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devrait forcément déroger, dans une certaine mesure, aux lois des Etats contractants, il avait consenti à accepter le principe de l'article, en réser– vant l'approbation de son Gouvernement. M. le comte Castell avait eu une autre préoccupation; il avait fait remarquer qu'un industriel qui ne serait pas admis à effectuer en Autriche le dépôt d'une certaine marque, n'aurait qu'à déposer cette marque d'abord en France, et aurait la faculté, grâce à l'article 5, de la faire enregistrer ensuite en Autriche. M. le Délégué de l'Autriche avait fait observer, en outre, qu'il y a des signes, absolument inoffensifs dans certains pays, qui sont séditieux pour certains autres, par suite de considérations politiques.

La Commission a été d'avis qu'il convenait de tenir compte de ces diverses objections et, après discussion, elle a adopté à l'unanimité la rédaction suivante :

« Art.5.- Lecaractère des dessins ou modèles industriels et des marques de fabrique ou de commerce devra être apprécié dans tous les Etats de l'Union d'après la loi du pays d'origine.

Sera considéré comme pays d'origine le pays où le déposant a son domicile ou son principal établissement.

« Le dépôt pourra être refusé, si l'objet pour lequel il est demandé est contraire à la morale ou à l'ordre public. »

M. Verniers van der Loeff (Pays-Bas) déclare qu'en présence des explications de M, le Président, qui donnent à l'article 5 un sens tout autre que. la rédaction primitive avait paru comporter, il retire son amendement. L'article 5, tel qu'il est proposé par la Commission, est mis aux voix et adopté.

La Conférence passe à la discussion de l'article 6.

« Art. 6. Tout produit portant illicitement soit la marque d'un fabricant ou d'un commerçant établi dans l'un des pays de l'Union, soit une indication de provenance dudit pays, sera prohibé à l'entrée dans tous les autres Etats contractants, exclu du transit et de l'entrepôt, et pourra être l'objet d'une saisie suivie, s'il y a lieu, d'une action en justice. »

M. Verniers van der Loeff (Pays-Bas) fait observer que cet article se rapporte à deux idées bien distinctes. Il est question, en premier lieu, de certaines obligations à imposer à la Douane, qui aurait la tâche assez lourde de prohiber les produits mentionnés dans l'article, tandis que, à la fin, il est fait mention de l'intervention des particuliers. Il pense qu'il serait utile de dégager ces deux idées. En ce qui concerne le premier point, il fait remarquer que, d'après l'article 11 de la législation brésilienne, sur laquelle M. le chevalier de Villeneuve a communiqué un travail très utile à la Conférence, la Douane n'agit que sur la requête de la partie intéressée. M. Verniers van der Loeff est d'avis d'insérer une disposition semblable dans l'article 6, à moins qu'on ne préfère écarter toute idée de prohibition douanière. Il ne lui semble pas admissible que la Douane puisse agir proprio motu. Et, en outre, la Douane ne devrait intervenir qu'autant qu'il aurait été décidé, par les tribunaux, après des débats contradictoires, qu'en réalité il y a contrefaçon. M. le Délégué des Pays-Bas propose de modifier l'article dans ce sens. Enfin, il ajoute que les mots suivie, s'il y a lieu, d'une action en justice, n'ont pas de signification, attendu que saisie ne veut pas dire confiscation. Du reste, quant à ce qui concerne la question bien délicate du transit et de l'entrepôt, il se réserve d'y revenir plus tard. Il ne pourrait accepter ce que l'article 6 propose à cet égard.

M. de Nebolsine (Russie) rappelle le traité conclu entre la Russie et la Grande-Bretagne en 1871. Il en lit l'article 1er qui dispose que la mise en vente ou en circulation des produits revêtus de marques de fabrique russes ou anglaises, contrefaites en tout pays, sera considérée comme une opération frauduleuse interdite sur le territoire des deux Etats, et sera poursuivie selon les lois de chacun des pays contractants. Il ajoute que le traité en question porte même l'indication des articles qui établissent les peines selon les lois de chacun de ces pays. Il pense donc qu'il serait suffisant de se contenter de la poursuite de la mise en vente ou en circulation des produits, sans faire mention de leur importation dont la répression offre des difficultés pratiques. Il serait, en effet, presque impossible d'imposer aux douaniers l'obligation, tout en contrôlant les marchandises, d'en vérifier les marques et de juger de leur légalité.

