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à créer en leur faveur un mouvement de l'opinion publique.

Quels étaient donc ces « frères » relégués sur les bords de la mer Noire? On l'ignorait généralement, et Quinet disait vrai quand il les disait « oubliés ». Mais après plusieurs siècles d'esclavage, les Roumains ont su triompher à la fois de la résistance des Turcs et de l'inertie ou du mauvais vouloir de la plupart des Puissances, et ont constitué un peuple libre.

Les Roumains descendent de la colonie romaine fondée en Dacie, par Trajan (1), pour servir d'avant-garde et de défense à l'Empire (2).

Les vétérans, laissés après la conquête et retranchés sur les sommets et dans les défilés des Carpathes, ont survécu aux invasions successives et ont transmis à leurs descendants, avec le sang romain, la langue (3) et les traditions latines.

(1) La colonne trajane à fourni de précieux renseignements sur la conquête de la Dacie et sur la fondation de cette colonie romaine.

(2) La nationalité roumaine est le résultat de la combinaison des trois éléments: thrace, slave, latin, celui-ci étant le principal (Xénopol histoire des Roumains, livre IVe).

(3) Edgar Quinet démontre la parenté intime de la langue roumaine avec les autres langues latines. Les savants et les voyageurs ont été longtemps déroutés par les caractères slaves. C'est qu'en effet, les descendants des colons roumains avaient entièrement désappris l'écriture; lorsqu'ils voulurent de nouveau fixer leur pensée par des signes, forcément ils les empruntèrent à leurs voisins; l'alphabet employé a fait longtemps méconnaitre l'origine même de la langue. En outre, le passage des invasions successives, les relations de commerce et de guerre avec des peuples très divers avaient altéré le vocabulaire primitif, la flexion et la syntaxe la langue roumaine a été contaminée surtout par des éléments slaves sans compter les éléments

Au xe siècle, enhardis par un semblant de paix, et poussés par le besoin d'extension, ils quittèrent leurs refuges montagneux et s'établirent dans la plaine. La configuration du sol les força à se diviser en trois groupes c'est l'origine de la Moldavie, de la Valachie, et de la Transylvanie. Situées entre le monde asiatique et l'Europe, englobées dans de puissants empires, ces malheureuses provinces eurent à subir les invasions incessantes des barbares et servirent de champ de bataille à leurs voisins de Turquie, de Hongrie, de Pologne et de Russie.

La Moldavie et la Valachie eurent un instant et tour à tour leur heure de gloire; la Moldavie, au xv siècle, avec Etienne le Grand, qui parvint à repousser Mahomet II et les rois de Hongrie et de Pologne. Un siècle plus tard, c'était la Valachie, dont le prince Michel-le-Brave, réunissait sous son sceptre la Moldavie et la Transylvanie.

Mais, trop faibles le plus souvent pour tenir tête à tous leurs ennemis à la fois, les Principautés durent rechercher l'alliance de l'un d'eux; de là les capitulations conclues aux XIV, XV et XVIe siècles avec la Turquie.

Ces capitulations sont donc une alliance véritable; et les circonstances dans lesquelles elles ont été signées en

tures et helléniques coexistant à côté des formes néo-latines qui en constituent le fond propre.

Aujourd'hui la preuve est faite.

« Conserver par miracle une langue nationale, dit M. Quinet, l'élever en dépit de tous les obstacles, au rang d'idiome cultivé, donne un droit aux hommes et au peuple qui font ces choses. »>

Quand il y a une langue, ajoute-t-il « ce n'est plus la lande déserte, banale, abondonnée au premier occupant. C'est un signe que là habite un peuple, une conscience, une personne, un droit. »> Edgar Quinet, Op. cit., p. 407 et 408;

sont la preuve, elles ne constituent en aucune façon de la part des principautés un acte de sujétion ou de dépendance.

Il y a une certaine inégalité dans les conditions; elle s'explique par l'inégalité des forces (1) des deux parties; mais il serait au moins étrange de trouver dans les rapports de souverain à sujet : des clauses telles que l'interdiction qui est faite aux Turcs de s'établir dans les Principautés ou d'y construire des mosquées, dont partout ailleurs les musulmans font le signe de leur conquête.

Malgré les efforts héroïques de Basile-le-Loup et de Mathieu Bassaraba pour sauver la liberté de leur patrie, les Principautés devaient bientôt devenir la proie des Turcs et des Russes. Elles subirent d'abord l'oppression des Turcs.

