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elles ont, par conséquent, causé une vive satisfaction au gouvernement de S. M. le Sultan.

Il faut remarquer cependant, au moment où nous avons encore sous les yeux le débat des priviléges religieux soulevé par la Russie qui cherche à s'appuyer sur un paragraphe si clair et si précis du traité de Kaïnardji, que vouloir consigner dans une pièce diplomatique le paragraphe concernant la sollicitude active des Empereurs de Russie pour le maintien, dans les États de la Sublime-Porte, des immunités et des priviléges religieux octroyés au culte grec par les Empereurs ottomans avant l'existence même de la Russie comme empire, laisser dans un état douteux et obscur l'absence de tout rapport entre ces priviléges et le traité de Kaïnardji, employer en faveur d'une grande communauté de la Sublime-Porte, professant le rite grec, des expressions qui pourraient faire allusion à des traités conclus avec la France et l'Autriche, relativement aux religieux Francs et Latins, ce serait courir la chance de mettre à la disposition de la Russie certains paragraphes vagues et obscurs dont quelques-uns même sont contraires à la réalité des faits. Ce serait également, sans nul doute, offrir à la Russie un prétexte solide pour ses prétentions de surveillance et de protectorat religieux, prétentions qu'elle essaierait de produire, en affirmant qu'elles n'ont rien d'attentatoire au droit souverain et à l'indépendance de la Sublime-Porte.

Le langage même des employés et agents de la Russie, qui ont déclaré que l'intention de leur gouvernement n'était autre que de remplir l'office d'avocat auprès de la Sublime-Porte, toutes les fois que des actes contraires aux priviléges existants auraient lieu, est une preuve patente de la justesse de l'opinion du gouvernement

ottoman.

Si le gouvernement de S. M. le Sultan a jugé nécessaire de demander des assurances, lors même que les modifications proposées par lui à la Note de Vienne auraient été accueillies, comment, en conscience, pourrait-il être tranquille si la Note de Vienne était mainteDue dans son intégrité et sans modifications?

La Sublime-Porte, en acceptant ce qu'elle a déclaré à tout le monde ne pouvoir admettre sans y être forcée, compromettrait sa dignité vis-à-vis des autres puissances; elle la sacrifierait aux yeux même de ses propres sujets, et tout en attentant à son honneur, elle commettrait un suicide moral et matériel sur elle-même.

Quoique le refus de la Russie d'accéder aux modifications réclamées par la Sublime-Porte ait été basé sur une question d'honneur, on ne saurait nier que la cause réelle du refus de la Russie provient uniquement de son désir de ne pas laisser remplacer par des termes

explicites des expressions vagues qui pourraient ultérieurement lui fournir un prétexte d'immixtion. Une semblable conduite oblige conséquemment la Sublime-Porte à persister de son côté dans sa non adhésion.

Les raisons qui ont déterminé le gouvernement ottoman à faire ces modifications, ayant été appréciées par les représentants des quatre puissances, il est prouvé que la Sublime-Porte a eu complétement raison de ne pas adhérer à l'adoption pure et simple de la Note de Vienne.

En entrant en discussion sur les inconvénients que cette Note présente, le but n'est pas de critiquer un projet qui a obtenu l'assentiment des grandes puissances. Leurs efforts ont toujours tendu, tout en désirant préserver les droits et l'indépendance du gouvernement impérial, à conserver la paix : les démarches faites dans cette intention étant on ne peut plus louables, la Sublime-Porte ne saurait assez les apprécier.

Mais comme chaque gouvernement possède évidemment, par suite de ses propres connaissances et de son expérience locale, plus de facilités que tout autre gouvernement pour juger les points qui touchent à ses propres droits, l'exposé que fait le gouvernement ottoman provient de l'unique désir de justifier la situation obligatoire où il se trouve placé à son plus grand regret, tandis qu'il aurait désiré continuer à ne point s'écarter des conseils bienveillants qui lui ont été offerts par ses alliés depuis l'origine du différend et qu'il a suivis jusqu'à présent.

