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Théodore
Woolsey.

Funk Brentano et Albert Sorel.

Francis

Lieber.

liation et d'autorité morale pour mener à bien leur tâche délicate. L'arbitrage n'est donc en réalité qu'un accident heureux; ce n'est pas une institution. >>

L'ex-président du collège d'Yale (États-Unis), M. Théodore Woolsey, reconnaît que des guerres ont été prévenues par l'emploi de l'arbitrage; mais il objecte que « un pareil mode de procéder semble hérissé de difficultés, soit parce que l'arbitre n'a qu'une connaissance imparfaite du sujet qui lui est déféré, soit parce qu'il est porté à trancher le différend dans le désir de rester en bons termes avec les deux parties, ou par incapacité d'arriver à une décision sùre. Le défaut fondamental réside dans la faiblesse du droit international dans les cas de controverse, faiblesse qui résulte de la souveraineté des nations et du fait qu'elles n'ont point d'arbitre national à qui déférer leurs litiges en toute confiance ».

Dans leur Précis du droit des gens, MM. Funk Brentano et Albert Sorel envisagent la pratique des arbitrages comme une sauvegarde pour l'indépendance des petits États: c'est ce qui arrive, par exemple, lorsqu'un État très fort abuse de sa puissance pour exiger d'un État plus faible des concessions que cet État juge contraires à ses devoirs et à ses droits, lorsque l'État le plus faible a épuisé toutes les ressources des négociations directes et que, sous le coup d'une menace de guerre et pour éviter l'inimitié d'un voisin redoutable, il serait contraint de céder ». Mais en pareil cas « il faut, pour que l'arbitrage sauve l'État faible du danger qui le menace, que l'État le plus fort accepte le recours aux arbitres, et il ne peut être conduit à l'accepter que par la réflexion, la sagesse, une connaissance plus approfondie de ses intérêts propres et des intérêts généraux ». Aussi, ne fùt-ce qu'à ce point de vue, la pratique des arbitrages constituc« un des progrès réels du droit des gens ». C'est dans le même ordre d'idées que M. Francis Licber (1) apprécie « l'arbitrage international, auquel ont eu recours librement de puissants gouvernements dans la conscience de leur complète indépendance et de leur souveraineté propre »; et il le considère comme « un des traits qui caractérisent le mieux les progrès de la civilisation, comme le triomphe de la raison, de la loyauté et de la soumission à la justice sur les bravades de la force et les fureurs de la vengeance ». Il regrette cependant que « cette institution, qui appartient aux temps modernes, si elle porte la noble empreinte de l'époque la plus récente, conserve encore l'impur alliage de périodes

(1) Lettre à M. W. Seward, Revue de droit international, 1870, p. 480.

plus grossières »; aussi « demande-t-elle à être améliorée et développée c'est ce que réclame le droit international ».

M. Emile de Laveleye, recherchant « les causes actuelles de la guerre », frappe droit au but.

« Le sauvage, dit-il, tue celui qui lui dispute son bien; l'homme civilisé l'assigne devant le tribunal. Tous les deux poursuivent leur intérêt de la façon qui leur paraît la plus avantageuse. Les nations agissent comme les sauvages, parce qu'il n'y a pas de tribunal qui puisse leur faire rendre justice. Constituez ce tribunal, et elles auront intérêt à lui soumettre leurs différends au lieu de s'entr'égorger. » Il en conclut à la nécessité, non seulement d'un Code de droit international, mais aussi d'une Cour arbitrale pour juger les différends futurs entre les gouvernements qui auraient accepté ce Code. M. Charles Lucas, membre de l'Institut, voit dans l'arbitrage international la bonne voie, celle de la justice, celle de l'équité, celle de la raison, celle de la conscience, celle enfin de la primauté du droit sur la force ». Il en constate la pratique dans les groupes des États confédérés; mais il conçoit que la question. ne soit pas aussi simple à l'égard des autres peuples qui vivent séparément en conservant toute l'indépendance de leur autonomie. Cependant «< cette indépendance », dit-il, « ne saurait être un obstacle à la reconnaissance par ces peuples du principe de la primauté du droit sur la force, dont l'arbitrage international est l'expression, et dont le désaveu les rendrait indignes d'être rangés au nombre des nations policées ».

