détroits des Dardanelles et du Bosphore, et que tant que la Porte se trouve en paix, S. M. n'admettra aucun bâtiment de guerre étranger dans lesdits détroits. De l'autre, les cinq grandes puissances se sont engagées à respecter cette détermination du sultan et à se conformer au principe ci-dessus énoncé. S'il est vrai, comme je l'apprends, que le sultan ait appelé dans le détroit des bâtiments de guerre étrangers tandis que la paix continuait à durer, sans qu'elle fût déclarée rompue par un acte formel, public, patent, je dirai que le sultan a manqué à un engagement, qui lui était imposé par un traité dont je suis signataire. C'est avec un vif regret que je devrai dire en même temps que le gouvernement de S. M. Brit., en se rendant à une invitation du sultan contraire à cet engagement, sans délibération préalable avec les autres puissances contractantes, ne s'est point conformé au principe que le traité du 1/13 juillet nous imposait l'obligation de respecter. J'attends, M. le comte, que vous me fassiez connaître, pour l'information de ma Cour, les circonstances qui ont précédé et accompagné un fait si grave. Il demande explication. Je la réclame de la loyauté du gouvernement de S. M. Brit. Lorsqu'il l'aura donnée, l'Empereur, de concert avec les autres Hautes parties contractantes, sera en mesure de se prononcer sur les conséquences d'une situation contre laquelle j'élève mes remontrances, et je prends mes réserves, dans l'accomplissement strict de mes devoirs, dès l'instant où ce fait parvient à ma connaissance. Je remplis ce devoir en invitant formellement Votre Exc. à prendre acte de ces réserves, que j'établis, par la présente, au nom de ma Cour. J'ai l'honneur, Projet de note d'Olmütz*, fin septembre 1853 En conseillant à la Sublime-Porte l'adoption du projet de Note concerté à Vienne, les cours d'Autriche, de France, d'Angleterre et de Russie sont pénétrées de la conviction que ce document ne porte (*) Pendant le séjour de l'empereur Nicolas à Olmütz, le comte de Nesselrode entretint le ministre des Affaires étrangères autrichien du projet de cette note. Elle devait être signée et remise par les quatre représentants à la Sublime-Porte, et celle-ci devait signer et remettre à la Russie la note de Vienne. Par leurs dépêches des 7 et 8 octobre au baron de Bourqueney et au comte de Westmoreland, M. Drouyn de Lhuys et lord Clarendon se prononcèrent contre ce projet. nullement atteinte aux droits souverains et à la dignité de S. M. le Sultan. Cette conviction est fondée sur les assurances positives que le cabinet de Saint-Pétersbourg a données quant aux intentions qui animent S. M. l'empereur de Russie, en demandant une garantie générale des immunités religieuses accordées par les Sultans à l'Eglise grecque dans leur empire. Il ressort de ces assurances qu'en demandant, en vertu du principe posé dans le traité de Kaïnardji, que le culte et le clergé grec continuent à jouir de leurs priviléges spirituels sous l'égide de leur souverain le Sultan, l'Empereur ne demande rien de contraire à l'indépendance et aux droits du Sultan, rien qui implique une intention d'ingérence dans les affaires intérieures de l'Empire Ottoman. Ce que veut l'empereur de Russie c'est le maintien strict du statu quo religieux de son culte, savoir une égalité entière de droits et d'immunités entre l'Église grecque et les autres communautés chrétiennes, sujettes de la Porte; par conséquent, la jouissance en faveur de l'Église grecque des avantages déjà accordés à ces communautés. Il n'entend point ressusciter les priviléges de l'Église grecque tombés en désuétude par l'effet du temps ou des changements administratifs, mais demande que le Sultan la fasse participer à tous les avantages qu'il accorderait à l'avenir à d'autres rites. chrétiens. Le cabinet aime, par conséquent, à ne pas douter que la SublimePorte, en pondérant encore une fois avec toute la sérieuse attention que la gravité de la situation exige, les explications données par la Russie, dans le but de préciser la nature et l'extension de ses demandes, ne se décide à l'adoption pure et simple de la note