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villages... Il en est résulté, comme on l'a justement dit, une situation nouvelle, ce qui ne signifie pas qu'il faille y adapter une nouvelle politique... Ce n'est pas au moment où nous pouvons pratiquer la paix avec plus de dignité que nous nous exposerons à la compromettre. La France, ayant conscience de sa force et confiance dans son avenir, continuera de montrer les qualités de prudence et de sang-froid qui lui ont attiré l'estime des peuples et qui ont contribué à lui rendre le rang qu'elle doit occuper dans le monde 1...

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1. Un peu plus tard (8 octobre), dans un discours prononcé à Marseille, Freycinet s'exprimait ainsi : La France, isolée et presque obligée de se désintéresser de ce qui se passait autour d'elle, est redevenue, grâce à la réorganisation de son armée et à la sagesse de sa diplomație, un facteur important de l'équilibre européen. La paix n'est plus seulement dans les mains des autres; elle est aussi dans les nôtres et n'en est, par suite, que mieux assurée..... ›

CHAPITRE VII

L'ALLIANCE FRANCO-RUSSE1

II. Premières

I. Les puissances de la Triplice après les fêtes de Kronstadt. négociations de l'alliance (1891-1892). Causes des atermoiments du tsar. IV. Attitude menaçante de l'Allemagne. V. Attitude de l'Italie. VI. Politique coloniale de la France et de l'Angleterre. VII. Les démonstrations de Toulon et de Paris. VIII. Conclusion de l'alliance.

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(1891-1894.)

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I

Les fêtes de Kronstadt, le retentissement qu'elles avaient eu dans toute l'Europe et l'effervescence patriotique qu'elles avaient causée en France, ne pouvaient laisser indifférentes les puissances de la Triplice et particulièrement l'Allemagne. On sentait bien, dans le monde germanique, qu'il y avait quelque chose de changé dans les rapports des grandes puissances. Mais on ne savait pas

1. SOURCES: Albin (D.), la France et l'Allemagne en Europe; Archives Bonnefons diplomatiques, années 1891-1894; Billot, la France et l'Italie;

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(E.), l'Afrique politique en 1900; Daniel (A.), l'Année politique, années 1891, 1892, 1893 et 1894); Daudet (E.), Histoire diplomatique de l'alliance franco-russe; Deville, le Partage de l'Afrique; Freycinet (C. de). Souvenirs (1878-1893); id., la Question d'Egypte; Gorlof (V. de), Origines et bases de l'alliance franco-russe; Lanier, l'Afrique; Lémonon, l'Europe et la politique britannique; Livres jaunes: Affaires de TerreNeuve (1891-1892); Dénonciation des traités de commerce expirant le Ìo février 1892; Documents diplomatiques, Afrique (nord, ouest, centre), 1881-1898; Délimitation des possessions françaises de la côte occidentale d'Afrique (18891893); Affaires du Congo (1884-1895); Convention commerciale entre la France et la Russie (1893); Affaires de Siam (1893-1901); Indemnité francoitalienne (1893); Marvaud (A.), le Portugal et ses colonies; Tardieu (A.), ́ la France et les alliances; Vie politique à l'étranger, année 1891.

trop quoi, car le texte de l'accord conclu le 22 août 1891 n'était pas connu du public. Dans l'ignorance où il était de cette convention et de la portée précise qu'elle pouvait avoir, le gouvernement de Berlin crut tout d'abord politique de paraître rassuré et d'ajouter foi aux déclarations pacifiques que les cabinets de Paris et de Saint-Pétersbourg multipliaient sans relâche. Il serait toujours temps, pensait-il, s'ils en venaient à des démonstrations belliqueuses dont le sens ne fût pas douteux, d'y répondre par des procédés de même nature. Aussi, en septembre 1891, le nouveau chancelier de l'Empire, M. de Caprivi, dans un discours prononcé à Osnabrück, déclarait-il que la paix générale de l'Europe ne lui paraissait nullement compromise par les démonstrations de Kronstadt et leurs suites. Il ne voulait voir dans la situation nouvelle signalée par Freycinet et par Ribot que la « restauration de l'équilibre européen ». Quant à l'empereur, dont récemment le misogallisme s'était épanché dans un toast, à Erfurt, par des paroles amères contre la mémoire de Napoléon Jer, il affectait maintenant de vouloir les faire oublier à la France par des actes plutôt amicaux à l'égard de cette puissance. C'est ainsi par exemple que, le 21 septembre, il faisait publier une ordonnanee par laquelle la formalité des passeports n'était plus obligatoire en Alsace-Lorraine que pour les étrangers servant dans l'armée active de leur pays, pourvus du grade d'officier ou appartenant aux écoles militaires, et pour les personnes ayant perdu la nationalité allemande et qui, n'ayant pas satisfait à la loi militaire, n'avaient pas dépassé leur quarante-cinquième année d'âge.

