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CHRONIQUE HORTICOLE (DEUXIÈME QUINZAINE DE MARS)

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Interruption dans la publication de la Revue horticole. Ses causes. - Le siége de Paris. - Pertes supportées par l'horticulture. – Dégâts causés au Muséum par le bombardement. - Particularités du siége de Paris. — Rationnement du pain et de la viande. Manque de combustible. - Abattage des arbres des promenades publiques. Denrées alimentaires. - Prix qu'elles ont atteint. Mortalité constatée dans la dernière période du siége. Sympathies montrées par l'Angleterre et la Suisse. Solidarité des peuples. Décoration de la Légion-d'Honneur. M. Riocreux. Catalogue de MM. Charles Huber et Cie. - Catalogue de M. Van Houtte. Le Sooly Qua

Il y a passé six mois que la Revue horticole a cessé de paraître, et, bien que nos lecteurs connaissent le motif de cet arrêt, et sachent que nous n'y sommes pour rien, nous leur devons néanmoins quelques mots d'explication. Cela d'autant plus que, pendant tout ce temps, l'horticulture a eu à supporter une large part du fardeau qui pèse si lourdement sur la France.

Au-dessus du devoir de journaliste se place celui du sentiment national qui, en reliant et groupant les hommes sous des mèmes institutions, font d'un peuple une sorte de grande famille dont les membres sont unis par des intérêts communs. Aussi quand une calamité générale frappe une nation, chaque citoyen en ressent-il les coups et doit-il chercher à les parer, et même, au besoin, payer de sa personne!... Mais ce n'est pas tout, et si ses efforts sont impuissants, il lui reste encore un devoir à remplir de compatir à la douleur générale et de l'exprimer...

Devant la France en deuil, et en présence des maux qui la frappent, nous avons pensé, bien que ce journal soit tout particulièrement destiné à l'horticulture, qu'il nous était permis, dans cette chronique, de nous associer au deuil général, de manifester publiquement nos souffrances, et de les exprimer en consacrant quelques pages à notre malheureuse patrie, surprise, mais non vaincue, et qui, nous pouvons le dire sans crainte d'être démenti, a porté pendant plusieurs siècles le drapeau de la civilisation que, nous l'espérons bien, elle n'abandonnera pas !...

D'une autre part, il se passe pendant le cours de la vie des nations des événements tellement importants, qu'ils font pour ainsi dire partie de ces nations: tels sont ceux qui se sont accomplis pendant les années 1870-1871, et dont nous allons dire quelques mots.

Etranger à la politique, et laissant à chacun sa responsabilité, nous n'accuserons ni les hommes ni les choses; nous n'essaierons même pas de récriminer ni de rechercher de quel côté sont les torts. C'est une tâche qui incombe à de plus compétents et plus autorisés que nous, qui, certainement, ne manqueront pas de le faire, lesquels, en remontant des effets aux causes, feront aux hommes

1er AVRIL 1871.

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la part qui leur revient. Quant à nous, nous nous bornons aux quelques réflexions philosophiques suivantes, dont bien des fois déjà dans plusieurs circonstances nous avons cherché à faire ressortir l'importance en parlant de choses scientifiques, qui sont beaucoup plus étroitement liées aux choses sociales que, en général, on semble le croire; et à ce sujet nous disons :

De même que toutes les sciences sont sœurs, s'enchainent et se prêtent un mutuel concours, de même aussi il y a entre les nations, aussi bien qu'entre les hommes qui les composent, des liens qui les unissent, une sorte de solidarité qui en forme la stabilité relative, tout en assurant la sécurité à chacune d'elles, par suite d'un équilibre qui, en s'établissant sur le tout, les maintient en paix.

