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serait point refusé à un examen des modifications que les circonstances ont apportées dans les effets du Traité de 1856.

Quant au point de vue de droit strict, établi par lord Granville, nous ne voulons entrer dans aucune discussion, rappeler aucun précédent, ni citer aucun exemple, parce qu'un pareil débat ne conduirait pas à l'entente que nous désirons.

Notre Auguste Maître a dû remplir un devoir impérieux envers son pays, sans vouloir blesser, ni menacer aucun des gouvernements signataires du Traité de 1856. Au contraire, S. M. I. en appelle à leurs sentiments de justice et à la conscience de leur propre dignité.

Nous regrettons de voir que lord Granville s'attache principalement à la forme de nos communications. Elle n'a pas été de notre choix. Certes, nous n'aurions pas demandé mieux que d'arriver au résultat par un accord avec les signataires du Traité de 1856. Mais le principal secrétaire d'Etat de S. M. Britannique sait bien que toutes les tentatives faites à diverses reprises pour réunir les Puissances en délibérations communes, afin d'écarter les causes de complications qui troublent la paix générale, ont constamment échoué. La prolongation de la crise actuelle et l'absence d'un pouvoir régulier en France éloignent encore la possibilité d'un pareil concert. En attendant, la position faite à la Russie par ce Traité est devenue de plus en plus intolérable..

Lord Granville conviendra que l'Europe d'aujourd'hui est bien loin d'être celle qui a signé l'acte de 1856. Il était impossible que la Russie consentit à rester, seule, indéfiniment liée à une transaction qui, déjà onéreuse lorsqu'elle a été conclue, perdait de jour en jour de ses garanties.

Notre Auguste Maître a trop la conscience de ce qu'il doit à son pays pour lui imposer plus longtemps une obligation contre laquelle proteste le sentiment national.

Nous ne saurions admettre que l'abrogation d'un principe théorique sans application immédiate, qui ne fait que restituer à la Russie un droit dont aucune grande puissance ne saurait être privée, puisse être considérée comme une menace pour la paix, ni qu'en annulant un point du Traité de 1856 elle implique l'annulation du

tout.

Telle n'a jamais été la pensée du Cabinet Impérial. Nos communications du 19 octobre déclarent, au contraire, de la manière la plus explicite que S. M. l'Empereur maintient entièrement son adhésion aux principes généraux du Traité de 1856 et qu' Elle est prête à s'entendre avec les Puissances signataires de cette transaction, soit pour en confirmer les stipulations générales, soit pour les renouveler, soit

pour y substituer tout autre arrangement équitable qui serait jugé propre à assurer le repos de l'Orient et l'équilibre européen.

Rien ne semble dès lors s'opposer à ce que le cabinet de Londres, si cela lui convient, entre en explications avec les signataires du Traité de 1856.

Pour notre part, nous sommes prêts à nous associer à toute délibération qui aurait pour objet les garanties générales destinées à consolider la paix de l'Orient.

Nous sommes persuadés qu'elle en recevrait de nouvelles, si, une cause permanente d'irritation étant écartée entre les deux puissances les plus directement intéressées, leurs mutuelles relations se raffermissaient sur la base d'une bonne et solide intelligence.

Vous êtes invité, monsieur le baron, à donner lecture et à laisser copie de cette dépêche à lord Granville.

M. le principal secrétaire d'Etat de S. M. Britannique nous a exprimé le regret qu'il éprouverait si cette discussion devait altérer l'accord que le gouvernement de S. M. la Reine s'est efforcé de main tenir entre les deux pays.

Veuillez exprimer à S. E. combien ce regret serait partagé par le Cabinet Impérial.

Nous croyons l'accord des deux gouvernements essentiellement utile aux deux pays, aussi bien qu'à la paix du monde. C'est avec une vive satisfaction que nous l'avions vu durant les dernières années devenir de plus en plus intime et cordial.

Les circonstances graves où nous sommes nous semblent de nature à le rendre plus désirable que jamais.

Signé GORTSCHAKOFF.

No 34.

SIR H. ELLIOT AU COMTE DE GRANVILLE.

Therapia, le 24 novembre 1870.

Mylord. Le langage du prince Gortschakoff rapporté dans le télégramme de sir A. Buchanan du 17 courant, n'est pas de nature à être interprêté littéralement, si nous voulons bien comprendre sa véritable signification.

Le chancelier paraît avoir dit que si la Porte s'opposait à la déclaration, toutes les populations chrétiennes tenues jusqu'ici dans un état de tranquillité par l'influence de la Russie, profiteraient de l'occasion pour se soulever contre les Turcs.

La façon dont l'influence de la Russie s'exerce constamment dans les provinces chrétiennes est trop bien connue ici, pour que la menace de retirer cette influence puisse causer la moindre crainte à la Porte,

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et l'avertissement du prince Gortschakoff, pour avoir quelque signification, doit être reçu comme une intimation que l'influence de la Russie sera employée à exciter les populations chrétiennes à se soulever, ce dont il y aurait peu de chances, si elles étaient livrées à ellesmêmes.

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Mylord. La circulaire du prince Gortschakoff a dû être si longtemps avant que cette dépêche ne vous parvienne en possession de votre Seigneurie, et aura été examinée avec un soin tel qu'il n'y a certainement pas lieu de ma part de faire remarquer combien futiles sont les arguments à l'aide desquels il cherche à justifier la répudiation arbitraire d'un acte international.

