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Tentative d'assassinat

Des soldats russes, aux ordres d'un officier, firent le 3 avril une descente dans l'hôtel du ministre de Suède et enlevèrent deux de ses domestiques, sous prétexte qu'ils avaient vendu clandestinement des boissons que la ferme impériale avait seule le privilège de débiter. L'impératrice Élisabeth ordonna aussitôt d'arrêter les auteurs de cette violence et de donner satisfaction au ministre suédois, qu'elle jugeait offensé dans ses prérogatives, et elle lui fit remettre, ainsi qu'aux autres ministres des puissances étrangères, une déclaration dans laquelle elle témoignait son indignation de ce qui s'était passé et faisait part des ordres qu'elle avait donnés au Sénat de faire le procès au chef du bureau établi pour empêcher la vente clandestine des liqueurs, qui était le principal coupable.

Une pareille doctrine, si elle a pu être adoptée à une certaine époque, n'a pas prévalu dans les temps plus rapprochés de nous; il ne pouvait en être autrement, grâce au progrès des idées d'équité et de justice internationale; car, comme nous l'avons déjà exposé, son application troublerait, selon nous, les notions les plus élémentaires du droit.

§ 1505. Nous n'avons pas besoin, d'ailleurs, de raisonner par pure commise a hypothèse; car voici un fait qui s'est produit en France il y a bassade de quelques années à peine :

l'hôtel de l'am

Russie en France par un sujet russe.

Le 24 avril 1867, un sujet russe, M. Mickilchenkorff, se présenta à l'ambassade de son pays à Paris en sollicitant un secours. A la suite du refus qu'il essuya, il se jeta, armé d'un poignard, sur un des attachés, M. de Balsche, qu'il blessa, ainsi que deux autres personnes accourues aux cris de la victime pour arrêter l'agresseur. L'autorité française compétente ayant été requise par le premier secrétaire de prêter main forte, des agents de police pénétrèrent dans l'intérieur de l'hôtel de l'ambassade et s'emparèrent du coupable, qui fut aussitôt conduit en prison et traduit en Cour d'assises.

Quelque temps après, l'ambassadeur de Russie, M. le baron de Budberg, qui était absent au moment de l'événement, étant revenu à Paris, réclama l'extradition du coupable, en faisant valoir que Mickilchenkorff était sujet russe, que sa tentative d'assassinat avait eu lieu dans l'intérieur de l'hôtel de l'ambassade russe, et que dès lors, en vertu du principe de l'exterritorialité, il ne pouvait appartenir aux tribunaux français de connaître du crime. Le gouvernement français refusa de se dessaisir du coupable et d'abandonner la procédure commencée contre lui. Il fit valoir, avec toute raison

suivant nous, qu'en principe la fiction légale invoquée n'avait pas l'étendue qu'on prétendait lui donner, et que, dans l'espèce, le principe d'exterritorialité n'était pas applicable, puisque les parties intéressées y avaient explicitement renoncé en faisant elles-mêmes appel à l'intervention de la force publique française.

Le gouvernement russe finit par admettre la compétence du tribunal local; la procédure engagée suivit son cours, et Mickilchenkorff, jugé à Paris, fut condamné conformément à la loi territoriale.

Les publicistes sont loin d'être d'accord sur la portée du droit d'exterritorialité. Les uns ne voient dans ce droit qu'une figure de rhétorique et s'en tiennent pour l'application pratique aux accords spéciaux intervenus entre les nations, tandis que les autres restreignent l'immunité à la première et tout au plus à la seconde classe des ministres publics, en excluant absolument de son bénéfice les agents de rang inférieur et les simples subordonnés, secrétaires, employés ou serviteurs. Pour nous, nous plaçant sur le terrain le plus généralement accepté, nous croyons indispensable d'accorder à l'exterritorialité la même étendue qu'à l'inviolabilité, c'est-à-dire d'admettre que l'immunité protège toutes les personnes qui vivent avec l'ambassadeur.

Au fond, l'exterritorialité est la conséquence et non le principe de l'inviolabilité; en effet, l'agent diplomatique est libre jusqu'à un certain point de renoncer aux immunités juridictionnelles qui lui appartiennent; mais il ne l'est pas de laisser porter atteinte au privilège d'inviolabilité. Il ne faut jamais perdre de vue que l'inviolabilité constitue un droit inhérent à la charge de ministre public, tandis que l'exterritorialité n'en est qu'une qualité accidentelle ; c'est ainsi que l'on parvient à éclaircir des questions fort délicates, qui autrement échappent à toute appréciation logique, à toute solution vraiment pratique *.

