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Cependant, au point de vue purement théorique, Bulmerincq estime que le blocus pacifique, quoique étant de fait incontestablement un acte de guerre, n'a pas nécessairement ce caractère. Il peut être pratiqué par des nations qui sont en paix, au même titre que les actes de rétorsion et de représailles.

<<< Il est loisible aux Etats d'employer de semblables moyens avant de recourir au moyen extrême, la guerre, car c'est seulement la guerre et non point le blocus qui est le dernier moyen. »

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Cette considération engage M. de Bulmerincq à admettre en droit

le blocus pacifique, mais sous les restrictions suivantes :

1° Qu'il ne soit pratiqué qu'à titre de représailles;

2o Et sous l'observation des règles admises pour les représailles;

3o Qu'il ait une cause juste, indiquée dans l'acte de publication du blocus;

4° Que les navires de la puissance bloquée soient simplement séquestrés et qu'ils soient restitués après l'acquittement des obligations dont le blocus pacifique a pour but d'assurer l'exécution;

5° Que les navires neutres soient simplement empêchés d'entrer dans la zone bloquéc ou d'en sortir et qu'ils ne soient ni séquestrés ni confisqués ;

6° Que le blocus pacifique soit, comme le blocus de guerre, déclaré, notifié et effectif, et qu'il soit accordé aux navires neutres un délai suffisant pour achever leur chargement et pour quitter les lieux bloqués ;

7° Que le blocus pacifique soit levé aussitôt que l'obligation qui l'a rendu nécessaire a été acquittée par la puissance bloquée (1).

Perels écarte l'argument qu'on pourrait tirer, contre la légitimité du blocus pacifique, du fait que c'est là une institution des temps modernes, le développement progressif des nations amenant forcément l'application de principes et d'institutions nouvelles.

Il ne considère que la validité de l'acte in abstracto, et indépendamment de la légitimité de son objet.

Peut-on, dit-il, sans déclaration de guerre, et en l'absence d'un état de guerre effectif, décréter un blocus, soit comme représailles, soit comme intervention, et une telle mesure s'accordera-t-elle avec le caractère des rapports internationaux ?

(1) Bulmerincq, Journal du Droit international, t. II, pp. 569 et seq.

Perels.

Résumé.

Dérivé, non du droit de blocus en temps de guerre, mais du droit d'intervention ou de représailles, le blocus pacifique est pour M. Perels « un acte de légitime coercition internationale. » Reste la question des limites de sa force obligatoire envers les nations tierces dont les intérêts sont atteints.

Voici quels sont à ce double point de vue les principes que M. Perels propose à l'adoption de l'Institut de Droit international: 1° L'établissement d'un blocus en dehors de l'état de guerre n'est pas contraire au droit des gens ;

2o Le blocus pacifique doit être déclaré et notifié officiellement et maintenu par une force suffisante; un délai doit être accordé aux navires des nations hors de cause, délai suffisant pour achever leur chargement ou leur déchargement, et pour quitter les ports bloqués ;

3o Les navires de la puissance bloquée qui ne respectent pas un tel blocus peuvent être séquestrés. Le blocus ayant cessé, ils doivent être restitués avec leurs cargaisons, à leurs propriétaires, mais sans dédommagement à aucun titre;

4° Les navires de pavillon étranger peuvent simplement être empêchés de passer la ligne de blocus (1).

§ 1859. La majorité des publicistes dont nous avons rapporté ici l'opinion, est, comme on le voit, contraire à la légitimité du blocus; ils voient dans cette mesure, non pas un acte de représailles compatible avec l'état de paix, mais un acte de guerre bien caractérisé. Pour eux, les neutres n'ont aucune obligation de respecter un blocus pacifique; pour quelques-uns même, ils ont le devoir de n'en tenir aucun compte.

Les auteurs partisans, comme Heffter, Cauchy, Perels et Bulmerincq admettent le blocus en tant que moyen de coercition, sorte de diminutif de la guerre, ayant le caractère de représailles pacifiques, et soumises à de certaines règles fixes.