Pour avoir méconnu ces grands principes, qu'on ne viole jamais impunément, certaines nations ont eu et ont encore cruellement à en souffrir. C'est une observation que nous nous permettons de faire à qui de droit, tout en reconnaissant que la France n'échappe pas à la loi commune; aussi ne serions-nous pas éloigné de croire que les malheurs qui viennent de la frapper et cette sorte d'abaissement qu'elle subit aujourd'hui soient des conséquences de l'oubli des sentiments de solidarité analogues à ceux auxquels nous faisons allusion. Depuis longtemps, en effet, jouant un peu le rôle de Don Quichotte, la France semblait s'être posée en redresseur de torts et était constamment par monts et par vaux, comme l'on dit vulgairement, s'occupant de tout, excepté de ses affaires...

Ce que nous venons de dire peut donc être considéré comme dicté par un sentiment de prévenance; c'est une sorte de garde à vous que nous adressons aux nations européennes. En profiteront-elles?

Terminons cette partie de notre Chronique en rappelant que toutes les nations sont intéressées à la paix; que la guerre, indépendamment de ce qu'elle a de cruel, d'odieux et d'inhumain, est un fléau général qui nuit au plus grand nombre, si ce n'est à tous, et dont le tableau des Deux Plaideurs peut donner une idée exacte. Dans ce tableau, qui est toujours vrai, on voit que celui qui a perdu est tout nu, et que celui qui a

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gagné n'a plus que sa chemise. Triste image de la réalité! En effet, pour en revenir à notre sujet et pour ne parler que des choses qui nous concernent, on peut assurer que dans toute l'Europe le commerce horticole a souffert, et même que chez plusieurs nations il est à peu près nul. Ce n'est pas seulement l'horticulture proprement dite qui a souffert, mais toutes les industries qui s'y rattachent, tant il est vrai que tout se lie et s'enchaine!

Saus entrer dans les détails des pertes horticoles occasionnées par cette guerre déplorable, et que notre collègue, M. Verlot, fera connaître dans des articles spéciaux, nous devons dire d'une manière générale que c'est surtout dans la banlieue de Paris que l'horticulture a été le plus maltraitée, et que là beaucoup de cultivateurs ont à peu près tout perdu marchandises, matériel, mobilier, et parfois même les habitations, ont été détruits, fait qui s'explique par une occupation de cinq mois par les troupes d'investissement, qui ont dû prendre des mesures pour leur sécurité. Disons aussi que, en deçà des lignes occupées par l'ennemi, et dans cette même zone, des dégâts au moins analogues à ceux dont nous venons de parler ont été faits par nos troupes ou par le génie militaire qui, pour assurer des moyens de défense, a détruit beaucoup de choses dont l'utilité, à ce point de vue, était au moins douteuse.

D'une autre part, comme attaché au Muséum, rous croyons aussi devoir dire que cet établissement, qui pendant longtemps a joué un si important role, et qui, sous ce rapport, peut être considéré comme le premier du monde, a été très-maltraité; plus de 80 (87, assure-t-on) obus l'ont visité; les pépinières de cet établissement ont également eu cet honneur, en petit, c'est vrai, puisque trois seulement nous ont souhaité la bienvenue, ce dont, au reste, nous nous serions bien passé.

Mais, d'une autre part, une chose aussi surprenante que l'investissement complet de Paris, investissement jusque-là regardé comme impossible, c'est son blocus pendant près de six mois; fait trop remarquable pour qu'il ne se soit pas produit des particularités qui, bien qu'étrangères à l'horticulture, méritent d'être signalées. En effet, pendant tout ce temps où Paris, cette reine de l'univers, entièrement isolé, était limité à sa ligne de fortifications, où, par conséquent, cette ville, qui est un monde, devait se suffire, il a dû se produire des misères de bien des genres. C'est surtout en ce qui concerne les objets de première nécessité que certains faits méritent d'être rapportés.