de Vienne. Cette adoption, tout en assurant au gouvernement ottoman de nouveaux titres à la sympathie et à l'appui des puissances, qui la lui ont conseillée, lui offre à la fois un moyen aussi prompt qu'honorable d'opérer sa franche réconciliation avec l'empereur de Russie, réconciliation que tant d'intérêts majeurs réclament si impérieusement. Note (extrait) de lord Clarendon au baron de Brunnow, en date du 1er octobre 1853 (4 moharrem 1270). Monsieur, j'ai l'honneur d'accuser la réception de votre note du 25 de ce mois, dans laquelle vous énoncez l'opinion que si le Sultan a laissé entrer des bâtiments étrangers dans les Dardanelles, lorsque la paix continuait et sans que, par un acte public, elle eût été for mellement déclarée rompue, il a violé un engagement qu'il a contracté en vertu de la convention de 13 juillet 1841. Vous ajoutez qu'en se rendant à une invitation qui est contraire au dit engagement et sans s'être consulté au préalable avec les autres puissances contractantes, le gouvernement de Sa Majesté ne s'est pas laissé guider par le principe que la Convention du 1er juillet lui faisait un devoir d'observer. Vous dites en outre que vous attendez d'apprendre de moi, pour les communiquer à votre cour, les circonstances qui ont précédé et accompagné un fait si important, fait qui exige des explications. Vous vous basez, pour prouver la légitimité de votre demande, sur la Convention du 13 juillet 1841, laquelle, comme vous le dites justement, oblige le Sultan à ne pas laisser entrer dans lesdits détroits des bâtiments de guerre non turcs, et les autres puissances à ne pas y en envoyer, aussi longtemps que la Porte sera en paix; et vous dites que cet engagement a été violé par la Porte et par le gouvernement britannique. Mais du moment où le premier soldat russe a mis le pied sur le territoire des principautés du Danube, la Porte a cessé d'être en paix, et de ce moment-là le Sultan avait le droit d'appeler dans les détroits l'escadre Britannique, comme le gouvernement de Sa Majesté avait le droit d'y envoyer, et au besoin de faire passer par les détroits une escadre Britannique. Il est vrai que lors de l'entrée des Russes dans les principautés, la guerre n'a pas été déclarée par la Russie mais un État dont le territoire est occupé par des troupes ennemies, contrairement à un engagement exprès des traités, et dans le but de le contraindre à se soumettre à des conditions qu'il considère comme incompatibles avec son indépendance politique; dont des fonctionnaires sont empêchés d'avoir des rapports avec leur gouvernement, et dont le tribut est suspendu, cet État-là ne peut pas, selon la coutume et la loi internationales, ou d'après les idées ordinaires, être considéré comme se trouvant en paix avec la puissance qui agit de cette manière envers lui. Je répète donc que du jour de l'occupation des principautés, la Convention a cessé d'être en vigueur, conformément à ce qui est prévu, et qu'il dépêndait du Sultan et du gouvernement de Sa Majesté de décider à quelle époque et dans quel but l'escadre Britannique devait entrer dans les Dardanelles. XLVIII. Manifeste de la Sublime-Porte en date du 1er octobre 1853 (1 moharrem 1270). Dans les circonstances actuelles, il serait superflu de reprendre, dès l'origine, l'exposé du différend survenu entre la Sublime-Porte et la Russie, d'entrer de nouveau dans le détail des diverses phases que ce différend a parcourues, ainsi que de reproduire les opinions et les appréciations du gouvernement de Sa Majesté le Sultan, qui ont été rendues notoires par les pièces officielles publiées en temps et lieu. Malgré le désir de ne pas revenir sur les motifs pressants qui ont déterminé les modifications apportées par la Sublime-Porte au projet de Note élaboré à Vienne, motifs exposés précédemment dans une Note explicative, de nouvelles sollicitations ayant été faites pour l'adoption pure et simple du dit projet, à la suite de la nonadhésion de la Russie à ces mêmes modifications, le gouvernement ottoman se trouvant aujourd'hui, quant à l'adoption du projet de Note en question, sous l'empire de la plus grande