Si on allègue que l'empressement avec lequel on a arrêté en Europe un projet, résulte de la lenteur de la Sublime-Porte à proposer un arrangement, le gouvernement de S. M. le Sultan se trouve dans l'obligation de se justifier en exposant les faits suivants :

Avant l'entrée des troupes russes dans les deux principautés, quelques-uns des représentants des puissances, guidés par l'intention sincère de prévenir l'occupation de ces provinces, ont exposé à la Sublime-Porte la nécessité de rédiger un projet de fusion des projets de Note de la Sublime-Porte et du prince Mentchikoff.

Plus tard, les représentants des puissances ont remis confidentiel. lement à la Sublime-Porte différents projets d'arrangement.

Aucun de ces derniers ne répondant aux vues du gouvernement impérial, le cabinet ottoman était sur le point d'entrer en négociations avec les représentants des puissances sur un projet rédigé par lui-même, conformément à leur suggestion. Dans ce moment, la nouvelle du passage du Pruth par les Russes étant arrivée, ce fait a changé la question de face.

Le projet de Note proposé par la Sublime-Porte a dû être mis de côté, et les cabinets ont été priés d'exprimer leur manière de voir sur cette violation des traités, après la protestation de la SublimePorte. D'un côté, le cabinet ottoman a dû attendre les réponses; de l'autre, il a arrêté, sur la suggestion des représentants des puissances, un projet d'arrangement qui a été envoyé à Vienne. Pour toute réponse à toutes ces démarches actives, le projet de Note élaboré à Vienne a paru.

Quoi qu'il en soit, le gouvernement ottoman, craignant à juste titre tout ce qui impliquerait un droit d'immixtion en faveur de la Russie dans les affaires religieuses, ne pouvait faire plus que de donner des assurances propres à dissiper les doutes qui étaient devenus le sujet de la discussion, et ce ne sera pas surtout après tant de préparatifs et de sacrifices qu'il acceptera des propositions qui n'ont pu être accueillies lors du séjour du prince Mentchikoff à Constantinople. Puisque le cabinet de Saint-Pétersbourg ne s'est pas contenté des assurances qui lui ont été offertes, puisque les efforts bienveillants des hautes puissances sont demeurés infructueux, puisqu'enfin la Sublime-Porte ne peut tolérer ni souffrir plus longtemps l'état de choses actuel, ainsi que la prolongation de l'occupation des principautés moldo-valaques, parties intégrantes de son empire, le cabinet ottoman, dans l'intention ferme et louable de défendre les droits sacrés de souveraineté et d'indépendance de son gouvernement, usera de justes représailles contre une violation des traités qu'il considère comme un casus belli. Il notifie donc officiellement que le gouvernement de S. M. le Sultan se trouve obligé de déclarer la guerre, et qu'il a donné les instructions les plus catégoriques à S. Exc. Omer pacha pour inviter le prince Gortchakoff à évacuer les principautés, et commencer les hostilités si, dans un délai de quinze jours à partir de l'arrivée de sa dépêche au quartier-général russe, une réponse négative lui parvient.

Il est bien entendu que si la réponse du prince Gortchakoff est négative, les agents russes devront quitter les Etats Ottomans et que les relations commerciales des sujets respectifs des deux gouvernements devront être interrompues. Toutefois, la Sublime-Porte ne trouve pas juste que l'embargo soit mis sur les navires marchands russes, conformément aux anciens usages. En conséquence, il leur sera donné avis de se rendre dans la mer Noire ou dans la Méditerranée, à leur choix, dans un délai qui sera fixé ultérieurement. En outre, le gouvernement ottoman, ne voulant pas apporter d'entraves aux relations commerciales des sujets des puissances amies, laissera, pendant la guerre, les détroits ouverts à leurs navires marchands.

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Publication de la Sublime-Porte en date du 4 octobre 1853 (1 moharrem 1270).

Il avait été précédemment porté à la connaissance du public que le projet d'arrangement soumis dernièrement au gouvernement de S. M. le Sultan, dans le but de concilier le différend qui s'est élevé entre la S. Porte et la Cour de Russie, ne pourrait être accepté tant qu'il ne serait pas modifié dans quelques-unes de ses parties d'après le gouvernement de S. M. impériale, et que les grandes Puissances n'auraient pas donné les assurances qui leur sont demandées.