Quelque important que soit un dépôt, il disparaît lorsqu'on prend toujours sans y rien rapporter; aussi, malgré les approvi

sionnements considérables en blés, farines, fourrages, boeufs, vaches, moutons, cochons, etc., qu'on avait faits, et qu'à ces approvisionnements soient venus s'en ajouter un nombre d'autres également très-considérable provenant d'apports faits par les particuliers qui étaient venus se réfugier dans Paris, avec le temps, tout s'épuisait, de sorte qu'on fut obligé de réquisitionner les choses de première nécessité, telles que pain, riz, légumes, bois, charbon, fourrages, etc. Le charbon de terre manquant en grande partie, on fut obligé d'en priver l'industrie. On dut aussi supprimer le gaz dans toutes les boutiques et habitations, et même dans les rues, de sorte que, pendant plus de trois mois, Paris dut être éclairé à l'aide de lampes alimentées avec de l'huile de pétrole, et, d'une autre part, comme ces lampes étaient en nombre insuffisant, il en résultait une demi-obscurité qui donnait à l'ensemble un cachet particulier, lugubre même, que venait encore augmenter la solitude générale, de nature à inspirer aux philosophes de mélancoliques réflexions sur la fragilité des grandeurs, et les porter à faire de singuliers rapprochements sur les hommes et sur les choses, surtout en comparant ce Paris morne avec ce Paris si bruyant et si animé qu'ils avaient vu quelques mois auparavant... lors du départ des troupes qui, avec un certain nombre d'habitants les chauvinistes - s'écriaient: A Berlin!...

Par suite du manque de charbon, les usines durent s'arrêter, et quelques autres établissements, tels que les lavoirs et les bains, bien que de première nécessité, durent également ètre fermés. A son tour, le bois manqua, et alors rien de plus triste et de plus pittoresque à la fois que les scènes qui eurent lieu sur les boulevards, par les froids très-rigoureux, exceptionnels mème, qu'il fit, comme si tous les fléaux s'étaient conjurés pour frapper Paris...

Tous les grands arbres des boulevards et des places publiques étaient attaqués à la fois hommes, femmes, enfants des deux sexes se jetaient sur ces arbres avec une ardeur fiévreuse, à peu près comme l'aurait fait un essaim d'insectes mourant de faim qui se seraient abattus sur une proie pour la dévorer... qui avec un couteau, qui avec une hache, qui avec une scie, qui avec un couperet, etc. Cette scène, l'une des plus remarquables que nous ayons vue, rappelait assez exactement celle que Victor Hugo a si bien décrite dans son remarquable ouvrage Notre-Dame de Paris, lorsque l'armée des truands attaqua la vieille basilique pour enlever la Esméralda, qui y avait été renfermée par les soins du bossu Quasimodo...

On dut aussi abattre un grand nombre d'arbres aux bois de Vincennes et de Boulogne, et, malgré cela, beaucoup de bois de

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charpente, des madriers, des planches de chêne et d'autres, d'essences d'une grande valeur, durent ètre sciés et employés comme bois de chauffage.

Comme le nombre d'animaux diminuait tous les jours, on fut obligé de rationner la viande de boeuf, puis ce fut le tour de celle de cheval. Chaque ration descendit successivement; elle arriva à 30 grammes par jour, par personne, et encore en manquait-on fréquemment. Après les chevaux-dont 80,000 environ furent mangés on se rejeta sur les mulets et sur les ânes qui,généralement, comme viande, étaient plus estimés que le cheval; puis vint le tour des chats, des chiens, des cochons d'Inde, des rats, etc.

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Le pain fut également rationné. Pendant les derniers mois chaque personne adulte avait droit à 300 grammes par jour; les enfants, à la moitié de cette ration. Toutes ces choses, ainsi qu'un bon nombre d'autres qui furent réquisitionnées, n'étaient délivrées que sur la présentation d'une carte dite de boucherie, qu'avait chaque chef de famille, et sur laquelle étaient indiqués le nombre de personnes ayant droit, leur âge, leur profession et leur demeure, et ce n'était parfois qu'après avoir attendu fait la queue- pendant plusieurs heures qu'on obtenait une si chétive pitance : et encore arrivait-il parfois, lorsqu'on parvenait au lieu tant désiré, que le boucher disait : « Je le regrette, mais la distribution est épuisée pour aujourd'hui ; vous reviendrez dans trois jours. » Le mécontentement qui se produisait alors, nos lecteurs le comprendront sans peine.

