Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

:

ble. Ce respect absolu de la force brutale évoque les temps passés, mais va droit à l'encontre de l'avenir. Nous sommes, en effet, assez disposés à ne tenir compte que du passé et nous oublions que l'avenir a ses droits. Cette tendance ne saurait durer indéfiniment elle est en contradiction directe avec la loi fondamentale du développement de la civilisation moderne. Cette loi est celle du progrès, d'une marche toujours ascendante que rien ne saurait arrêter; de l'homme, de la société, de l'Etat et de la vie internationale. Le développement ne saurait consister dans un retour au passé, il exclut l'empire de la force physique et devient impossible en l'absence du droit et de l'ordre.

Le progrès sans l'idéal est une utopie.

Le droit, figé dans le moule d'une vie passée, éteinte et sans lien avec l'avenir, doit nécessairement aboutir à la violence et à l'arbitraire.

Le droit sans l'idéal

c'est purement un fait. Le despotisme, quatre fois séculaire, exercé par les Turcs sur les rayas chrétiens c'est également un fait.

-

Pour ce qui est du droit de la guerre civile, il peut également réclamer sa part d'idéal; son développement complet appartient sans doute à l'avenir, et ceci, loin d'être un symptôme de faiblesse, est plutôt un gage certain de son triomphe définitif. De même qu'un peuple qui a foi dans sa force et poursuit avec ardeur sa mission nationale ne saurait être supprimé de la surface de la terre, de même le droit est appelé en fin de compte à triompher de la force physique dans le domaine politique aussi bien que dans celui de la vie internationale.

CHAPITRE II

LA GUERRE ET LA LOI

-

La guerre entre nations civilisées est soumise à des lois et à des usages élaborés par la pratique. La codification de ces lois est dans l'intérêt des Etats belligérants eux-mêmes. Opinion contraire de Hartmann et Rustow. - Elle est démentie par les faits et contestée par des spécialistes militaires éminents. Vues erronées de quelques auteurs en matière de droit international sur la codification des lois militaires.

On entend généralement sous le terme de droit un ensemble de lois et de règles juridiques. S'il existe un droit de la guerre, serait-il permis de douter de l'existence de lois positives. Mais qu'est-ce qu'une loi?

L'ancienne définition de Montesquieu est toujours encore supérieure à d'autres plus récentes. « Les lois, dit-il, sont les rapports qui dérivent de la nature des choses et dans ce sens tous les êtres ont leurs lois » (1).

En substituant le terme de « règles » à celui de « rapports », nous aurons une notion complète de la définition de Montesquieu. En effet, dans le cours de tout son ouvrage classique, il s'applique sans cesse à elucider les rapports tels qu'ils se présentent dans la vie humaine, à en pénétrer le sens historique et la véritable portée pour apprendre à connaître les lois qui les régissent. En se plaçant à ce point de vue, il est aisé de comprendre la mission du pouvoir législatif dans l'Etat. Si tous les rapports surgissant dans la vie ont des lois qui dérivent de leur nature, si tous les hommes sont liés les uns aux autres par des droits et des devoirs déterminés, la tâche du

(1) MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, liv, I, ch, I,

législateur devra consister à étudier ces rapports réels sous toutes leurs faces et à déterminer avec précision les lois qui les concernent.

En appliquant cette méthode aux relations internationales, il faudra convenir qu'elles ont également des lois spéciales qui répondent à leur nature et à leur mission. Si les rapports entre les nations en temps de paix sont soumis à l'action de certaines lois, on ne saurait contester, comme nous l'avons vn plus haut, l'existence de règles obligatoires pour elles en temps de guerre. Il importe, par conséquent, que les lois qui président aux relations internationales soient élucidées et déterminées avec précision.

Mais une difficulté se présente ici. Elle tient au mode tout spécial de formuler les lois internationales. Les rapports entre les Etats reposent sur le principe d'une complète indépendance. Les Etats ne reconnaissent aucun pouvoir, ni souverain, ni législatif, ni judiciaire. Ils sont omnipotents et ne se soumettent à aucune autorité étrangère. Si cette indépendance réciproque des Etats faisait défaut, il ne saurait être question de rapports entre eux.

