de l'Autriche, de la France et de la Grande-Bretagne ont appuyé sur le non-rétablissement de la quarantaine qui avait autrefois existé à l'embouchure de Soulina. Les plénipotentiaires de Russie ont exprimé le vœu que l'intérêt de la santé publique, qui était aussi un intérêt européen, ne donnât jamais lieu à regretter cette disposition. Ils y ont consenti toutefois en considération des développements présentés par le baron Prokesch concernant la presque impossibilité de combiner la facilité de naviguer par le Soulina avec l'existence d'une quarantaine sur ce bras du fleuve. Les plénipotentiaires de France et de Grande-Bretagne ont touché la question de la délimitation entre la Russie et la Turquie telle qu'elle avait été fixée par l'article 3 du traité d'A ndrinople, aujourd'hui annulé entre les belligérants par l'effet de la guerre. M. le comte de Westmoreland a émis à ce sujet l'opinion que, puisqu'il s'agissait d'appliquer au bas Danube les principes établis par le congrès de Vienne, il serait désirable que la règle que le thalweg forme la frontière — règle faisant loi dans le reste de l'Europe partout où des fleuves séparent deux Etats- fût aussi mise en pratique lors de la nouvelle délimitation entre la Russie et la Turquie. M. le comte Buol ayant fait ressortir, de son côté, l'importance qu'il y aurait, dans l'intérêt de la navigation et du commerce du Danube, à voir apporter des modifications à certaines clauses restrictives du traité d'Andrinople, qui interdisent aux Turcs de former aucun établissement sur une partie de la rive droite du fleuve, et le plénipotentiaire ottoman ayant adhéré à cette opinion, M. de Titoff a appuyé sur le caractère bilatéral des stipulations auxquelles M. le comte Buol venait de faire allusion, et qui avaient été parfaitement motivées par les circonstances locales à l'époque dont il était question. Aujourd'hui, où ces circonstances, grâce à la voie de réforme dans laquelle la Sublime-Porte était entrée, avaient en partie changé, il n'y aurait peut-être pas d'inconvénient à prendre en considération jusqu'à quel point les stipulations dont il s'agit, étaient susceptibles de modification. Cet examen, selon lui, serait toutefois prématuré à l'heure qu'il est. La discussion s'étant établie sur les garanties personnelles et locales qui seraient indispensables pour assurer aux commissions européenne et riveraine la liberté de mouvement et d'action dont elles auront besoin pour pouvoir remplir leur tâche, MM. les plénipotentiaires de Russie ont déclaré qu'ils ne se refuseraient à aucune combinaison dont la nécessité leur serait démontrée pour atteindre le but de la complète liberté de la navigation du Danube, mais qu'ils s'opposaient à des arrangements tels que la neutralité du delta, qui, dans leur opinion, dépassait de beaucoup ce but, et serait même, à certains égards, contraire à sa réalisation. M. le baron de Prokesch, en discutant le sens de ce mot et son application au cas spécial, a établi qu'en l'introduisant dans sa première rédaction il n'y avait attaché aucune portée politique, ce qui résultait suffisamment de la réserve faite en faveur de la juridiction de la Russie. Il a ajouté que si, dans son appréciation, la neutralité et même l'abandon du delta eussent été indispensables pour assurer la libre action des commissions, il n'aurait pas cru, en formulant une proposition analogue dans un intérêt européen, reconnu en principe par la Russie, sortir des bornes d'une modération conciliante, d'autant plus que ces flots ne semblaient avoir pour la Russie aucune valeur réelle. Après avoir encore examiné différentes variantes, on tombe finalement d'accord sur la rédaction du dernier alinéa en adoptant l'amendement proposé par les plénipotentiaires d'Autriche. Le texte du développement de la seconde base de négociation tel qu'il a été définitivement arrêté, est annexé au protocole. ANNEXE. Développement du second point. 1. L'acte du congrès de Vienne, auquel la Sublime-Porte n'a pas pris part, ayant établi, dans ses articles 108 à 116, les principes destinés à régler la navigation des fleuves traversant plusieurs États, les Puissances contractantes conviennent entre elles de stipuler qu'à l'avenir ces principes seront également appliqués au cours inférieur du Danube, à partir du point où ce fleuve devient commun à l'Autriche et à l'Empire ottoman jusque dans la mer. Cette disposition fera désormais partie du droit public de l'Europe et sera garantie par toutes les Puissances contractantes. 