M. Indelli (Italie) considère l'article comme dangereux ou inutile. Il fait observer que, lorsqu'un tribunal aura prononcé un jugement déciarant qu'il y a contrefaçon, toutes les autorités seront tenues de prêter leur concours pour l'exécution du jugement. Si le sens de l'article a une portée plus étendue, il est d'avis de ne pas donner ainsi une semblable juridiction aux agents des douanes par une Convention internationale. En Italie, les douaniers sont tenus d'exécuter les décisions rendues par les tribunaux, mais on ne saurait faire de ces agents des juges d'une espèce particulière. M. le chevalier de Villeneuve (Brésil) ne pense pas qu'il soit utile de modifier l'article 6, car il lui paraît évident que ce ne sera jamais qu'à la requête de la partie intéressée que la Douane agira, ainsi que l'établit l'article 11 de la loi brésilienne de 1875.

M. le Président fait observer que l'adoption de l'article 6 constituerait un avantage considérable pour les Etats de l'Union. Les dispositions de la législation française, sur ce point, sont contenues dans l'article 19 de la loi du 23 juin 1857 sur les marques de fabrique, lequel est ainsi conçu :

Tous produits étrangers portant soit la marque, soit le nom d'un fabricant résidant en France, soit l'indication du nom ou du lieu d'une fabrique française, sont prohibés à l'entrée et exclus du transit et de l'entrepôt, et peuvent être saisis, eu quelque lieu que ce soit, soit à la diligence de l'Administration des douanes, soit à la requête du ministère public ou de la partie lésée.

Dans le cas où la saisie est faite à la diligence de l'Administration des douanes, le procès-verbal de saisie est immédiatement adressé au ministère public.

«Le délai dans lequel l'action prévue par l'article 18 devra être intentée, sous peine de nullité de la saisie, soit par la partie lésée, soit par le ministére public, est porté à deux mois.

Les dispositions de l'article 14 sont applicables aux produits saisis en vertu du présent article. »

M. le Président dit que cette disposition, purement française, ne protège pas les marques étrangères, et que le but de l'article est de faire jouir les Etats de l'Union des avantages qu'elle accorde aux Français. On peut dire qu'en France la Douane ne constate jamais d'office une contrefaçon. Les choses se passent ainsi : tout négociant importateur doit faire une déclaration en douane pour les produits taxés à la valeur ; quand la Douane considère que la déclaration est mensongère, elle saisit les produits afin de les faire expertiser. Que peut-il arriver? Voici un fait récent. Il s'agissait de

draps fabriqués, disait-on, en Allemagne, et destinés à être envoyés en Amérique. En ouvrant les ballots, on a trouvé sur les trames cette indication Drap de France, avec une marque d'une fabrique française. La Douane a prévenu le fabricant français, qui a intenté une action en contrefaçon et gagné sou procès. Jamais la Douane n'est intervenue directement. Mais l'article 19 de la loi de 1857 a cet immense avantage d'ètre, en quelque sorte, une épée de Damoclès suspendue sur la tête des contrefacteurs, et d'arrêter certainement beaucoup de contrefaçons. M. le Président répète, en terminant, que le but de l'article 6 est d'étendre ces avantages aux pays contractants.

M. de Moraes (Portugal) trouve l'article très utile; il aura pour effet de protéger l'industrie et particulièrement l'industrie agricole dont les produits ont une importance si considérable au point de vue de l'hygiène. Or, ces produits sont falsifiés sur une grande échelle. Quand la partie intéressée présentera une requête, la Douane saisira. De plus, elle pourra rendre des services importants en prévenant ceux dont les produits seront contrefaits; en un mot, elle aidera celui qui aura la volonté de défendre ses intérêts.

