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vrier, il fut convenu que l'on s'occuperait tout d'abord du Rhin et de ses affluents, ainsi que de l'Escaut, sauf à traiter plus tard la question à un point de vue général. Ce programme impliquait le concours immédiat de la Hollande, de la Bavière, de Bade, de la Hesse grand-ducale et de Nassau, dont les délégués s'adjoignirent effectivement à ceux de l'Autriche, de l'Angleterre, de la Prusse et de la France. Ainsi fut constituée la commission de navigation dont les actes, si vantés par les uns, si contestés par les autres, ont survécu à la plupart des transactions politiques du premier congrès européen de ce siècle.

Cette collaboration de plénipotentiaires étrangers et de représentants riverains semblait promettre un résultat conforme aux intentions solennellement manifestées par les pacificateurs de 1814. Mais l'on s'aperçut bientôt que les États rhénans ou du moins la plupart d'entre eux entendaient sauvegarder avant tout leurs positions particulières et que les concessions réclamées par l'intérêt public seraient réduites à la portion congrue.

Deux projets de règlement furent soumis à la commission, l'un prussien, l'autre français. Celui-ci fut accepté comme base des délibérations; il portait en substance dans ses deux premières clauses << que le Rhin serait considéré comme un fleuve commun entre les États riverains et que la navigation y serait entièrement libre et ne pourrait être interdite à personne. »

Le principe de la communauté était naturellement posé comme élément primordial de la liberté; il convenait tout d'abord, ainsi que le démontrait le duc de Dalberg dans son article 17, (1) d'écarter les entraves intérieures auxquelles la navigation et le commerce seraient restés exposés, si une solidarité intime n'avait uni les différents possesseurs riverains. Quant à la liberté, elle n'était pas seulement garantie dans les propres termes du traité de 1814; on en marquait le caractère universel par une sorte de pleonasme, en spécifiant qu'elle serai entière, c'est-à-dire qu'elle s'étendrait au commerce et à la navigation de toutes les nations.

Néanmoins le plénipotentiaire britannique insista pour que cette dernière explication fùt insérée dans le projet du duc de Dalberg, amendement qui

(1) Art. 17. « A l'égard des autres grands fleuves, nommément le Weser, l'Elbe, l'Oder, la Vistule, le Danube, le Pô, le Tage, etc., comme il a été reconnu que pour faciliter les communications des différents peuples et favoriser l'échange de leurs productions au moyen des routes fluviales, il était indispensable de diminuer le nombre des lieux de péage et de simplifier le mode de perception, en ne laissant subsister des anciens établissements connus sous le nom de droit d'étape, d'accises et de licents, que ce qui serait indispensable à la célérité du commerce et des transports et considérant que pour arriver à ce but et faire disparaître pour toujours les obstacles qui s'opposent aux relations commerciales entre les différentes nations, le moyen le plus sûr est de considérer les fleuves depuis le point où ils deviennent navigables jusqu'à leur embouchure, comme un ensemble et d'adopter dans ce sens, tant pour la police et la perception des droits, un même système de navigation, les puissances contractantes n'envisageant que le bien général, etc. »

(Projet du duc de Dalberg.)

fut unanimement adopté quant au fond, mais auquel le baron de Humboldt opposa, à quinze jours d'intervalle, la rédaction suivante qui prévalut : « la navigation du Rhin sera entièrement libre et ne pourra sous le rapport du commerce être interdite à personne. >>

L'adjonction de ces mots « sous le rapport du commerce » parut suspecte à Lord Clancarty; elle eut à ses yeux la portée d'une restriction contraire aux vues des signataires du traité de Paris et l'observation qu'il en fit, provoqua cette réponse typique qui mérite assurémeut de figurer entre guillemets: «... Il n'y a pas lieu de modifier la rédaction de M. de Humboldt, vu qu'elle ne semble pas s'éloigner des dispositions du traité de Paris qui ne visaient qu'à débarrasser la navigation des entraves qu'un conflit entre les États riverains pouvait faire naître et non de donner à tout sujet d'État non-riverain un droit de navigation égal à celui des sujets riverains pour lesquels il n'y aurait aucune réciprocité. >>

L'on ne reconnaît certes point ici la « parfaite bonne foi» attribuée par plus d'un historien aux négociateurs des règlements fluviaux de 1815; le texte prussien ne permet sans doute pas de conclure formellement à l'exclusion des pavillons étrangers; mais, rapproché des textes français et anglais auxquels il a été substitué, il peut autoriser cette interprétation ou du moins légitimer des différences de traitement à peu près équivalentes à l'exclusion. Son auteur a pensé concilier de la sorte le respect

dû aux résolutions souveraines de 1814 avec les sollicitations particularistes de 1815, ainsi qu'avec ses propres réserves (1) et il a eu recours à l'équivo que, œuvre de diplomatie qui a longtemps exercé la dialectique officielle comme les dispositions ambiguës de l'article 1er du traité relatif à la constitution du duché de Varsovie.

Il est certain que le projet de M. de Humboldt, dûment voté par la commission de navigation, a donné lieu plus tard à des systèmes divergents et qu'aujourd'hui encore, ainsi que j'aurai occasion de l'exposer dans la partie pratique de ces études, il sert d'argument à ceux qui, malgré les conventions explicites de 1814, prétendent ou ménager aux seuls riverains la navigation fluviale proprement dite ou n'admettre les étrangers à son exercice qu'à des conditions d'inégalité telles que toute concurrence leur est impossible.

Est-il vrai dès lors, comme l'ont affirmé dans ces derniers temps deux éminents professeurs de droit international (2), que l'initiative du progrès réalisé dans la législation des fleuves communs à plusieurs états appartienne surtout au baron Guillaume de Humboldt? Un tel jugement ne paraît pas seulement contraire aux données de l'histoire qui, je crois

(1) Voir notamment l'opinion émise par M. de Humboldt dans la séance du 3 mars 1815 sur l'admission conditionelle des ba

teliers sujets d'États qui n'ont de possession que sur les affluents du Rhin.

(2) Voir Droit international codifie, pages 28 et 189.

l'avoir démontré, associe le nom de la France à toutes les phases principales de ce progrès ; il ne se concilie point non plus avec le rôle du mandataire de la Prusse dans la négociation spéciale dont on se persuade qu'il a eu les honneurs. Le témoignage rendu au plénipotentiaire du roi Guillaume III revient plutôt aux plénipotentiaires anglais et français qui, par leurs propositions individuelles, tendaient tous deux à l'exacte application du programme civilisateur de 1814 et si l'on peut accuser un membre influent de l'assemblée européenne de 1815 d'avoir faussé et compromis dans son développement naturel le principe de la liberté fluviale, c'est à mon sens, M. le baron de Humboldt, le président de la commission de navigation adjointe au congrès de Vienne.

Qu'il me soit permis d'insister sur cette critique en consignant ici l'avis de plusieurs publicistes que l'on ne soupçonnera certes point de partialité ou de complaisance.

Voici ce qu'écrivait en 1860 le fonctionnaire allemand qui a fait paraître à Leipsik sous les auspices de la chambre de commerce de Hambourg, l'ouvrage si consciencieux et si instructif intitulé die Elbzölle: «Qui sait combien de temps aurait duré l'arbitraire qui régnait dans l'administration fluviale, si au commencement de ce siècle et malheureusement par suite d'exigences étrangères, une transformation radicale ne s'était opérée dans le régime fiscal du Rhin, transformation qui plus tard a pu servir de norme à tous les cours d'eau com

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