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défaut d'un autre, on est obligé d'accorder aux belligérants le droit d'y recourir dans les cas extrêmes; toutefois, le mode d'application mis en usage aujourd'hui, ne nous semble pas moins peu pratique. Sans parler de la nécessité d'appliquer les règles fondamentales proclamées par l'Institut de droit international, et admises antérieurement par le gouvernement russe, il nous semble qu'il serait opportun d'observer les deux principes suivants :

1o Le coupable saisi pour violation des usages de la guerre doit être traité non comme un prisonnier, mais comme un criminel justiciable du conseil de guerre. Ainsi, les baschibouzouks et les kurdes saisis sur le fait ne doivent pas jouir des droits de prisonniers de guerre, mais être livrés à la justice et jugés selon toute la rigueur des lois. Il semble qu'on ait parfois procédé de cette manière à l'égard des baschibouzouks dans le cours de la dernière guerre ;

2° S'il est impossible de rendre responsables les vrais coupables, il importe avant tout d'user de représailles à l'égard des commandants et des officiers des troupes ennemies coupables en première ligne des actes odieux de leurs subordonnés. Si les généraux et les officiers turcs chargés d'un commandement eussent su d'avance qu'en cas de capture ils auraient à répondre en Russie des cruautés de leurs troupes, ils eussent certainement mis plus de soin à les prévenir; ainsi, malgré les protestations d'Osman-pacha, héros de Plevna, il est hors de doute qu'il traitait ses propres soldats blessés de la manière la plus indigne. Il suffit de lire la lettre adressée de Plevna au Standard (du 14 novembre 1877), feuille turcophile par excellence, pour voir qu'il chassait avec le plus grand sang-froid les médecins anglais qui lui proposaient de soigner les malades sans rémunération aucune, quoiqu'il y eût alors, dans cette localité, jusqu'à cinq mille malades et blessés privés de tout secours médical! Même la protestation écrite du chef de l'expédition anglaise arrivée à Plevna avec tout un personnel de

médecins et le matériel nécessaire au pansement des blessés ne produisit aucun effet sur le Mouchir. Il persista dans son idée que les blessés et les malades devaient mourir, et qu'ils ne constituaient qu'un fardeau inutile pour lui. L'Anglais turcophile lui-même n'hésite pas à trouver honteuse cette conduite d'Osman-pacha (1). Quant à nous, Russes, nous nous demandons si Osman-pacha pouvait être plus scrupuleux avec nos blessés, lui qui se montrait si inhumain avec les siens?

Dans ces conditions, une enquête sévère et impartiale par un conseil de guerre russe sur la conduite d'Osman-pacha fait prisonnier eût été parfaitement justifiée, et n'eût pas manqué d'exercer une action radicale. Il est probable qu'une semblable mesure appliquée à Osman-pacha eut donné lieu à de nouvelles récriminations contre la Russie. Mais on aurait toujours eu la possibilité d'en démontrer la légitimité à titre de représailles. D'ailleurs, les agents militaires des puissances neutres attachés à l'armée russe auraient pu être autorisés à assister aux débats de la cour appelee à statuer sur la conduite des chefs militaires qui avaient toléré et encouragé toute espèce de débordements de leurs subordonnés.

Quant à exécuter des centaines de soldats sous prétexte de représailles, c'eùt été, nous semble-t-il, une mesure aussi barbare et cruelle qu'inefficace et stérile.

(1) Coope, A prisoner of war in Russia, Londres, 1878, p. 135.

CHAPITRE VIII

DES MALADES ET BLESSÉS ET DES PRISONNIERS DE GUERRE

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I. Analogie de la situation des malades et blessés avec celle des prisonniers de guerre. Convention de Genève de 1864, et articles supplémentaires de 1868. Teneur de cette convention et de son action civilisatrice. Expériences de la guerre franco-prussienne de 1870 et conférence de Bruxelles de 1874. De la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dans le cours de la dernière guerre. Pourquoi il ne fallait pas s'attendre de la part des Turcs au respect de cette convention? Faits prouvant la nécessité des garanties assurant le respect de la Croix-Rouge. - Protestations de l'Allemagne et de quelques autres puissances contre la violation de la convention de Genève par les troupes ottomanes.

II. Qui doit-on considérer comme prisonniers de guerre? — Dispositions des conférences de Bruxelles et de La Haye. Situation des prisonniers de guerre russes en Turquie. Leur nombre. Situation des prisonniers turcs en Russie. Règlement temporaire sur les prisonniers de guerre pendant la guerre d'Orient de 1877. - Leur nombre et leur répartition à l'intérieur de la Russie. Attitude de la société russe à leur égard. — Conclusion générale.