Un peu plus tard (novembre), le chancelier, fidèle au mot d'ordre de son maître, développait longuement, dans un discours au Reichstag, cette idée que les fêtes de Kronstadt n'avaient absolument rien dont pût s'alarmer le patriotisme germanique, et qu'elles consolidaient au contraire la tranquillité générale, tout comme le récent renouvellement de la triplice. « La guerre disaitil, s'est-elle rapprochée d'un pouce à la suite de l'entrevue de Kronstadt? Je ne le crois pas. Je ne suis pas prophète. Il est possible que la guerre éclate et que nous ayons à faire face à l'ennemi de deux côtés; mais que l'entrevue de Kronstadt donne lieu à des inquiétudes plus grandes que celles que l'on a eues jusqu'ici, je le conteste absolument. J'ai la conviction la plus ferme - ferme

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comme un roc que les intentions personnelles de l'empereur de Russie sont les plus pacifiques du monde. Je suis également convaincu qu'aucun gouvernement ne peut désirer provoquer une guerre de nos jours... »

A la mème époque, M. de Kalnocky, chancelier d'AutricheHongrie, parlant devant les délégations des deux gouvernements, ne tenait pas un langage fort différent. Mais le troisième membre de la Triplice, c'est-à-dire l'Italie, se montrait visiblement moins rassuré, ce qui tenait sans doute à ce que le rapprochement qui se préparait depuis quelque temps entre le gouvernement de Paris et le Vatican lui faisait craindre qu'une réconciliation se produisant entre le Saint-Siège et la France, cette puissance ne prît vis-à-vis d'elle une attitude hostile et agressive. On sait que la politique du Ralliement à la République avait été amorcée l'année précédente par le toast retentissant que le cardinal Lavigerie, archevêque d'Alger, avait prononcé dans cette ville en novembre 1890. Elle avait été depuis contrariée par les menées non seulement du parti royaliste', mais du clergé français, qui, en majorité, répugnait à reconnaître la forme républicaine de notre gouvernement et ne perdait aucune occasion de lui manifester son hostilité. L'incident provoqué au commencement d'octobre 1891 par les pèlerins que des évêques français avaient conduits à Rome et dont quelques-uns avait manifesté en l'honneur du pape-roi, avait, par contre-coup, produit dans notre pays une recrudescence d'exaltation anti-cléricale dont témoignaient les interpellations adressées à Freycinet en décembre à la Chambre des députés et au Sénat et qui le mettaient en demeure de se prêter à la séparation de l'Église et de l'État, souhaitée par l'extrême gauche. Ce ministre, qui désirait au contraire faciliter au pape Léon XIII, dont il connaissait les dispositions relativement conciliantes, un rapprochement tel quel avec la République, avait tout d'abord esquivé la difficulté. Après le manifeste quelque peu provocant publié en janvier 1891 par cinq cardinaux français, il lui fallut présenter aux chambres un projet de loi sur les associations dont l'opposition voulait qu'il fit le prélude de la séparation. Son refus de se

1. V. A. Debidour, l'Église catholique et l'Étal sous la troisième République, t. II, chap. I.

plier à cette exigence amena sa chute le 18 février suivant, et le ministère Loubet, qui lui succéda le 27, suivit la même ligne politique que lui. C'est dans le même temps que Léon XIII, qui avait déjà donné tant de preuves de son opportunisme, invita enfin publiquement, par une encyclique célèbre (16 février 1892), le clergé catholique de France à cesser de combattre le principe du gouvernement établi. Quel que dût être le succès d'une pareille instruction, l'on comprend que le cabinet italien dût s'en alarmer et que la perspective même lointaine d'un accord possible entre la République française et le Vatican, d'où pourrait résulter le rétablissement de la papauté temporelle, ne fût pas pour améliorer ses rapports avec le cabinet de Paris. Et de fait les méfiances qui les avaient altérés depuis quelques années allaient encore s'aggraver et compromettre ainsi cette paix de l'Europe que Caprivi et Kalnocky affectaient de croire confirmée.

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HOOVER WAR
COLLECTION

Le chancelier d'Allemagne n était pourtant pas tout à fait dans le faux en affirmant que la tranquillité générale de l'Europe n'était pas sérieusement menacée. Il est certain que l'entente franco-russe n'était pas encore une alliance. Sans doute la nation française la regardait comme telle et, par un malentendu manifeste, y voyait comme le prélude de cette revanche nationale qu'elle souhaitait passionnément depuis vingt ans. On croyait trop complaisamment chez nous qu'en écoutant la Marseillaise à Kronstadt le tsar avait protesté contre le traité de Francfort et fait connaître

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1. Ce ministère était ainsi composé : Loubet (Présidence du Conseil et Intérieur); Ricard (Justice et Cultes); Freycinet (Guerre); Cavaignac (Marine); Léon Bourgeois (Instruction publique et Beaux-Arts); Ribot (Affaires étrangères); Rouvier (Finances); Viette (Travaux publics); Jules Roche (Commerce, industrie, colonies); Develle (Agriculture). LOUBET (Émile), né à Marsanne le 31 déc. 1838; avocat à Montélimar; député de la Drôme (20 février 1876), réélu en 1877 et 1881; sénateur de la Drôme (1885), réélu en 1894; président de la gauche républicaine du Sénat; ministre des Travaux publics (12 déc. 1887); président du Conseil et ministre de l'Intérieur (28 février 1892); ministre de l'Intérieur dans le cabinet Ribot (6 décembre 1892); démissionnaire (10 janvier 1893); président de la commission des douanes du Sénat (1893); président du Sénat; président de la République de 1899 à 1906.

DEBIDOUR.

(1878-1904).

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