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et qui déchaîne toutes les passions, est-elle forcée à un certain moment de reconnaître le droit des gens et d'en accepter les principes: savoir quand elle divise l'état en deux camps ennemis ayant chacun son gouvernement et ses armées, comme dans une guerre internationale. Le droit des gens s'impose alors aux combattants, sous peine de tomber de part et d'autre dans une guerre d'extermination. Aux excès de sauvage passion succède ainsi une réaction naturelle, une détente des esprits irrités; les grands et permanents intérêts de la société reprennent leur empire, et la reconnaissance du droit des gens par les deux partis ennemis est comme un premier signe de leur rapprochement, de leur désir de voir finir une lutte fratricide. La guerre se présentant ici comme un fait indéniable, quoique déplorable, ce serait bien à tort qu'on voudrait ne reconnaître la qualité de belligérants qu'à une révolte légitime et pour la défense de la constitution. Toute guerre faite entre les membres d'un même état ou d'une confédération est une guerre civile, et le droit des gens s'y applique, bien qu'elle ne soit pas une guerre internationale.

§ 40. - Des belligérants.

En principe, d'après ce qui précède, le rôle de belligérants n'appartient qu'aux états souverains. Si la Compagnie orientale des Indes conserva, jusqu'à sa dissolution comme corporation politique (1857), le droit de faire la

guerre, ce droit elle ne pouvait l'exercer que comme une délégation du gouvernement anglais, sa métropole.

Des corps francs, tels que ceux de Schill (1809) ou de Garibaldi (1860), sont traités, suivant leur importance, leur force ou leur succès, tantôt en criminels, tantôt en belligérants. Le patriotisme et la poésie pourront les glorifier; mais leur caractère reste le même, que le gouvernement étranger les désavoue réellement ou pour la forme seulement, parfois même en les appuyant sous main. Le droit des gens ne reconnaît que des états belligérants; on l'applique aussi à la guerre civile, à la lutte de deux pouvoirs de fait dans un même état; mais non à l'émeute, ni à des bandes étrangères qui ne sont autorisées par aucun état. Toutefois, puisque les deux partis opposés doivent se considérer dans la guerre civile comme des belligérants, les états neutres ou étrangers à la guere ont naturellement le même droit, et peuvent en user sans que cela implique de leur part une reconnaissance de tel prétendant, de tel parti, ou de la nouvelle constitution de l'état. Le résultat de la lutte est décisif. Qu'une province ou une colonie parvienne à se séparer d'une manière durable, à se constituer en état indépendant, et les principes exposés ci-dessus lui deviennent applicables.

On distingue de plus à la guerre des parties principales et des alliés. Le secours de l'état allié est tantôt général, il aide de toutes ses forces; ou partiel, limité quant au nombre et à la nature des troupes, borné à des subsides d'argent ou autres, à l'octroi de certains privilèges pour l'attaque ou la défense, par exemple à l'occupation d'une forteresse. L'allié a naturellement

aussi le droit d'examiner si la guerre est légitime. Les droits et les devoirs des alliés généraux se déterminent par les principes d'une société égale, dont les membres ne peuvent agir que de concert. Aucun d'eux n'est autorisé à conclure séparément un armistice ou la paix. Profits et pertes sont communs ou à répartir d'une commune entente. L'alliance limitée oblige l'allié à maintenir au complet et à ses frais le secours promis, tandis que l'entretien en incombe à la partie ou au belligérant principal, sauf une convention contraire. Celui-ci n'a d'ailleurs évidemment pas le droit d'exposer tout spécialement et de préférence le corps allié pour épargner ses propres troupes, comme Napoléon I** le fit quelquefois avec ses alliés de la Confédération du Rhin. Mais l'alliance limitée ne donne de plein droit aucune part aux profits de la guerre, par exemple au territoire conquis, sauf naturellement convention contraire ou récompense accordée par le belligérant principal.

L'allié limité tire cependant parfois de sa coopération des avantages politiques indirects considérables. Le concours de la Sardaigne dans la guerre de Crimée lui valut siège et voix au congrès de Paris, puis l'alliance de la France en 1859, et aboutit finalement à la fondation du royaume d'Italie, élevé au rang de sixième puissance européenne.

§ 41.

Droits de guerre (Kriegsrechte), lois de la guerre (Kriegsmanier), raison de guerre (Kriegsraison).

Le droit de guerre proprement dit, ou le droit de demander satisfaction par les armes après avoir épuisé tous les moyens amiables, peut aller dans les cas extrêmes jusqu'à la destruction de l'existence politique propre de l'adversaire coupable. Mais cette extrémité possible ne s'impose généralement pas. L'anéantissement de l'adversaire n'est point le but premier de la guerre moderne, qui poursuit simplement la satisfaction de l'injure ou du dommage causé, y compris les frais de guerre, et sécurité pour l'avenir. Aussi, tandis que les guerres de l'antiquité tendaient à l'assujettissement de l'ennemi, qu'à Rome le temple de Janus ne se fermait que par exception, qu'il était de principe qu'on peut faire à l'ennemi tout le mal possible, de nos jours et entre les peuples civilisés, la règle est au contraire de se faire en temps de paix tout le bien qu'on peut sans se nuire à soimême, d'agir du moins dans l'intérêt commun, et de se faire en temps de guerre le moins de mal qu'on peut, c'est-à-dire seulement le mal nécessaire pour atteindre au but justement poursuivi.

Les lois de la guerre sont l'ensemble des règles modératrices et limitatives des moyens et des formes de la guerre, imposées par la pratique du droit des gens entre peuples civilisés. Une nécessité impérieuse, ou la conduite d'un adversaire qui, usant de tous moyens,

provoquerait ainsi des représailles terribles, peuvent seuls donner lieu à la raison de guerre, au retour à l'absolue rigueur du droit de guerre.

Le progrès du droit des gens, l'effort pour humaniser la guerre et la limiter sévèrement au nécessaire, se manifestent remarquablement dans nos lois de guerre (Kriegsmanier). Les détracteurs les plus opiniâtres du droit des gens ne peuvent eux-mêmes méconnaître le vif contraste entre la guerre ancienne, même chez les peuples classiques, et la guerre moderne. Rien ne le montre mieux que le traitement si différent des personnes et des choses de l'ennnemi (dont infrà). Le progrès est ici marquant, même à ne comparer notre siècle qu'avec le siècle précédent. Rendons hommage aux nobles princes et hommes d'état qui se sont efforcés d'adoucir la guerre, et aussi aux hommes de science qui, à commencer par Grotius, se sont voués à cette généreuse pensée. La conférence de Bruxelles qui, sur la généreuse initiative de l'empereur Alexandre II, réunit des délégués de tous les pays de l'Europe, s'est même imposé la tâche de rédiger un projet systématique des lois de la guerre (1); et bien que ses décisions n'aient pas été ratifiées, leur semence germera et l'avenir en récoltera les fruits. Elles demeureront en tous cas un témoignage élevé de la conscience de notre époque. Un premier essai de ce genre avait été tenté dès 1863 dans les instructions pour les armées en

(1) Juillet et août 1874. Son travail a été publié sous le titre : « Projet d'une déclaration internationnale concernant les lois et coutumes de la guerre. »

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