Quant à nous, nous reconnaissons ce qu'il y a de respectable et de fondé dans l'une et l'autre opinion, mais, nous défiant du danger qu'il y a pour la science du droit des gens, à se laisser guider par des considérations trop idéalistes ou personnelles, nous chercherons une solution pratique de la question dans l'examen historique des cas de blocus dont nous venons d'exposer en détail les motifs et l'issuc finale.

Tout d'abord, le blocus pacifique nous semble un acte incontes

(1) Session de l'Institut de Droit intern. 1887, pp. 13 et seq.

tablement agressif, hostile et portant gravement atteinte aux droits imprescriptibles de tout Etat indépendant; en un mot, un acte de guerre. Sur ce point, notre opinion personnelle, qui est conforme à celle de la plupart des auteurs précités, s'appuie encore de celle de deux hommes d'État, dont l'avis a d'autant plus de poids dans la question, qu'ils ont eux-mêmes décrété et fait exécuter des blocus pacifiques. A l'occasion de la prise du navire brésilien le Comtede-Thomar, capturé pour avoir voulu franchir la croisière établie devant le port de Buenos, M. Guizot, ministre des affaires étrangères, interpellé à ce sujet par le conseil d'État, répondit en ces termes : « Nous nous sommes trouvés là dans une situation très difficile, nous faisions un blocus, ce qui n'est pas la guerre complète, la guerre déclarée (1). »

Lord Palmerston s'exprime beaucoup plus catégoriquement. Il écrivait en 1846 à lord Normandy, ambassadeur à Paris, au sujet du blocus de la Plata : « En vérité, le blocus français et anglais de la Plata a été illégal du commencement jusqu'à la fin. Peel ct Aberdeen ont toujours déclaré que nous n'avons pas été en guerre avec Rosas; or le blocus est un droit de belligérant, et à moins qu'on ne soit en guerre avec un État, on n'a pas le droit de défendre aux vaisseaux étrangers de communiquer avec les ports de cet État, on ne peut même pas interdire cette communication à ses propres navires. Aussi je pense qu'il est important, pour légaliser rétrospectivement les opérations du blocus, de clore les opérations par une convention formelle de paix entre les deux puissances et Rosas (2). »

Au reste, aucun traité ne donne une sanction formelle aux blocus en temps de paix. Au contraire, les expressions dont ils se servent pour désigner les Etats en cause, éveillent toujours l'idée de guerre et de rapports belliqueux. Le texte même des déclarations annexes du traité du 16 avril 1856, établit que les blocus, pour être valables, doivent être effectifs, et ils ne les admettent plus que comme un état de guerre.

Nous ne croyons donc pas qu'un blocus puisse être pacifique, mais nous allons plus loin et nous estimons, comme cela ressort de l'exposé des faits, que la plupart des blocus pacifiques, et notamment ceux du Rio de la Plata et du Mexique en 1838, ainsi que

(1) Discours de M. Guizot, le 8 février 1841, à propos du blocus pacifique de Buenos-Ayres; Moniteur du 9.

(2) Lord Dalling. Vie de Lord Palmerston, t. III, p. 327,

Guizot.

Lord

Palmerston.

celui de la Grèce en 1850, ont été des actes abusifs, froissant les sentiments de justice, et qui, sans même procurer aux nations bloquentes, les avantages matériels qu'elles poursuivaient, ont diminué leur prestige et attiré sur elles la réprobation unanime de l'Europe et de l'Amérique.

Mais, quelque décevant que soit l'examen historique de ces blocus, des motifs avoués ou secrets des Etats qui les ont exécutés, des actes tragiques et violents qui les ont accompagnés ou suivis, doiton nécessairement renoncer, pour cela, à voir les usages internationaux, après une suite d'essais, arriver à la juste application d'un principe utile en ce qu'il permettrait à la force d'imposer le bon droit, en évitant, sinon tous les dommages matériels de la guerre, du moins l'effusion du sang et les actes inhumains qui l'accompagnent.