M. Weibel (Suisse) fait observer que l'article 6 est un des articles du ́ projet qui s'écarte le plus du projet soumis par le Gouvernement français aux autres puissances. L'article 11 de ce projet était ainsi conçu :

Tous les produits étrangers portant illicitement la marque d'un fabricant ou d'un commerçant établi dans le pays d'importation ou d'une indication de provenance dudit pays sont prohibés à l'entrée, exclus du transit et de l'entrepôt et susceptibles d'être saisis en quelque lieu que ce soit. »

Cette disposition, bien que plus limitée que celle de l'article 6, avait déjà paru trop impérative au Gouvernement fédéral, qui aurait préféré qu'on laissât aux Etats contractants l'initiative en pareille matière. La Suisse est essentiellement un pays de transit; elle a fait des sacrifices énormes pour améliorer ses voies de communication; il n'est pas possible qu'on l'oblige à faire des saisies qui auraient pour résultat d'entraver ce transit. Il est d'avis de laisser les Etats appliquer leur législation intérieure. Mais il reconnait qu'ainsi restreint, l'article aurait peu de valeur; cependant la Saisse ne pourrait même pas l'appliquer dans ces conditions, et elle rejettera certainement toute disposition qui pourrait amoindrir son transit et qui aurait pour résultat de la forcer à intervenir dans des contestations entre particuliers.

M. Lagerheim (Suède) partage sur certains points l'avis de M. le Délégué de la Suisse, mais il trouve qu'il veut restreindre beaucoup trop l'article. Il pense qu'on pourrait dire pourra être prohibé, au lieu de sera prohibé. On poserait le principe général et on laisserait à chaque législation intérieure le soin de déterminer les cas dans lesquels la saisie pourrait avoir lieu. On donnerait ainsi satisfaction à M. le Délégué du Portugal.

M. de Barros (Portugal) accepte, dans un esprit de conciliation, que l'on introduise un paragraphe pour laisser à chaque Etat la faculté d'appliquer sa législation particulière. Mais il est d'avis de maintenir l'expression sera prohibé, afin de mettre une entrave sérieuse à la contrefaçon. Aucune loi, en effet, ne saurait admettre qu'on ne poursuive pas un fait de contrefaçon quand ce fait est connu. Il faut donc établir une règle générale, uniforme; sans quoi, une contrefaçon pourra ètre poursuivie dans un Etat et pas dans l'autre. M. de Barros propose de maintenir l'article en y ajoutant seulement les mots selon les lois particulières de chaque Elal.

M. Amassian (Turquie) dit que l'article 6 impose aux Gouvernements l'obligation d'exercer des poursuites, soit directement, soit à la demande de la partie intéressée. Il n'admet pas que son Gouvernement puisse s'en-gager à saisir directement les marchandises en transit portant des marques contrefaites. Une obligation semblable serait absolument inapplicable en Turquie, d'abord à raison de sa situation géographique, et ensuite à cause dies capitulations. M. Amassian déclare se rallier à la proposition de M. le Délégué de la Suède.

M. Weibel (Suisse) demande à préciser la portée de l'article; il semble donner à un propriétaire de marques de fabrique ou de commerce le droit de faire une saisie dans chaque Etat, indépendamment d'un dépôt préalable de sa marque dans cet Etat. Si ce droit est acquis, on va trop loin, car on rend inutile le dépôt. Si, au contraire, il faut que la marque ait été déposée, l'article n'a pas de portée, car le dépôt donne déjà le droit

de saisir.

M. Indelli (Italie) pense également que le propriétaire d'une marque a le droit de saisir, quand il a déposé sa marque; il demande quelle est la portée de l'article. Si l'article veut dire que chaque Etat s'engage à prendre les mesures nécessaires pour permettre à la partie lésée de se protéger, il l'acceptera parce que cet engagement respecte absolument la législation interieure de chaque Etat. Mais si, au contraire, l'article contient, en quelque sorte, une loi générale pour tous les pays, il le rejettera, car il porterait atteinte au droit pénal et même à la constitution de l'Italie.

M. Amassian (Turquie) est d'avis que la marque doit être déposée, parce qu'elle ne peut être illicite que si elle a été déclarée telle, ce qui suppose nécessairement le dépôt. Il propose d'ajouter: dans les Etats contractants où le droit de protection est acquis conformément à l'art. 3, et à la requête de la partie intéressée.

M. Hérich (Hongrie) pense que la rédaction de l'art. 6 ne peut être acceptée. Elle ne mentionne que la marque du fabricant ou du commercant. Or, il y a d'autres marques, celles des agriculteurs : il convient donc de compléter l'article. Il fait observer, d'un autre côté, que l'indication de fausse provenance est une question qui doit être jugée par la loi pénale et qu'elle ne rentre pas dans le domaine de la propriété industrielle. Il propose de supprimer cette partie de l'article, mais de maintenir les mots sera prohibé.