Ce ne fut pas seulement de la viande et du pain qu'on obtenait avec ces cartes « de boucherie; c'était parfois de la morue, des harengs salés, du riz, du lard, de l'huile, des haricots, etc., etc. On délivra même. jusqu'à du vin aux plus nécessiteux, et par exception, du beurre salé.

Ajoutons que pendant la dernière quinzaine qui précéda ce que dans le langage diplomatique on a nommé armistice, mais que nous qualifions tout autrement, cette chose qu'on appelait du pain, mais qui n'en avait guère que le nom, était devenue immangeable, avait un goût terreux des plus prononcés; aussi était-elle très-préjudiciable à la santé du plus grand nombre de personnes. C'était un mélange indéfini (1) dans lequel, avec une très-petite quantité de blé, entrait de l'avoine, du seigle, de l'orge, du riz et... même de la paille, qui, disons-le,

(1) Un boulanger de nos amis nous assura qu'un jour, manquant complètement de farine, il fut obligé pour faire son levain de faire balayer les pétrins, et même le sol de l'endroit où l'on faisait le pain, afin de ramasser un peu de cette chose qui aurait dù être de la farine. On n'a donc pas lieu de s'étonner si certains animaux ne se souciaient guère d'une marchandise fabriquée avec de tels ingrédients.

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n'était parfois pas très-bien broyée, de sorte que, mème plusieurs heures après un repas, on en retirait encore des restes qui s'étaient glissés entre les dents. Beaucoup de nos lecteurs s'en souviennent encore.....

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On installa aussi, soit dans la ville, même dans les « grands quartiers, » - soit dans les marchés publics, des boucheries où l'on vendait à peu près toutes les viandes qu'il était possible de se procurer. On en trouvait de beaucoup de sortes, à l'exception du bœuf, bien entendu, et même du cheval, qui étaient remplacés par des chats, des chiens, etc. Il n'était même pas rare de voir des boucheries au haut desquelles était écrit: «Boucherie féline et canine, » c'està-dire boucherie de chats et de chiens.

On vendit aussi de l'éléphant, ainsi que d'autres animaux rares, tels que cerfs, antilopes, etc., etc., mais ces animaux ne venaient pas du Jardin-des-Plantes, ainsi que l'ont rapporté plusieurs journaux ; ils provenaient du Jardin d'acclimatation, ce qui est bien différent, car ce dernier étant un établissement privé, bien que collectif, il avait le droit de vendre, ce que le directeur de cet établissement, M. Geoffroy de SaintHilaire n'a fait toutefois qu'à la dernière extrémité, lorsqu'il y fut contraint par le manque de fourrage ou d'autre nourriture appropriée à certains de ses animaux.

Faisons toutefois observer que, vu la circonstance exceptionnelle dans laquelle se trouvait Paris, ces animaux ont été vendus bien au-dessus de leur valeur réelle. Ainsi, les deux éléphants que quelques mois auparavant l'on promenait tous les jours au Jardin d'acclimatation et sur lesquels, peutêtre, quelques-uns de nos lecteurs ont fait un tour (pour la modique somme de 1 fr.), ont été vendus, nous assure-t-on, 42,000 fr.

Le Jardin-des-Plantes, ou Muséum d'histoire naturelle, n'a rien vendu, et grâce à la prévoyance du directeur de la ménagerie, M. Milne Edwards, l'approvisionnement était tel que, moyennant quelques réductions partielles où elles étaient possibles, cet approvisionnement a sutfi pour nourrir les animaux pendant les très-longs mois qu'a duré ce siége.

Pour achever le tableau que nous venons d'esquisser, nous croyons devoir donner un aperçu des prix qu'ont atteints certaines denrées, de manière, tout en fixant dans les annales horticoles ce souvenir si triste de notre histoire, à permettre aux lecteurs qui n'en ont pas été témoins de se faire une idée approximative de ce qu'était le séjour de Paris pendant cette époque mémorable.