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Grotius, Le droit, liv. II, ch. xvIII, §§ 1-6; Bynkershoek, De foro, cap. I, XVII-XIX; Fœlix, t. I, liv. II, tit. 2, ch. II, sect. 4; Phillimore, Com., vol. II, ch. VI-VIII; Klüber, Droit, §§ 203, 204; Heffter, § 205; Wheaton, Élém., pte. 3, ch. 1, § 14; Vattel, Le droit, liv. IV, ch. VII; Pufendorf, De jure, lib. VIII, cap. iv, no 21; Twiss, Peace, §§ 183, 200; Martens, Précis, § 215; Martens, Guide, § 29; Réal, Science, t. V, ch. 1, sect. 7, nos 4 et seq.; Montesquieu, Esprit, liv. XXVI, ch. XXI; Wicquefort, L'ambassadeur, liv. I, ch. XXVII-XXIX; Fiore, t. II, pp. 567 et seq.; Garden, Traité, t. II, pp. 141-143; Bello, pte. 3, cap. 1, § 3; Riquelme, lib. II, cap. ad. 11, Rutherforth, b. 2, ch. Ix, § 20; Burlamaqui, Principes, ch. XIII, § 5; Halleck, ch. IX, §§ 12-16; Horne, sec. 3, §§ 20-22; Wildman, vol. I,

Exemption de la juridiction civile.

Cas du ministre de Hes

1772.

§ 1506. De l'inviolabilité dont jouissent les agents diplomatiques, découle nécessairement leur exemption de la juridiction civile de l'État où ils résident.

Nous avons déjà exposé les effets et l'étendue de cette immunité : le ministre public ne peut être condamné à l'arrestation personnelle; ses biens ne peuvent être séquestrés pour dettes contractées avant ou pendant sa mission.

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§ 1507. En 1772, le ministre de Hesse, ayant contracté des dettes se en France. en France, vit ses effets mobiliers saisis par ses créanciers, et le ministre des affaires étrangères, M. d'Aiguillon, lui refusa des pas-. seports, sous prétexte que, malgré le respect dû au caractère public d'un ministre étranger, la loi autorisait à employer cette mesure, qui du reste ne portait point atteinte aux fonctions de l'ambassadeur, pour l'empêcher de quitter le pays sans acquitter ses dettes. Cette doctrine n'a pas été maintenue dans la jurisprudence française en 1813, la Cour impériale de Paris, dans un arrêt du 5 avril, décida qu'aucune saisie ne pouvait avoir lieu dans le pays de la résidence d'un ministre étranger pour dettes contractées avant ou pendant sa mission.

Cas de l'am

bassadeur de

§ 1508. Les mêmes principes avaient déjà été consacrés antéRussie à Lon- ricurement en Angleterre par une loi spéciale, qui ne s'était pas bornée à statuer sur le cas particulier qui y avait donné lieu, mais encore avait engagé l'avenir.

dres.

1708.

En 1708, l'ambassadeur de Russie à Londres fut arrêté pour dettes; mais il fut relâché quelques heures après. Néanmoins le czar se plaignit auprès du gouvernement anglais de cette atteinte portée à l'inviolabilité de son représentant comme d'une infraction au droit des gens. A cette occasion, le Parlement passa le 21 avril 1709 un acte déclarant : « que toutes actions et procès, arrêts et procédures commencées, faites et poursuivies contre ledit ambassadeur par quelque personne ou personnes que ce puisse être, et toutes cautions, obligations données par lui ou par aucune autre personne ou personnes de sa part et pour lui, et toutes reconnaissances des cautions données ou reconnues pour une telle action ou procès, ordre ou procédure, et tous jugements en conséquence sont

ch. III, pp. 90 et seq.; Rayneval, Inst., liv. II, ch. XIV; Villefort, Privilėges dip., pp. 7 et seq.; Eschbach, Int., pp. 88 et seq.; Dalloz, Répertoire, v. Agent dip., nos 88 et seq.; Merlin, Répertoire, v. Ministre public, sec. 5, § 3, no 1; Vergé, Précis de Marlens, t. II, pp. 106-108; Pinheiro Ferreira, Précis de Martens, § 215; Hall, International law, p. 148; Fiore, Droit pénal international, t. I, § 26, p. 265.

entièrement nuls et de nulle valeur et invalidés, et seront estimés et jugés être entièrement nuls, de nulle valeur et invalidés à toutes fins, en tous sens et égards quelconques... et afin de prévenir de pareilles insolences à l'avenir, tous ordres et procès qui en quelque temps que ce soit ci-après seront faits et poursuivis, par lesquels la personne d'aucun ambassadeur ou d'aucun autre ministre public de quelque prince ou État étranger que ce soit, autorisé ou reçu comme tel par Sa Majesté, par ses successeurs et héritiers, ou les domestiques ou serviteurs des ambassadeurs ou des autres ministres publics, puissent être arrêtés ou emprisonnés, ou leurs biens ou immeubles retenus, saisis et arrêtés, seront tenus et jugés être entièrement nuls et seront invalidés à toutes fins et en tous sens et égards quelconques.