M. de Barros (Portugal) demande, au contraire, qu'on maintienne la partie de l'article dout M. le Délégué de la Hongrie propose la suppression, et qui a une importance capitale, attendu que l'indication d'une fausse provenance est l'élément le plus grand de la contrefaçon.

M. Jagerschmidt (France) dit que l'art. 6 n'est que la reproduction d'un vœu émis par le Congrès de la propriété industrielle tenu à Paris en 1878; mais il reconnait que la rédaction définitive est encore à trouver; il n'a proposé celle qui figure au projet de Convention que pour servir de base à la discussion. Il partage, du reste, la manière de voir de M. de Barros en ce qui concerne l'indication de fausse provenance, que M. Hérich est d'avis de ne laisser réprimer que par la législation de chaque Etat. Que se passet-il, en effet? Il y a des contrefacteurs qui vendent à l'étranger du vin qualifié de Champagne, par exemple, et qui mettent sur les bouteilles, pour mieux tromper l'acheteur: M. Martin, négociant à Reims. Or, il n'y

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a pas à Reims de marchand de vin de Champagne du nom de Martin. De telle sorte que la fraude demeurer ait impunic si l'on ne pouvait pas faire saisir les bouteilles comme portant une fausse indication de provenance. Il y a donc là un intérêt considérable. D'autre part, M. Jagerschmidt se demande ce qui se passera si, au lieu de mettre sera, on dit pourra être prohibé. Avec cette dernière rédaction, il considère l'article n'aurait aucune portée et qu'il serait préférable de le supprimer.

que

M. Weibel (Suisse) fait observer que l'article renferme deux questions relatives, la première aux marques de fabrique, la seconde à l'indication de provenance. En ce qui concerne les marques de fabrique, il avait demandé si la protection devait être accordée indépendamment de tout dépôt; les auteurs de l'article n'ont pas répondu à cet égard. D'un autre côté, on demande à chaque Etat de compléter sa législation dans le cas où elle ne contiendrait pas l'interdiction mentionnée dans l'art. 6. Il considère comme secondaire la question de savoir si les Etats peuvent admettre que les dispositions proposées soient introduites dans leurs lois, du moment où le propriétaire de la marque doit en effectuer le dépôt; attendu que, pour protéger ses droits, il pourra toujours s'en rapporter à la législation du pays. Il pense, d'ailleurs, que les lois fournissent d'autres moyens de protection.

Quant à l'indication de fausse provenance, M. Weibel reconnaît que la question est extrêmement importante au point de vue des relations commerciales, mais il fait remarquer que malheureusement l'habitude de ce genre de fraude est tellement invétérée que la répression en sera bien difficile, et qu'en réalité on n'aura pas de moyens efficaces de l'empêcher. Toutefois, il ne refuse pas d'examiner quels pourraient être ces

moyens.

M. Lagerheim (Suède) dit que, dans sa pensée, l'art. 6 comporte pour les Etats une obligation trop grande et que sa portée réelle n'est pas suffisamment indiquée. On pourrait, tout en réservant la législation intérieure, s'engager à prohiber. Il considère la question relative à l'indication de provenance comme très délicate. Il rappelle qu'il y a eu, à cet égard, entre l'Angleterre et la Suède, une contestation assez grave, au sujet de l'introduction de fers portant la marque Lancashire.

Ceci n'était cependant point une fausse indication de provenance, mais uniquement la dénomination d'une méthode spéciale de fabrication. La contestation fut résolue en ce sens que l'Angleterre admit l'entrée des fers en question, à la condition qu'il fût ajouté Sweden après le mot Lancashire.

M. de Barros (Portugal) dit que le propriétaire d'une marque contrefaite ne pourra exercer une poursuite que s'il a déposé sa marque, car si le dépôt n'a pas été effectué, les tribunaux ne seront pas à même de savoir s'il y a contrefaçon. Il pense qu'il faut établir une peine, et que l'art. 6 renferme cette idée. Il reconnait qu'il y aura des difficultés dans la mise à exécution de l'article, mais qu'il en sera ainsi pour toutes les autres dispositions insérées dans la Convention. Il est, d'ailleurs, d'avis que la question concernant l'indication fausse de provenance est du ressort des tribunaux.

M. de Nebolsine (Russie) considère qu'il est difficile d'indiquer la peine, et dit que ce genre de contrefaçon donnerait lieu, en Russie, à une poursuite judiciaire.

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