Le blocus de la Grèce en 1886, vu ses motifs d'intérêt général et ses conséquences bienfaisantes pour la paix de l'Europe, plaide en faveur du principe du blocus pacifique. Résolu dans un but de paix par l'autorité collective des grandes puissances, par le concert européen, il nous semble donner, malgré les doutes que l'on pourrait élever sur la légitimité d'une intervention des puissances dans les affaires politiques d'une nation indépendante, le modèle du procédé d'après lequel un blocus pacifique doit être décrété pour s'imposer légitimement au respect des nations neutres.

Ce n'est, en effet, que subordonné à la légitimité de sa cause, que nous admettons le blocus pacifique à titre de représailles et comme dernier moyen d'éviter les calamités de la guerre. Mais, quant à la légitimité du blocus, à quel criterium s'en remettre? Toutenation, quand ses susceptibilités sont froissées, ses intérêts lésés, exaltée par l'ardeur du débat, croit ou prétend croire à la justice de sa cause. Aussi n'est-ce pas aux hommes d'état d'un seul peuple que nous voudrions voir trancher une question si grosse de conséquences. Nous voudrions qu'un blocus pacifique ne fùt et ne pût être considéré comme légitime par l'ensemble des nations que quand il aurait été jugé nécessaire et justement motivé, comme dans le cas de 1886, par le consentement unanime d'un nombre suffisant d'hommes d'Etat, représentant assez de points de vue divers et d'intérêts opposés pour qu'on puisse croire que l'opinion de la majorité se rapproche autant de l'équité absolue qu'on peut l'attendre des jugements humains.

La légitimité du blocus ainsi établie par le consentement unanime, conformément au précédent établi en 1886, sa mise en pra

tique devrait être entourée des précautions et des garanties que l'usage a consacrés relativement au blocus en temps de paix, telles que notifications officielles, avertissements particuliers, croisières effectives.

Quant à la question de la conduite à tenir vis-à-vis des neutres, elle serait en partie résolue par le procédé même par lequel on aurait décrété le blocus: toutes les nations intéressécs ayant déclaré cette mesure nécessaire et légitime, chacune d'elle se serait par là, même engagée à en favoriser l'accomplissement. Au reste, conformément à la pratique de 1886, le blocus ne s'exercerait que sur les navires de la nation bloquée, pleine liberté étant laissée aux navires des neutres. Une autre pratique qu'a établi ce même blocus et que nous admettons comme règle, c'est que les navires de la nation bloquée, ne sont plus confisqués ou saisis, mais simplement détenus jusqu'à la solution du conflit.

Soumis à de pareilles conditions, le blocus pacifique changerait de caractère d'arme dans la main des grandes puissances pour imposer leur volonté aux puissances secondaires, il deviendrait un moyen réservé au concert des nations pour réprimer les actes politiques soulevant la réprobation universelle, et évidemment contraire à la justice et au bon droit (1).

(1) Au moment où nous écrivons ces lignes, nous parviennent les décisions de l'Institut de droit international, dans sa session de 1887, décisions que nous transcrivons ici et que nous sommes heureux de trouver d'accord avec nos idées et formulant nettement des principes qui dès longtemps étaient les nôtres :

La majorité des membres de l'Institut qui, en 1874, avait prononcé que « le blocus pacifique ne constitue pas, suivant les règles du droit international, un moyen de contrainte régulier », a en effet, modifié comme suit son opinion:

L'établissement d'un blocus en dehors de l'état de guerre ne doit être considéré comme permis par le droit des gens que sous les conditions suivantes :

1o Les navires de pavillon étranger peuvent entrer librement malgré le blocus;

2o Le blocus pacifique doit être déclaré et notifié officiellement, et maintenu par une force suffisante;

3. Les navires de la puissance bloquée qui ne respectent pas un pareil blocus peuvent être séquestrés. Le blocus ayant cessé, ils doivent être restitués avec leurs cargaisons à leurs propriétaires, mais sans dédommagement à aucun titre.

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