Ainsi se sont vendus: Bœuf, le 1/2 kil., 25 à 30 fr.; cheval, 15 à 20 fr.; mulet et âne, 12 à 30 fr.; éléphant, 15 à 25 fr.; un pigeon, 15 fr.; une oie, 140 fr.; un lapin, 12 à 55 fr.; un lièvre, 70 fr.; poule,

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15 à 50 fr.; dindon, 125 à 180 fr.; chien, de 4 à 10 fr. le 1/2 kilogr.; saucisson de chien, 10 fr. le 1/2 kilogr.; un chat, de 8 à 20 fr.; cochon d'Inde, de 6 à 10 fr. la pièce; rat, 75 c. à 2 fr. 50; un moineau, de 25 c. à 1 fr.; souris (nous en avons vu qui étaient préparées - dépouillées et embrochées comme on le fait des mauviettes, nom sous lequel, du reste, on les vendait), 10 à 25 cent. la pièce.

Un de nos parents, qui avait payé un cœur de cheval 25 francs, nous assura qu'il avait fait là une « bonne affaire. » Un pâté de lièvre d'environ un 1/2 kilogr. s'est vendu jusque 70 fr.; une boîte de sardines, 8 à 12 fr.; un 1/2 kilogr. de jambon, 40 fr.; de lard, 22 fr.; d'huile d'olive, 25 fr.

Dans cet état de disette générale, tout était utilisé pas une goutte de sang n'était perdue; avec celui de cheval on faisait du boudin, et avec leurs boyaux on confectionnait des andouillettes et du gras double qui se vendaient bien. Ainsi des andouillettes faites avec des boyaux et des sacs (estomacs) de cheval se sont vendues jusque 4 et 5 fr. le 1/2 kilogramme. Le sang d'une poule s'est vendu jusque 50 centimes. Il en est de même de ses boyaux qui, assure-t-on, constituent un mets délicieux et qui, nous assurait-on aussi, restera pour la table. Il va de soi que nous ne garantissons pas ces dires. Se sont vendus :

Un ceuf frais, 2 fr. 50; un litre de lait, 4 et 5 fr.; un demi-kilogr. de beurre frais, jusque 60 fr.; fromage, 10, 15 et même 45 fr. le 1/2 kilogr., suivant les qualités, et même bientôt on n'en trouvait à aucun prix.

LÉGUMES. Se sont vendus:

1 setier d'oignons, jusque 500 fr.; pommes de terre, 25, 30 et même 60 fr. le boisseau (nous en avons vu vendre 4 et 5 fr. le kilogr.); échalottes, jusque 8 fr. le 1/2 kil.; poireau, 50 c. à 1 fr. 75 la pièce; une tête d'ail, de 25 à 70 c.; un pied de céleri, de 2 à 3 fr.; un navet, 1 fr. 50; un chou, 8 à 15 fr.; un chou-fleur, 12 fr.; betterave, 75 c. à 1 fr. le 1/2 kilogr.; carottes, 3 fr. le 1/2 kilogr., etc., etc. Nous avons vu vendre quelques petites feuilles de choux, en grande partie gelées, pour 75 c., etc., etc. Se sont vendus :

FOURRAGES.

Une botte de luzerne, de foin ou même de paille, de 3 à 5 fr., et encore vint-il un moment où l'on ne pouvait s'en procurer à aucun prix, etc.

Nous n'avons pas la prétention d'énumérer toutes les marchandises dont les prix ont dépassé les limites que semble poser la raison; non, cela est à peu près impossible. Et d'une autre part aussi, il va sans dire que tous ces prix que nous indiquons n'avaient rien d'absolu; certaines des marchandises que nous venons d'énumérer ont même été vendues plus cher, d'autres moins: c'était

une affaire de circonstances, du besoin de la part de l'acheteur et surtout de ses moyens pécuniers. Question d'écus.

Les quelques chiffres que nous venons de rapporter doivent donc être regardés comme des renseignements généraux, et pour donner une idée de la position difficile dans laquelle s'est trouvé Paris.

