui additionnel du 18 août de la même année. Cependant longtemps avant déjà il était en usage dans les affaires générales de l'Europe.

Ces diverses mesures ont toutes pour but de provoquer dans les affaires intérieures d'un autre État un changement voulu. Décidément la nature différente des gouvernements ne modifie en rien le caractère des principes internationaux, bien que dans l'ancienne pratique la nature spéciale des États électifs. et fédéraux ait fourni une vaste carrière à toute espèce d'intercession politique. 3

Mot inventé en 1840 par M. Thiers.

V. Martens (Murhard), Nouveau Recueil. t. XI. 1837. p. 808 et t. XII. p. 716.

3 La Confédération germanique, dans un arrêt du 18 septembre 1834, avait adopté un système très-prononcé contre toute intervention étrangère. Martens (Murhard), N. Suppl. Gottingue 1842. p. 56. Il est inutile de

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§ 45. Une intervention proprement dite, par laquelle une puissance, comme partie principale, intervient dans les affaires intérieures de constitution ou de gouvernement d'un État indépendant, ne peut être justifiée que dans les cas suivants:

I. Lorsque l'intervention s'opère avec le consentement formel de cet État, ou en vertu d'une clause expresse d'un traité public qui a pour objet la garantie de sa constitution ou de certains droits, dès que cette clause a été invoquée par l'une des parties contractantes. Des liens fédéraux ou de protection indissolubles peuvent encore motiver le droit d'opposition à des changements projetés ou bien faire provoquer, dans un intérêt de conservation, certains changements à introduire, ou certaines mesures à prendre que le maintien de ces liens rend nécessaires. Ainsi la Diète germanique jouissait du droit d'intervention dans les États de la Confédération, par rapport aux affaires qui touchaient aux institutions fondamentales et aux garanties de cette dernière.

II. Il y a lieu à des mesures d'intervention lorsque les changements intérieurs survenus dans un État sont de nature à porter préjudice aux droits légitimes de l'État voisin. Lorsque, par exemple, les changements auraient pour effet de dépouiller un souverain étranger de ses droits de succession éventuels ou de ceux seigneuriaux, devrait-il se laisser dépouiller de ces droits sans aucune opposition ni résistance?

III. Les nations qui admettent entre elles l'existence d'un droit commun et qui se proposent l'entretien d'un commerce réciproque fondé sur les principes de l'humanité, ont incontestablement le droit de mettre, d'un consentement commun, un terme à une guerre intestine qui dévore un ou plusieurs pays. S'affranchir, même par une intercession armée, d'un état d'inquié tude prolongé, et chercher en même temps à en prévenir autant que possible le retour, c'est resserrer des liens internationaux relâchés.

IV. Une intervention peut enfin avoir le but légitime d'empêcher l'ingérence non justifiée d'une puissance dans les affaires

rappeler que c'est sous la forme d'une intervention que se sont accomplis les premiers actes relatifs au partage de la Pologne.

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