M. le comte Kamarowsky arrive à la conclusion suivante :

«

Beaucoup de circonstances de la pratique internationale, qui va en se développant, préparant la création, entre États, d'un tribunal que les jurisconsultes et les philosophes réclament chaque jour davantage. Toutes les irrésolutions à son sujet ne sont pas encore, tant s'en faut, levées. On les constate dans chaque entreprise nouvelle et difficile; on se l'explique et elles ne se disperseront pas, il faut le croire, avant que la pratique elle-même les ait réfutées. La science doit, de son côté, réagir contre ces irrésolutions et insister sur l'introduction la plus prompte de ce que, après une délibération sérieuse, elle a reconnu comme étant une vérité. » M. le comte Sclopis, un des jurisconsultes les plus autorisés de l'Italie, en ouvrant, comme président, les débats du tribunal arbitral de Genève, s'est exprimé en ces termes :

« Nous sommes arrivés à une époque où dans les régions les plus élevées de la politique l'esprit de modération et le sentiment

Émile do Laveleye.

Charles
Lucas.

Kamarowsky.

Comte Sclopis.

Henry Richard.

de l'équité commencent à l'emporter sur les tendances de la vieille routine, dont le fondement est l'arbitraire insolent ou l'indifférence coupable, à diminuer les occasions de conflit, à atténuer les maux de la guerre, à placer les intérêts de l'humanité au-dessus de ceux de la politique. Telle est la tâche vers laquelle se tournent tous les cœurs nobles et grands..... L'histoire n'oubliera pas que les États-Unis et le Royaume-Uni, engagés dans un conflit sérieux, et tous les deux peu enclins à céder, sont néanmoins convenus d'assurer la paix et non seulement de régler ainsi leurs propres affaires, mais de donner un exemple qui peut être riche en bienfaits pour les autres peuples (1). »

M. Henry Richard, membre du Parlement anglais, s'attache à rétorquer les principales objections soulevées contre l'application de l'arbitrage et qui toutes prouvent, dans son opinion, que la question n'a pas été loyalement étudiée.

On objecte que les arbitres peuvent se tromper. « Mais, réplique-t-il, un tribunal peut se tromper; parce que le cas s'est présenté, devons-nous ne pas établir de tribunaux ? »

Une autre objection, c'est que souvent les motifs de guerre mis en avant ne sont pas toujours les vrais motifs; or, cette objection plaide plutôt en faveur de l'arbitrage, qui mettrait à l'épreuve l'esprit d'équité des parties ou dévoilerait l'injustice. Quant à alléguer qu'il est humiliant pour une nation de se soumettre à une décision étrangère, M. Richard trouve que c'est là un reste du vieux préjugé qui prétendait que les querelles entre particuliers ne peuvent être réglées que par la mort de l'un ou de l'autre. De notre temps nous n'éprouvons aucune difficulté à soumettre nos querelles privées à la décision de la raison; pourquoi les nations n'agiraient-elles pas de même? L'arbitrage n'est que l'une des deux alternatives, et pour l'estimer à sa valeur, il faut lui comparer l'autre.

A cette autre objection que la décision pourrait être entachée de mauvaise foi, M. Richard oppose le grand nombre de cas qui, depuis cinquante ans, ont été soumis à l'arbitrage des chefs de différents peuples et dont aucun n'a jamais été suspecté d'impartialité.

M. Richard n'en conclut pas que l'arbitrage soit une panacée pour régler tous les conflits internationaux; il ne le considère que comme un expédient imparfait et provisoire. « Ce dont on a besoin, ajoute-t-il, ce n'est pas d'un arbitre, mais d'un juge, d'un tribunal autorisé, revêtu des attributs de sa charge et armé des pouvoirs

(1) Voir le Bund, journal de Berne, du 5 juillet 1872.

d'une cour judiciaire. Ce serait faire ce qu'il faut que de donner de la suite et de l'unité au droit des gens et d'en faire ainsi la préface d'un système de juridiction internationale autorisée et permanente. » Enfin, nous citerons encore l'opinion de M. Arthur Desjardins, membre de l'Institut.