impossibilité, et forcé d'entreprendre la guerre, croit de son devoir de faire l'exposé des raisons impérieuses de cette importante détermination, ainsi que de celles qui l'ont obligé à ne pas conformer, pour cette fois, sa conduite aux conseils des grandes puissances ses alliées, bien qu'il n'ait jamais cessé d'apprécier la nature bienveillante de leurs observations. Les points principaux que le gouvernement de S. M. le Sultan relèvera d'abord, sont ceux-ci : c'est que, dès le principe, il n'a existé dans sa conduite aucun motif de querelle, et qu'animé du désir de conserver la paix, c'est avec un remarquable esprit de modération et de conciliation qu'il a agi depuis le commencement du différend jusqu'à présent. Il est facile de prouver ces faits à tous les esprits qui ne s'écartent pas de la voie de la justice et de l'équité. Quand même la Russie aurait eu un sujet de plaintes à élever relativement à la question des Lieux-Saints, elle aurait dû circonscrire ses démarches et ses sollicitations dans les limites de cette seule question, et ne pas élever des prétentions que l'objet même de ses réclamations ne pouvait comporter. Elle aurait dû ne pas prendre des mesures d'intimidation comme celles d'envoyer ses troupes aux frontières et de faire des préparatifs de force maritime à Sébastopol, au sujet d'une question qui aurait pu être résolue amicalement entre les deux puissances. Or, il est évident que c'est tout-à-fait le contraire qui a eu lieu. La question des Lieux-Saints avait été résolue à la satisfaction de toutes les parties. Le gouvernement de S. M. le Sultan avait témoigné de favorables dispositions au sujet des assurances demandées pour cette question et pour certaines autres demandes relatives à Jérusalem. Enfin, il n'y avait plus lieu, de la part de la Russie, à élever aucune réclamation. N'est-ce pas chercher un prétexte de guerre que d'insister, comme elle l'a fait, sur la question des priviléges de l'Eglise Grecque octroyés par le gouvernement ottoman, priviléges qu'il croit de son honneur, de sa dignité et de son autorité souveraine de maintenir, et au sujet desquels il ne peut admettre ni l'immixtion, ni la surveillance d'aucun gouvernement. N'est-ce pas la Russie qui a occupé avec des forces considérables les principautés de la Moldavie et de la Valachie, en déclarant que ces provinces lui serviraient de garantie jusqu'à ce qu'elle eût obtenu ce qu'elle exige? Cet acte n'a-t-il pas été justement considéré par la Sublime-Porte comme une violation de traité, et par conséquent, comme un casus belli? Les autres puissances elles-mêmes ont-elles pu en juger autrement? Qui donc pourra douter que la Russie ne soit l'agresseur? La Sublime-Porte, qui a toujours observé avec une fidélité notoire tous ses traités, a-t-elle pu les enfreindre au point de déterminer la Russie à une démarche aussi violente que celle d'enfreindre ellemême ces mêmes traités? Ou bien, contrairement à la promesse consignée explicitement dans le traité de Kaïnardji, s'est-il produit dans l'Empire Ottoman des faits pareils à ceux de démolition des églises chrétiennes ou d'obstacles apportés à l'exercice du culte chrétien? Le cabinet ottoman, sans vouloir entrer dans de plus longs détails sur ces points, ne doute pas que les hautes puissances ses alliées ne trouvent et ne jugent tout-à-fait juste et véridique ce qui vient d'être mentionné. Quant à la non-adoption sous la forme pure et simple du projet de Note de Vienne par la Sublime-Porte, il est à remarquer que ce projet, sans être toutefois conforme à la Note du prince Mentchikoff, et tout en contenant, il est vrai, dans sa composition quelques-uns des paragraphes du projet de Note de la Sublime-Porte elle-même, n'est point dans son ensemble, soit dans sa lettre, soit dans son esprit, essentiellement différent de celui du prince Mentchikoff. Les assurances récemment données par les représentants des grandes puissances au sujet du danger des interprétations nuisibles du projet de Note en question, sont une nouvelle preuve des bonnes intentions de leurs gouvernements respectifs pour la Sublime-Porte; |