La première des infractions au Traité de 1856, citée par le prince Gortschakoff, pour justifier la mesure qui est sur le point d'être adoptée, est l'union des Principautés de la Valachie et de la Moldavie sous le gouvernement d'un prince étranger, qui, bien loin d'avoir été l'acte de la Porte, s'est effectué en dépit de sa résistance; mais il pourrait peut-être échapper au souvenir du gouvernement de S. M. que ce fut le comte Kisseleff, plénipotentiaire de Russie à la Conférence de Paris qui, dans les séances du 22 mai et du 5 juin 1858, déclara que le désir presque unanime des Principautés en faveur d'une union sous le gouvernement d'un prince étranger était légitime et rationnel, et que ce fut le même comte Kisseleff qui invoqua le Traité de Paris même, en faveur de leur droit d'avoir leur demande prise en considération.

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Mylord. D'après la circulaire du prince Gortschakoff, l'Empereur de Russie serait prêt à renouveler et à confirmer les stipulations générales du Traité de 1856 ou à y substituer quelque autre arrangement équitable propre à assurer la tranquillité en Orient.

Il ne sera pas certainement possible de trouver un substitut à la neutralisation de la Mer Noire, mais si l'on en vient là, on pourra peat-être trouver quelque nouvelle garantie en modifiant légèrement

les engagements relatifs à la fermeture des détroits du Bosphore et des Dardanelles aux navires de guerre de toutes les nations.

Il est de la plus haute importance de maintenir les réglements qui prescrivent cette clôture, et la proposition, qui a été faite il y a quelque temps et qui aurait été acceptée avec empressement, par la Russie, de rendre la mer Noire entièrement ouverte, n'a rien pour se recommander et ne trouverait aucun accueil favorable auprès d'Aali-pacha. Par le Traité de Paris, ainsi que par celui de 1841, le Sultan a pris l'engagement, que toutes les Puissances sont convenues de respecter, que les détroits seraient fermés aux navires de guerre étrangers, tant que la Porte serait en paix.

Il semblerait utile d'examiner à fond, si, tout en maintenant le principe de la fermeture des Détroits, il ne pourrait pas être assuré à la Porte une sorte de garantie additionnelle en permettant au Sultan d'appeler les flottes de ses alliées, lorsqu'une circonstance exceptionnelle rendrait leur présence désirable.

Conformément au Traité tel qu'il existe aujourd'hui, pourvu que la Turquie ne soit pas en guerre, la présence d'une flotte étrangère dans le Bosphore constituerait indubitablement une violation de ce Traité; et la Porte n'a contre un coup de main d'autre protection que celle qu'elle pourra trouver dans ses propres ressources.

Si la Porte, cependant, venait à déclarer aujourd'hui que par suite du changement des choses occasionné par la démarche de la Russie, le Sultan, tout en étant résolu à maintenir comme règle l'exclusion des navires de guerre étrangers des détroits, se considérait comme ayant la liberté en cas d'événements imprévus, d'inviter les flottes de ses alliées à y entrer et si les différents signataires du Traité venaient à reconnaitre le droit de la Porte de faire ce changement dans les circonstances actuelles, un nouvel appui très important serait ainsi donné à la Turquie, en garantissant sa capitale contre une surprise.

J'ai suggéré cette idée hier dans le courant d'une conversation avec Aali-Pacha en lui disant que j'ignorais complètement si elle aurait l'approbation de votre Seigneurie, mais qu'elle me paraissait au moins mériter d'être prise en considération et que je serais aise de savoir ce qu'il en pensait.

Sa première impression m'a paru être qu'il n'était pas à propos de faire quoique ce soit qui pourrait affaiblir la règle d'après laquelle les Détroits sont tenus fermés; je lui dis que, si ce changement devait avoir un pareil résultat, j'étais d'accord avec lui pour penser qu'il était préférable de ne pas le tenter.

Il y aurait peut être à éléver une objection d'une certaine valeur, celle de suivre le pernicieux exemple qui venait d'être donné de la

modification d'un Traité international par la simple déclaration d'une seule Puissance, mais on devait dans ce cas s'assurer à l'avance du consentement des autres.

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Le comte de Bismarck m'a reçu hier à une heure pour s'entretenir avec moi au sujet de la correspondance contenue dans la dépêche de votre Seigneurie du 12 courant; et le résultat de 3 heures de conversation a été que son Excellence m'autorise à vous assurer :

1° Que la circulaire russe du 19 octobre l'a pris par surprise;

2o Que, malgré qu'il pensât que le Traité de 1856 imposait des conditions trop dures à la Russie, il désapprouvait complètement le mode qu'elle avait adopté et le temps qu'elle avait choisi pour réclamer une révision du dit Traité;

3° Qu'il regrettait de ne pouvoir ni intervenir, ni même répondre officiellement pour le présent à la circulaire russe à cause de la guerre; mais que

40 Désireux qu'il était de prévenir une autre guerre, il recommandait fortement que des Conférences eussent lieu à Constantinople avant d'en venir aux hostilités.

Après avoir télégraphié ces premières réponses à votre Seigneurie, je suis retourné, avec sa permission, chez le comte de Bismarck hier soir à 10 heures.

Notre seconde conversation s'est prolongée jusqu'après minuit, et le chancelier qui dans l'intervalle avait télégraphié au ministre de Prusse à Saint-Petersbourg, m'autorisa à télégraphier à Londres, que si votre Seigneurie y consentait, il prendrait l'initiative de proposer une Conférence dans le but de chercher à trouver une solution pacifique à une question que je lui avais franchement démontré être de nature dans l'état actuel, à nous forcer à faire la guerre à la Russie avec ou sans alliés.

Le comte de Bismarck, qui s'était assuré que le prince Gortschakoff était tout disposé à recevoir les représentants des Puissances co-signa taires, était en faveur de la réunion de la Conférence à Saint-Pétersbourg où la présence de l'Empereur qui pouvait donner son consentement immédiat aux décisions des réprésentants, amènerait une solution plus rapide et plus satisfaisante de la question que si la Conférence était

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