« Si la pratique des arbitrages, dit-il, continue à s'enraciner dans les mœurs internationales, on arrivera d'abord à reconnaître unanimement (on commence à le reconnaître) qu'il est absurde de trancher certaines sortes de dissentiments par un appel aux armes, et peut-être finira-t-on par s'avouer qu'il est possible de trancher autrement des conflits plus compliqués ou plus graves. Ce serait peut-être un moyen d'acheminer l'Europe vers l'établissement de cette commission internationale appelée à donner un avis sur les questions litigieuses ou même, le cas échéant, à constituer ce tribunal international dont MM. de Parieu, Lorimer, Bluntschli ont, dans ces derniers temps, proposé la formation. En tout cas, le droit international entrerait ainsi dans une nouvelle phase. La guerre ne serait pas supprimée, mais elle serait évitée quand elle ne serait pas inévitable. Ce serait, de tous les progrès, le plus incontestable et le plus utile à l'humanité (1).

>>

Arthur Desjardins.

SECTION IV.

AVENIR DE L'ARBITRAGE.

TRIBUNAL INTERNATIONAL.

§ 1776. Comme on l'a vu par l'exposé qui précède, l'arbitrage a joué, de tout temps, un rôle important dans les rapports internationaux; de tout temps on a eu recours à ce moyen pour prévenir les suites funestes des différends entre les États. Les bons offices qu'il a rendus légitiment le vœu unanime des jurisconsultes et des philosophes, de voir les nations recourir à cette institution, non plus d'une manière occasionnelle et facultative pour apaiser leurs conflits, mais bien pour les prévenir, considérant l'arbitrage comme un pouvoir permanent et irrécusable.

C'est là une idée qui n'est pas exclusivement du domaine spéculatif; elle a trouvé déjà en quelque sorte la résolution de son prin

(1) Desjardins, Les derniers progrès du droit int. Revue des Deux-Mondes, 15 janvier 1882, p. 354.

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cipe dans les Cours suprêmes des confédérations; les traités intervenus entre les États ont fait du recours à l'arbitrage une de leurs clauses préventives les plus importantes; au sein des Assemblées législatives des plus grands États, des esprits généreux se sont prononcés en sa faveur; enfin, des sociétés humanitaires et philanthropiques, des associations de juristes se sont proposé comme but de leurs efforts la réalisation du tribunal d'arbitrage international.

§ 1777...... Les États qui formaient la fédération de l'ancienne Grèce avaient établi au-dessus d'eux un tribunal suprême permanent qui se réunissait deux fois l'an : le Conseil des Amphictyons avait pour mission principale de prévenir par ses décisions arbitrales les guerres qui auraient pu s'élever entre les Etats confédérés. Si l'Etat condamné ne se soumettait pas à la sentence amphictyonique, l'assemblée était en droit d'armer contre elle toute la confédération.

§ 1778. Dans l'Union hanséatique, les différends entre les villes confédérées devaient être réglés par des arbitres choisis par elles ou, à partir de 1418, par la ville de Lubeck.

La célèbre constitution de 1495, qui défendait sous peine d'amende et de déchéance toute guerre entre les Etats confédérés de l'Empire d'Allemagne, avait institué deux Cours suprêmes de compétence parallèle et entièrement indépendantes l'une de l'autre : la Chambre impériale (Reichskammergericht) et le Conseil aulique (Reichshofrath). Le premier de ces conseils fut réorganisé à plusieurs reprises depuis sa création; il ne fut constitué définitivement qu'en 1539 et siégea jusqu'à la chute de l'Empire d'Allemagne en 1806. Les membres en étaient inamovibles et désignés par les hauts fonctionnaires de l'Empire, l'Empereur ne nommait qu'un membre, un conseiller et deux présidents. Par contre, l'Empereur nommait le président, le vice-président et les dix-huit juges du Conseil aulique qui, dissous à chaque changement de règne, avait une indépendance beaucoup moindre vis-à-vis du pouvoir impérial.

Ces Cours suprêmes jugcaient en appel des arrêts des tribunaux austrégaux ou d'arbitrage qui, sans être officiels ni dépendre du compromis intervenu entre les parties, jugeaient en vertu d'un consentement général et unanime.

Pour avoir force de loi et être suivis d'exécution, les décisions des tribunaux austrégaux devaient recevoir la sanction des tribunaux suprêmes. Ces derniers dit M. de Mohl, ont été durant leur existence trois fois séculaire, d'une grande utilité pour l'Allemagne, et, après la dissolution de l'Empire, on en regrettait beaucoup la perte irréparable. Actuellement, d'après la constitution de 1871, les membres de

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