Il en résulte que dans le domaine international, les lois, appelées à avoir force obligatoire pour les Etats, ne peuvent être établies que par la voie d'un accord mutuel. Cet accord peut être soit constaté par des coutumes que le temps a consacrées, soit, ce qui est préférable, consigné dans un traité international. Toutefois, ce serait une erreur de penser que les règles qui gouvernent les relations internationales n'existent qu'autant qu'elles sont formulées dans les coutumes ou les traités. Cette conclusion serait tout à fait contraire à l'idée même de la loi, qui dérive de l'essence des rapports de la vie et qui correspond à leur nature.

Il est certain que pour prévenir dans la mesure du possible des contestations entre les Etats au sujet de leurs droits et de leurs devoirs mutuels, il serait très désirable qu'il s'établit

1

entre eux une entente sur la véritable portée des règles juridiques obligatoires pour tous. On a tout lieu de croire que plus on travaillera à dissiper les doutes sur le sens et la teneur de la loi internationale qu'il s'agit d'appliquer, plus les nations elles-mêmes en retireront d'avantages et plus les relations entre elles accuseront un caractère de stabilité. On ferait complètement fausse route en supposant que l'absence de règles. fixes doit invariablement tourner à l'avantage de l'Etat qui dispose de la force physique à un moment donné. La force n'est pas le droit, mais c'est toujours une arme à double tranchant: un Etat, fort à un moment donné, peut se voir réduit à l'impuissance par suite d'un changement de circonstances. Enfin, si des règles positives président, en effet, aux rapports entre les peuples, si elles dérivent de leur nature, on devra en conclure nécessairement que sans elles ces rapports ne pourront ni s'établir, ni se développer. Or, l'expérience de chaque jour nous montre que les nations sont poussées par le besoin impérieux d'ouvrir de nouveaux champs d'action à leurs forces physiques et morales; les rapports qu'elles ont entre elles gagnent ainsi chaque année plus d'extension et sont parvenus aujourd'hui à un essor sans précédent dans le passé.

Ces considérations nous semblent assez concluantes pour qu'il ne soit pas possible de douter de la nécessité pour les Etats de fixer, d'un commun accord, des règles juridiques, obligatoires pour tous. Cette nécessité nous semble encore plus impérieuse par rapport aux Etats belligérants. La guerre se présente comme un fléau si désolant, déchaîne des passions si brutales, que la conscience de la loi et du droit est le seul frein qui puisse empêcher les excès de barbarie et en atténuer quelque peu les terribles conséquences.

Voilà pourquoi un accord international dans le but de fixer les règles de la guerre ou, en d'autres termes, la codification des usages de la guerre nous semble pour les Etats civilisés une mission tout aussi impérieuse que la codification des lois

internationales en temps de paix. Ce n'est qu'en formulant clairement dans une loi la qualité de « belligérants » qu'il sera possible de prévenir, du moins en partie, des cruautés inutiles et de restreindre les cas de représailles odieuses qui frappent des victimes innocentes qui n'ont jamais pu ni commettre le crime pour lequel elles sont punies, ni en empêcher l'exécution.

Il importe ainsi de déterminer avec précision les lois de la guerre, et leur codification nous semble devoir être l'objectif principal des efforts consacrés à diminuer les maux terribles qu'entraînent les conflits entre les peuples.

Malheureusement, ces vues sont loin de dominer soit dans l'armée, soit parmi les publicistes et les jurisconsultes. A une époque récente, surtout à l'occasion des travaux des conférences de Bruxelles de 1874 et de La Haye de 1899, on a hautement proclamé comme un axiome infaillible que cette codification était impossible et même pen désirable.

I

Un général de cavalerie prussien, très estimé, M. de Hartmann, s'est prononcé dans ce sens, il y a quelques années, avec beaucoup d'énergie et une compétence incontestable dans une série d'articles publiés dans la revue allemande bien connue Deutsche Rundschau (1877). Les arguments sont bien simples il déclare qu'il n'y a ni droit, ni lois de la guerre et que, par conséquent, il ne peut être question de la codification de celles-ci.

L'auteur s'applique sans cesse à mettre les principes « d'idéalisme du droit » international en présence des exigences « du réalisme militaire ». Celui-ci exclut toute possibilité d'établir sur ce terrain des règles infaillibles ou des lois quelconques. La guerre est une lutte impitoyable entre les nations, et toutes les tentatives d'en restreindre les calamités s'évanouissent devant l'inexorable gravité des opérations militaires,

« ZurückWeiter »