Tous les efforts faits depuis lors, par les quatre grandes Puissances amies du gouvernement ottoman, pour faire accepter à la Russie les modifications et corrections apportées audit projet par le cabinet ottoman, n'ont eu aucun effet, et quelque satisfaisantes que soient les bonnes dispositions témoignées par les quatre Puissances en faveur des assurances demandées, il a paru impossible au gouvernement impérial d'accéder purement et simplement à ladite Note. Enfin il est démontré que ce différend ne peut pas être résolu d'une manière pacifique. Il est aussi évident à tout le monde que la Russie a commis un acte de violation des traités en faisant passer le Pruth à ses troupes et en les faisant entrer dans les deux principautés.

La prolongation de cet état des choses ne pouvant plus être tolérée, la question a été soumise au Conseil Général tenu à la S. Porte le dimanche 22 et le lundi 23 zilhidjé, où après qu'elle a été discutée et examinée sous toutes ses faces, il a été décidé à l'unanimité par tous les Ministres, Vézirs, Ulémas, chefs militaires et autres fonctionnaires de l'État, que la guerre sera déclarée à la Russie, et le Fetva donné par le Cheik-ul-Islam, ayant confirmé cette décision, le procès-verbal du Conseil, signé par tous les Ministres, a été soumis à S. M. le Sultan qui l'a revêtu de sa haute sanction par un Hatti-Chérif émané à cet effet.

D'après ce qui précède, l'état de guerre étant constaté entre ces deux gouvernements, une lettre a été adressée, suivant l'usage, au commandant en chef des troupes russes, pour l'évacuation de la Moldavie et de la Valachie; en même temps il a été envoyé un ordre à S. Exc. Omer pacha de commencer les hostilités dans le cas où l'évacuation ne serait pas mise à exécution dans le délai de quinze jours, à partir de l'arrivée de ladite lettre à sa destination; les instructions nécessaires à cet égard ont été envoyées aussi aux autres fonctionnaires.

Il n'est pas besoin de démontrer que la Russie qui avait commencé par élever des prétentions qui ne peuvent jamais être volontairement acceptées, ayant fini par violer les traités en envahissant deux provinces de l'Empire Ottoman, est devenue la seule cause de cette guerre. Mais puisque le gouvernement Impérial ne l'entreprend que dans l'intention sincère de préserver ses droits sacrés de souveraineté et son indépendance, il est du devoir de chacun de servir cette cause dans la mesure de ses forces. La guerre n'étant déclarée qu'à la Russie, le Conseil Général a décidé qu'il n'y aurait aucun changement dans le système, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur; par conséquent, la dernière ordonnance qui recommandait à toutes les classes des sujets de se bien comporter les uns envers les autres, devra continuer d'avoir même force et vigueur, et quiconque y contreviendrait serait rigoureusement puni.

Des firmans contenant cette déclaration, ainsi que les instructions. nécessaires, ont été adressés à tous les gouverneurs des provinces et des sandjaks.

Que la Providence daigne prêter son assistance au Gouvernement Impérial.

L.

Dépêche de M. Drouyn de Lhuys au comte Walewski, à Londres, en date du 4 octobre 1853 (1 moharrem 1270).

Monsieur le comte, je vous ai fait connaître, dans la dépêche que j'ai eu l'honneur de vous écrire avant-hier, l'opinion du gouvernement de S. M. I. sur la proposition du cabinet de Vienne. Vous avez vu que nous rendions justice aux efforts tentés par M. le comte de Buol pour maintenir les affaires d'Orient dans la voie des négociations et que, tout en trouvant le projet de déclaration qui nous était soumis susceptible de quelques modifications, nous pensions néanmoins qu'afin de nous montrer conséquents avec la politique de conciliation, que nous n'avons cessé de suivre depuis l'origine du différend survenu entre le cabinet de Saint-Pétersbourg et la Sublime-Porte, nous devions examiner avec soin toutes les combinaisons de nature à empêcher l'explosion des hostilités.

Cette manière de voir, monsieur le comte, est toujours celle de l'Empereur; mais les événements marchent plus vite que les volontés, et les nouvelles que je reçois de Constantinople révèlent une situation qui semble incompatible, pour le moment du moins, avec l'espoir d'une solution pacifique, et qui commande aux cabinets, pénétrés de la nécessité de maintenir l'indépendance et l'intégrité territoriale de l'empire ottoman, des résolutions plus arrêtées.

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