2. L'application à faire de ces principes doit être toute entière dans le sens de faciliter le commerce et la navigation, de telle sorte que la navigation de cette partie du Danube ne pourra être assujettie à aucune entrave ni redevance qui ne serait pas expressément prévue par les stipulations qui vont suivre, et que dès lors aussi les priviléges et immunités fondés dans les anciens traités et les anciennes capitulations avec les États riverains de la partie du fleuve dont il s'agit, qui ne sont pas en opposition avec le principe de la liberté de la navigation, seront maintenus intacts. En conséquence, il ne sera perçu sur tout le parcours susmentionné du Danube, aucun péage, basé uniquement sur le fait de la navigation du fleuve, ni aucun droit sur les marchandises qui se trouvent à bord des navires, et il ne sera apporté aucun obstacle, quel qu'il soit, à la libre navigation. Les mesures de précaution qu'on pourrait vouloir adopter sous le rapport des douanes et sous celui des quarantaines, devront être limitées au strict nécessaire, et mises en harmonie avec ce qu'exigera la liberté de la navigation. 3. Afin de faire disparaître l'obstacle le plus important qui pèse sur la navigation du bas Danube, on entreprendra et on achèvera dans le plus bref délai les travaux nécessaires tant pour dégager l'embouchure du Danube des sables qui l'obstruent que pour écarter les autres inconvénients physiques qui diminuent la navigabilité du fleuve sur d'autres points en amont de son cours, à tel point que la circulation jusqu'à Galatz et Braïla de bâtiments de marine commerciale du tonnage le plus fort soit délivrée des périls, empêchements et pertes, avec lesquels elle a eu à lutter jusqu'à ce jour. Pour couvrir les frais de ces travaux et des établissements ayant pour objet d'assurer et de faciliter la navigation, des droits fixes d'un taux convenable pourront être prélevés sur les navires parcourant le bas Danube, à la condition expresse que, sous ce rapport comme sous tout autre, les pavillons de toutes les nations seront traités sur le pied d'une parfaite égalité. 4. Pour réaliser les stipulations contenues dans l'article précédent, les Puissances contractantes, en considération de l'intérêt européen qui s'attache à l'ouverture complète du Danube dans ses branches navigables ou à rendre navigables jusque dans la mer, en assumeront de commun accord, dans les limites tracées par l'acte final du congrès de Vienne, la direction et la garantie de l'exécution, tout comme elles se chargeront du contrôle suprême pour le maintien du principe de l'ouverture du Danube. A cet effet, elles détermineront à l'aide d'une commission européenne, composée de délégués de chacune d'elles, l'étendue des travaux à exécuter, et celle des moyens à employer, pour faire disparaître les obstacles physiques et autres, qui s'opposent jusqu'à cette heure à la libre navigation dans la partie du fleuve comprise entre Galatz et la mer. Cette commission européenne, qui ne sera dissoute que d'un commun accord, élaborera les bases d'un règlement de navigation et de police fluviale et maritime applicable au Danube dans son parcours sus-indiqué, et dressera les instructions pour servir de guide et de norme à une commission riveraine exécutive, composée de délégués des trois États riverains, savoir, de l'Autriche, de Russie et de la Turquie. 5. La commission riveraine appelée à agir au nom de l'Europe en autorité exécutive, sera permanente. Elle sera munie de pouvoirs nécessaires pour remplir sa tâche de la manière la plus efficace et la plus complète. 