Les capitulations, en effet, ne furent pas longtemps observées avec loyauté, et les Turcs s'ingérèrent peu à peu dans l'administration des provinces danubiennes ; après avoir dépouillé la dignité princière de son caractère héréditaire et même viager, le Sultan s'arrogea le droit de nommer lui-même les hospodars.

A partir de 1711, il réduisit à trois ans la durée de leurs pouvoirs et n'admit plus que les Grecs du Phanar à une dignité, vendue désormais au plus offrant.

Alors commença pour les Roumains une période de honte et d'humiliations, flétrie dans leur histoire sous le nom d'époque phanariote et qui en est une des pages les plus tristes. Les Russes profitèrent du mécontentement

(4) Par ces capitulations, les Turcs promettent l'appui de leurs armes et, en échange, reçoivent un tribut.

trop naturel des populations; ils les excitèrent contre le joug ture pour intervenir eux-mêmes, ensuite, en libérateurs. C'est le rôle qu'ils se donnèrent en 1711, 1739 et 1769.

En 1770, ils demandèrent l'indépendance des Principautés, et pour assurer cette indépendance, ils les occupèrent pendant 25 ans! Sur la domination turque allait se greffer la domination russe.

Le traité de Kutchuk-Kaïnardji consacra définitivement l'immixtion des Russes. Les Principautés étaient restituées à Abdul-Hamid, et Catherine exigeait, avec quelques faveurs spéciales, la promesse d'une amnistie générale et d'une diminution de tribut; mais il était stipulé « que, suivant les circonstances où se trouveront les Principautés et leurs souverains, les ministres de la cour de Russie pourraient parler en leur faveur, et elle promet d'avoir égard à ces représentations, conformément à la considération amicale et aux égards que les Puissances ont les unes envers les autres. » Cette immixtion était d'autant moins fondée que la Turquie cédait des droits qu'elle-même n'avait pas (1). En 1775, l'Autriche, qui depuis Carlowitz et Passarowitz possédait la Transylvanie et le Banat de Temeswar, prit la Bucovine.

Les traités de Jassy et de Sistowa confirmèrent le traité de Kaïnardji. Par le traité de Bucarest, 1812, la Russie prit la Bessarabie.

Au moment de la révolte des Grecs, les hospodars phanariotes, trahissant le sultan, firent tous leurs efforts. pour entrainer leurs sujets dans le mouvement insurrec

(1) Cf. Boëresco. Revue de droit international public, 1897, fascicule 3.

tionnel. Ils échouèrent, et la Sublime-Porte, rendit aux Roumains des hospodars indigènes et septennaux. Par le traité d'Akerman (1826), la Porte s'engagea à observer « avec la fidélité la plus scrupuleuse » les traités et actes relatifs aux privilèges reconnus à la Moldavie et à la Valachie.

Dans un acte séparé, il était dit que les hospodars élus par les boïards, et confirmés par le Sultan, ne pourront désormais être destitués par la Porte que du consentement de la Russie. A la suite d'une nouvelle occupation russe, fut signé le traité d'Andrinople qui accrut l'influence russe en proportion de ce que perdait la Turquie (4).

«Par ce traité, dit le prince Bibesco, qui ne laissait subsister entre la Turquie et les Principautés de Valachie et de Moldavie que deux liens: un tribut et l'investiture des princes par le sultan, la Russie imposait à la Porte la protection dont elle entendait couvrir la Moldo-Valachie. En brisant les chaînes qui rivaient ces provinces à la Sublime-Porte, la Russie se créait de nouveaux droits à leur reconnaissance » (2).

Le prince Bibesco est peut-être un peu partial. Somme toute, les Russes (3) ne faisaient que se substituer

(1) C'est de cet acte que le prince Bibesco (règne de Bibesco) fait dater l'indépendance des Principautés.

(2) Bibesco. Le règne de Bibesco, t. I,
P. 7.

(3) A cette époque (c'est-à-dire sous le règlement organique), l'autorité dont les Consuls Russes jouissaient dans ces pays était vraiment abusive, et elle n'alla qu'en augmentant. En 1840, la Russie occupa de nouveau les Principautés, et, seule, la mauvaise fortune des armes lors de la guerre de Crimée arrêta ses progrès inquiétants. Le traité de Paris mit un terme à cette tutelle illégitime autant qu'excessive, puisqu'elle avait été consentie par la Turquie qui n'avait aucun titre légal à le faire. »

Michel Boëresco. Revue de droit international public, mai

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