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Faisons toutefois remarquer que pendant tout ce temps de misère, où la mortalité considérable venait encore s'ajouter aux souffrances déjà si grandes occasionnées par le dénûment et les privations, Paris est resté ce qu'il était gai relativement, riant de ses propres malheurs. Mais toutefois, de tout ceci et de ce que nous avons vu bien des fois déjà, nous concluons que, si comme on le dit souvent le peuple français est le plus spirituel de la terre, ce que nous ne garantissons pas, on ne peut guère douter que ce ne soit l'un des plus légers, des plus remuants et aussi des plus faciles à gouverner. Il suffit de le mater, puis, ainsi qu'on le fait aux enfants indociles, de lui montrer constamment les verges. Cette vieille devise d'un autre temps : « Panem et circenses peut lui être appliquée. Comme les vieillards, le peuple français est confiant, crédule même; il suffit de lui promettre ou de l'intimider. Les fantômes l'effraient.

Mais toutefois, si dans ces tristes circonstances quelque chose pouvait dédommager un peu la France, c'est la sympathie générale, universelle, pourrait-on dire, qu'elle a rencontrée chez toutes les nations; l'une d'elles, l'Angleterre, ne s'est pas bornée à des mots; elle a fait des dons considérables dans le but d'alléger les misères du peuple français! Honneur donc à cette nation, — nous disons nation, non gouvernement, qui, bien qu'elle n'écrive pas sur les murs de ses monuments le mot de fraternité, sait faire un si bon usage de la chose!

A ces différents dons qu'a faits à la France la nation anglaise, ajoutons que toutes les sociétés d'horticulture de ce pays ont ouvert des souscriptions dans le but de soulager ceux des horticulteurs français qui ont été les plus frappés par la guerre. Nous reviendrons prochainement sur ce sujet.

En attendant, constatons ce fait qui est d'un bon augure pour l'humanité : la solidarité qui, de plus en plus, tend à s'établir entre les peuples.

Parmi les autres nations qui ont témoigné de la sympathie pour la France, il en est une que nous devons citer d'une manière toute particulière: c'est la Suisse. Cette cité, patrie de Rousseau, et qui, on peut le dire, est le foyer de toutes les libertés, et aussi l'un des pays les plus hospitaliers, ce qui pourrait bien être une conséquence, encore surpassée; non seulement cette nation nous a prêté son bienveillant et géné

s'est

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reux concours dans tout ce que la neutralité lui permettait de faire; mais lorsque, par suite des désastres dont nous n'avons pas à rechercher les auteurs, ni le droit de les juger, mais que nous pouvons maudire, 80,000 de nos malheureux soldats, manquant de tout et réduits à la plus affreuse misère, durent chercher un refuge dans ce pays, ils y furent accueillis avec une cordialité au-dessus de tout éloge, et les soins de toute nature leur furent prodigués. Pour cette généreuse nation, les Français étaient plus que des soldats c'étaient des frères... Honneur donc à la Suisse ! Honneur à son gouvernement, qui entend et pratique si bien cette. grande devise humanitaire: Liberté, Egalité, Fraternité! C'est moins le nombre des habitants que les institutions qui les régissent qui constituent les grandes nations; sous ce rapport et sur cette échelle des peuples, la Suisse occupe un des premiers échelons!... D'après ce qui s'est passé, et d'après toutes les sympathies qui se sont montrées pour la France, on est même autorisé à croire que, sans certaines particularités qui se rattachent à la politique diplomatique ou à quelques ambitions personnelles, peu de temps après ses tristes débuts, cette guerre aurait été arrêtée, ce qui, à n'en pas douter, eût été un bien pour les deux nations belligérantes.

Mais laissons là ces faits navrants; notre plume s'arrête, et la honte nous monte au front... Jetons un voile sur ce passé où le tragico-comique semble le disputer à l'odieux. Fermons ici cette époque à jamais néfaste pendant laquelle la France semble s'être oubliée... et occupons-nous de choses horticoles qui, en même temps qu'elles rentrent dans les attributions de ce journal, sont *aussi beaucoup plus conformes aux sentiments de son rédacteur en chef.