6. La Russie consentira à ne plus rétablir sur le bras de Soulina la ligne de quarantaine qu'elle y avait établie autrefois. Elle veillera à ce qu'aucun de ses établissements militaires situés depuis le confluent du Pruth avec le Danube jusqu'au point où le bras de SaintGeorges se sépare de celui de Soulina, ne puisse gêner les navires passant le fleuve. Quant à la partie du fleuve entre le point de l'embranchement susmentionné et les embouchures de Saint-Georges et Soulina il n'y aura aucune fortification. Désirant assurer pour sa part, avec un empressement égal à celui des autres Puissances contractantes, la libre navigation du Danube, la Russié s'engage à seconder de tous ses moyens l'action de la commission permanente. Le protocole de la séance du 23 courant a été lu et approuvé. M. le baron Bourqueney a demandé à déposer au Protocole l'exposé ci-joint par lequel son Gouvernement a développé quelques points de vue qui n'ont point été pris en considération par la conférence au moment où ont été établis les principes dont l'application doit assurer la réalisation de la première garantie. Après avoir donné lecture du mémorandum du Cabinet de Paris, M. le plénipotentiaire de France a ajouté que son intention n'était pas de provoquer quant à présent une discussion sur les questions qui y étaient traitées et qu'en tout cas il était bien entendu qu'elles ne sauraient devenir l'objet de délibérations communes que du consentement de la Porte. Lord John Russell a fait observer que si dans la discussion sur la première base de négociation, il n'avait point abordé plusieurs questions telles que la réunion des deux Principautés en une seule, le Gouvernement viager ou héréditaire des Hospodars, l'opportunité d'une représentation nationale, ce n'était point que leur importance lui eût échappé; mais il lui avait paru que l'initiative de propositions de cette nature revenait à la Sublime-Porte et que leur prise en considération devait être ajournée jusqu'au moment où le Gouvernement ottoman serait en mesure de faire connaître toute sa pensée à la conférence. Lord Westmoreland a adhéré à l'opinion de son collègue. Le comte Buol s'est également rangé de l'avis que c'est à la Su blime-Porte qu'appartenait l'initiative des propositions de cette catégorie. Le prince Gortchakoff a établi que par rapport au développement de la première base il ne pouvait y avoir d'obligatoire que ce que MM. les plénipotentiaires avaient paraphé, mais que d'autres points de vue relatifs à cette question pouvaient en temps opportun fournir matière à discussion. Le plénipotentiaire ottoman a établi que les questions entamées dans le mémorandum français intéressaient trop directement les droits de la Puissance suzeraine, pour qu'il ne dût pas à ce sujet réserver le droit d'initiative à son Gouvernement. Cet incident vidé, M. le comte Buol a proposé de passer à la troisième base de négociation, par laquelle deux principes ont été établis; celui de rattacher plus complétement l'existence de l'Empire ottoman à l'équilibre européen par des modifications à apporter au traité du 13 juillet 1841, et celui de s'entendre sur une juste pondération des forces navales dans la mer Noire. Il lui semblerait utile de s'occuper d'abord de la solution pratique du second principe, vu qu'une entente à ce sujet faciliterait la tâche que l'application de l'autre réserve à la conférence. Si cet avis rencontrait l'approbation de l'assemblée, il pensait que rien ne serait plus propre à amener un accord désirable que si MM. les plénipotentiaires de Russie et de Turquie se trouvaient préparés à exposer eux-mêmes à la conférence leurs idées sur les moyens d'y parvenir. Il n'était guère contestable qu'une extension illimitée des forces navales soit de l'une soit de l'autre des Puissances riveraines de la mer Noire se présenterait comme un sujet d'inquiétude pour l'Europe, et qu'il fût par conséquent de la plus haute importance d'aviser aux moyens d'obvier à une situation qui pourrait devenir une source de graves complications pour l'avenir. Il était juste aussi de faire observer que le développement exagéré de flottes dans une mer dont l'accès a été fermé aux autres pavillons de guerre de l'Europe, était en contradiction avec le but d'action assigné aux flottes de la mer Noire. Ces considérations, auxquelles l'Europe était en droit d'attacher un haut intérêt, lui semblaient de nature à devoir porter les deux Puissances plus directement appelées à concourir à la solution du problème, à entrer avec la conférence dans l'examen des moyens propres à établir un état de choses offrant des gages de sécurité à l'Europe. M. le baron Bourqueney est prêt pour sa part à suivre l'ordre de discussion indiqué par M. le comte de Buol dans ses premières paroles. |