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Acte du Parlement an

avril 1709. Étendue de

§ 1509. Lorsque, ce qui se produit d'ailleurs bien rarement, un ministre étranger refuse de payer ses dettes, les créanciers doi- glais du 25 vent ou réclamer l'intervention du ministre des affaires étrangères du pays où est accrédité le débiteur, ou recourir à la voie judiciaire l'immunité dans la contrée à laquelle appartient le ministre étranger et procé- étrangers. der alors par voie de citation, comme s'il s'agissait d'un absent, puisque l'agent est couvert par la fiction de l'exterritorialité.

L'immunité du ministre n'est pas seulement personnelle : elle s'étend à tout ce qui lui est nécessaire pour remplir ses fonctions; ainsi aucune loi locale ne peut autoriser la saisie de ses meubles ou d'objets servant à son usage, à son entretien et à celui de sa maison; toutefois, comme cette exemption n'a été établie que dans le but de protéger l'indépendance et la dignité personnelle du ministre, elle existe exclusivement pour les choses qui intéressent réellement son caractère; hors de là, elle se renferme dans d'étroites limites et comporte un certain nombre d'exceptions.

Toutes les fois que l'agent est sujet de l'État auprès duquel il est accrédité et n'a été reçu dans sa qualité officielle qu'à la condition de rester soumis à la juridiction du pays, il peut être jugé par les autorités locales pour tous les actes qu'il accomplit en dehors des attributions de sa charge.

L'immunité cesse lorsque le ministre étranger se trouve impliqué dans un procès à titre privé, même en qualité de défendcur. Ainsi, s'il avait accepté la tutelle de mineurs, il pourrait, comme représentant légal de ses pupilles, être appelé en justice.

L'agent diplomatique pent encore renoncer expressément ou tacitement à l'immunité et se soumettre volontairement à la juridiction territoriale en matière civile.

des ministres

Cas surve nu en Prusse

ministre des Etats-Unis.

L'abandon volontaire de son immunité juridictionnelle peut avoir lieu soit par sa comparution en se présentant de son plein gré devant l'autorité compétente pour répondre à une demande intentée contre lui, soit par une instance qu'il engage directement comme demandeur.

Il va sans dire que chaque agent est libre de former une action contre un citoyen du pays; mais alors il doit en subir les conséquences. Il pourrait, par exemple, être actionné soit en paiement des frais auxquels il serait condamné par suite du rejet de sa demande, soit sur l'appel d'un jugement rendu en sa faveur, soit par suite d'une demande reconventionnelle, etc. Il ne faut pas se dissimuler cependant que l'exécution d'un jugement prononcé contre un agent diplomatique présente toujours de graves difficultés, puisqu'elle ne peut être poursuivie dans le pays même où la sentence a été rendue.

S'il s'agissait, par exemple, de statuer sur des biens engagés pour l'accomplissement d'une obligation, quel sera le tribunal compétent? L'agent ne pourra être considéré comme un plaideur ordinaire sans qu'on se trouve aussitôt en présence de l'inviolabilité qui est nécessaire au libre exercice de ses fonctions. On en est réduit, pour sauvegarder le privilège personnel, à distinguer entre les formes du jugement et l'exécution de la sentence prononcée, en subordonnant cette dernière à l'immunité juridictionnelle.

Villefort, dont nous partageons la manière de voir sur ce point, soutient que cette solution est la plus rationnelle à laquelle on puisse s'arrêter; c'est d'ailleurs celle qui a été adoptée par la plupart des anciens publicistes.

§ 1510. Il y a quelques années un débat très vif s'était engagé A propos du entre le gouvernement des États-Unis et le gouvernement prussien sur la question de savoir si l'on pouvait retenir les effets mobiliers d'un ministre public qui n'avait pas satisfait aux conditions de location de l'hôtel occupé par sa légation. Ce différend provint de ce que le propriétaire de la maison dans laquelle le représentant des ÉtatsUnis demeurait à Berlin, exerçant en cela un droit généralement reconnu par les lois européennes, avait retenu de lui-même, sans d'ailleurs user de violence, les meubles appartenant au ministre américain, en faisant valoir le mauvais état dans lequel l'habitation avait été laissée par son locataire.

Le cabinet de Washington soutint avec raison que, dans l'espèce, les lois territoriales ne pouvaient restreindre les franchises diplomatiques, et que ce ne serait que dans le cas où son représentant

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