I

Il y a un lien intime entre la situation des blessés et des malades, d'une part, et celle des prisonniers, de l'autre, au point de vue du droit actuel de la guerre. Ceux-ci doivent être considérés comme inviolables au même degré que les blessés. Si des actes d'hostilité à l'égard des blessés sont impardonnables, ils sont tout aussi repréhensibles à l'égard des prisonniers. Si des blessés arrachés à leur détachement continuent à jouir de la protection du droit de la guerre et de la convention de Genève, les prisonniers séparés de leur corps

d'armée par la force des circonstances peuvent invoquer pour leur part, des droits et des immunités qui leur sont reconnus par les lois et les usages actuels de la guerre. Enfin, on ne saurait perdre de vue qu'un certain nombre de prisonniers ont été blessés ou sont tombés malades au moment même de leur capture, de sorte que blessé et prisonnier de guerre sont bien souvent des termes identiques.

Mais il faut dire que cette analogie dans la situation de ces deux catégories de victimes de la guerre internationale n'était pas toujours reconnue par les nations. A une époque où l'on tuait des prisonniers et où on les vendait comme esclaves, le soldat blessé se trouvait en quelque sorte sous le patronage des dieux. Lorsqu'au moyen âge, la coutume s'établit de racheter les prisonniers de guerre, ils constituèrent une source de revenus et de richesse. Quant au blessé, déjà à cette époque reculée, il était assuré de la protection de l'Eglise et de celle de la chevalerie. Mais plus nous approchons des temps modernes, plus s'accentue l'analogie des situations entre blessés et prisonniers de guerre. A l'heure actuelle, les militaires malades et blessés sont protégés par une convention internationale spéciale, tandis que les prisonniers de guerre ne jouissent pas encore de garanties formelles; mais il faut espérer que le moment est proche où un acte international analogue sera stipulé en leur faveur.

Nous avons eu l'occasion de signaler plus haut l'idée très répandue que la convention de Genève de 1864 a été la première à garantir le sort des militaires malades et blessés, en les proclamant neutres et en leur assurant des titres à la protection des deux belligérants. Cette opinion est dénuée de tout fondement. Il y a bien longtemps déjà que les belligérants contractaient des traités aux termes desquels on proclamait l'inviolabilité des blessés et on leur assurait les soins nécessaires dans les institutions médicales des deux Etats ennemis.

Depuis le commencement du seizième siècle jusqu'au com

mencement du dix-neuvième, il a été conclu jusqu'à trois cents engagements entre les différents Etats de l'Europe (1). Le mérite de la convention de Genève consiste principalement en ce qu'elle a formulé une loi internationale commune, obligatoire pour tous les Etats de l'Europe qui y ont apposé leur signature.

Les arrangements internationaux antérieurs à la convention de Genève démontrent clairement combien l'idée de la CroixRouge a poussé de profondes racines dans la conscience des peuples civilisés. Si le principe de l'inviolabilité des pauvres mutilés sur le champ de bataille se manifeste dans le cours de plusieurs siècles, si les nations européennes s'accordent depuis longtemps sur la nécessité de prendre en commun des mesures pour sauvegarder la vie des militaires blessés et malades, il est évident que ces principes et cet accord reposent sur les idées de droit et de morale des peuples. En effet, ce ne sont pas seulement la charité chrétienne et la voix de la conscience, mais encore le sentiment de leurs droits et de leurs devoirs qui inspiraient aux nations la nécessité de proclamer inviolable la personne de l'ennemi blessé et de lui reconnaître le droit absolu d'être secouru, même par l'adversaire qu'il vient de combattre. C'est au développement d'idée de l'inviolabilité personnelle des blessés que l'on peut apprécier l'état de civilisation d'un peuple à un moment donné. Elle n'était accessible qu'aux nations qui avaient atteint un certain degré de culture et de perfection morale. C'est ce qui explique la raison pour laquelle, même dans des guerres antérieures à 1864, les Etats civilisés de l'Europe respectaient l'inviolabilité des blessés, sans y être tenus par un traité ou un engagement quelconque. La communauté des convictions religieuses, l'identité des aspirations morales et des idées de droit, voilà ce qui

(1) Voir GURLT, Zur Geschichte der internationalen und freiwilligen Krankenpfliege, p. 3. LUEDER, die Genfer Convention, p. 10 et s.

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