E.-A. CARRIÈRE.

A cette chronique nous ajouterons comme une sorte de post-scriptum et pour rasséréner nos pensées, faire la « bonne bouche, quelques lignes pour faire connaitre un fait assez rare et que, certainement, beaucoup de nos lecteurs seront contents d'apprendre. C'est la décoration de l'ordre de la Légion-d'Honneur accordée à un homme que tous nos abonnés connaissent, sinon comme homme, du moins comme artiste : à notre ami, M. Riocreux, l'artiste éminent dont le mérite n'est dépassé que par la modestie; qui a le grand talent, en peignant les aquarelles de ce journal, d'animer la matière, de donner la vie à ce qui est mort...

La qualification de rare dont nous nous servons pour exprimer le fait pourrait être prise en mauvaise part, ou regardée comme une dérision, si l'on prenait nos paroles à la lettre, car il est évident, en effet, que ce

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n'est pas comme décoration qu'il faut envisager le mot; sous ce rapport, l'on pourrait publiquement et sans crainte nous donner le démenti le plus formel. Mais ce qui est rare, de nos jours surtout où l'humilité n'est pas la dominante, c'est de voir qu'un homme, décoré au 15 août 1870, n'a encore porté aucun insigne qui l'indique. Nous-même, qui tous les jours, pour ainsi dire, voyons M. Riocreux, n'avons appris qu'il y a peu de jours, et encore indirectement, la juste, bien que très-tardive distinction dont il a été l'objet, et nous ne serions même pas surpris que notre ami ne soit que médiocrement satisfait de notre aveu. Mais sa modestie dûtelle en souffrir, que nous n'hésiterions pas. Nous aimons mieux être indiscret qu'ingrat.

- Depuis que la France est revenue à peu près en possession d'elle-même et que Paris est libre, différents catalogues de végétaux et de graines nous sont déjà parvenus. Le premier et dont nous allons dire quelques mots est celui de MM. Charles Huber et Cie, horticulteurs à Hyères (Var). Comme les précédents, ce catalogue est doublement intéressant par son contenu, et surtout par les descriptions qui s'y trouvent, soit en ce qui concerne les plantes nouvelles, inédites, soit des plantes remarquables et intéressantes ou peu connues. Il comprend plusieurs sections se rapportant à diverses séries de plantes ou de graines, de pleine terre ou de serre. Le nombre en est grand; nous n'essaierons même pas de les énumérer; nous nous bornerons à la citation d'espèces comprises dans deux séries: celle des INTRODUCTIONS NOUVELLES qui commence le catalogue, et celle des GRAMINÉES ORNEMENTALES NOUVELLES. Dans la première nous trouvons le Carduus cinerescens, le Carduus Verdii, le Cleome integrifolia, le Malva aurantiaca rubra, Hort. Hub., enfin l'Eriogonum suffrutescens, Hort. Hub. Ces espèces, sur lesquelles nous reviendrons, proviennent de plantes récoltées par M. B. Roezl, dans les Montagnes-Rocheuses, les montagnes d'Utah et dans la Sierra-Nevada, en 1869. Dans la série des GRAMINÉES ORNEMENTALES NOUVELLES, OU OFFERTES POUR LA PREMIÈRE FOIS, nous trouvons les Carex leportina, Cyperus polystachyus, Killingia triceps, Panicum maximum et Panicum palmifolium.

Les Cucurbitacées nouvelles ou offertes pour la première fois sont au nombre de trois les Eopepon vitifolius, Ndn, et E. aurantiacus, Ndn, et le Microsechium ruderale.

Parmi les espèces intéressantes qui rentrent dans d'autres sections, nous citerons le Dolichos bicontortus, Dur., décrit et figuré dans la Revue horticole, 1870, p. 207, et le Centaurea Clementei, plante voisine

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