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traduction et porte le titre de Philomena ». Il se rencontre dans la septième partie des OEuvres complètes du docteur séraphique, à côté du Lignum vitæ, du Landismus sanctæ crucis, et d'autres compositions animées de sentiments analogues (1).

L'allégorie proprement dite y est précédée d'une espèce de prologue que notre traducteur a textuellement reproduite; mais il n'en est pas de même d'une description du bonheur des élus qui termine le poème latin. Pourtant il y avait de la poésie dans des strophes semblables à celles-ci : Eia, dulcis anima, eia, dulcis Rosa,

• Lilium convallium, gemma pretiosa,
« Cui carnis fœditas exstitit exosa;
<< Felix tuus exitus morsque pretiosa.

Felix quæ jam fueris requie cupita,
« Inter sponsi brachia dulciter sopita
Ejusque spiritul firmiter insita

« Ab eodem percipis oscula mellita (2).

En revanche, le ms. français contient une trentaine de vers pleins de grâce et de fraîcheur qui ne sont plus une traduction et qui nous initient pour ainsi dire à l'histoire de cet opuscule. Il en résulte que l'œuvre de saint Bonaventure fut envoyée à notre auteur en manière de souvenir par un chartreux de La Fontaine-Notre-Dame et mise en vers presque immédiatement par son pieux destinataire. Voici du reste en quels termes on nous apprend au début du poème cet intéressant détail :

Lautrier de la fontaine à la Vierge Marie

De par celli qui est la moitié de ma vie
Me vint un bon salu qui mame a resbaudie
Jhésu Crist en aour, mon ami en mercie;

Pour ce que tel salu ne dois pas soul avoir,
La savour que gi truis vuil faire à ceulx savoir
Qui le vouldront oir ; quar ja le mien avoir

Par ce n'en descroistra si n'en vuil estre avoir.

(1) Cette septième partie renferme : 1o. Meditationes vitæ Christi; 2°. Lignum vitæ ; 3°. De quinque festivitatibus; 4°. Officium de passione Domini; 5o. Opus contemplationis: 6o. Landismus de sancta cruce: 7°. Philomena; 8°. De septem verbis Domini in cruce.

(2) Sancti Bonaventuræ Opera, t. VI; p. 424-427, édit. de Lyon, Philippe Borde 1668.

De ces biens temporelx meins a qui plus en donne;
Mais bien espiritel a coustume si bonne

Que qui plus le depart et qui plus labandonne,
Plus li vault et delite et tant plus li foisonne.

Ceulx qui puissans et riches a tousiours estre veulent
Entendent es vroiz biens qui ainsi croistre seulent;
Quar tous biens temporelx se reboivent et meulent
Et ceulx qui plus les prisent plus à la fin s'en deulent.

Donques, pour eschiver maniere d'envieux,
A ceulx qui des bons mots oir sunt curieux,
Vuil tout abandonner cest present gracieux
Qui ne men sera mendre, ne meins delicieux.

Le chant du roussigneul fist cest dictié clamer
Le maistre qui le fist et n'y a que blamer;
Quar cel chant nous ensaigne à leaulment amer
Cil qui fist ciel et aer, et la terre et la mer.

Ou nom de cel seignour et de sa reverence
Qui tout peut et gouverne par sa grant sapience,
Selon ce qu'il vouldra donner moi la science,
Cest dictié vuil rimer qui ainsi se commence (1).

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La traduction du Philomena fut achevée la veille St.-Laurent de l'an 1330 (2). Il est probable que son auteur n'était autre que l'anonyme qui écrivit, un peu plus tard, Le Tombel de Chartrose. Il y a en effet en faveur de cette opinion d'autres raisons à alléguer que la réunion de ces deux poèmes dans le même ms. Cette juxtaposition que l'on remarque aujourd'hui dans le ms. d'Avranches, existait aussi vraisemblablement dans celui de M. de Montmerqué; car Le Chant du Roussigneul est indiqué

(1) Le Chant du Roussigneul, fol. 1.

(2)

A chaiscun, bel doux frere, de ces dits bien conviegne ;

Efforce que ton ame tel roussigneul deviegne ;

Et quant tu seras tel, Jhesus Crist ty maintiegne;

De moy par charité devant Dieu te souviegne.

La veille Sainct Lorens l'an mil cec trente.

Fust ce chant translaté, s'il est qui sen demente.

Le Chant du Roussigneul, in fine.

à la table, quoiqu'il ne soit pas compris dans le corps de l'ouvrage (1). On peut encore remarquer dans ces deux compositions une manière d'écrire à peu près semblable et l'invocation fréquente des mêmes autorités, de saint Grégoire, par exemple, dont le nom revient si souvent dans les différents récits du Tombel. De plus, si l'Introduction du premier ouvrage nous indique que son auteur était en rapport avec le prieur de La Fontaine-NotreDame, les premières lignes du second nous conduisent à un résultat tout pareil. Ce chartreux lui-même, dont le poète parle avec tant d'affection dans Le Chant du Roussigneul, pourrait fort bien être ce protecteur littéraire dont l'auteur du Tombel déplore la perte inattendue à la fin de ses narrations :

Et por celi qui le fit faire

Qui ne le peut voier parfaire

Ne corrigier dont moult me poise!
La mère Dieu li soit cortoise (2).

Mais si toutes ces questions restent fort incertaines, il n'en est pas de même du point de savoir quel est ce monastère de La Fontaine que nous trouvons sans cesse mentionné dans ces poésies. Quelques personnes ont cru qu'il s'agissait de l'abbaye de Fontenelle, au diocèse de Cambrai, ne réfléchissant pas que Fontenelle n'avait jamais été un prieuré de chartreux, et s'appuyant uniquement sur la similitude de noms. C'est évidemment là une erreur : La Fontaine-Notre-Dame du Tombel de Chartrose et du Chant du Roussigneul était au milieu de la forêt de Retz et dépendait du diocèse de Soissons. Maître Bergeron, dans son Valois royal », appelle quelque part ce prieuré « le beau et exquis monastère de Bourg-Fontaine- . Nous le trouvons désigné en termes précis dans le Théâtre chronologique du P. Innocent Masson: Cartusia sub titulo Fontis Beatæ Mariæ quæ ad « Franciam spectat. Il existe en outre des chartes conservées à la bibliothèque Leber, et en partie connues, qui renferment les détails les plus circonstanciés sur cet établissement, fondé vers 1426 et honoré, au

(1) Ce fut le roi Philippe, dit Bergeron, d'un nombre infini d'autres actes remarquables, qui fit < parachever ce beau et exquis monastère de Bourg-Fontaine..... et en augmenta la fondation.» Valois royal, in-12 assez rare.

(2) Le Tombel de Chartrose, fol. 112.

moment même de la composition de nos deux poèmes, de la faveur des premiers Valois.

Quant au ms. de la bibliothèque d'Avranches qui renferme ces deux raretés littéraires, il fut exécuté au commencement du XV. siècle par un moine du Mont-St. -Michel, prieur au Mont-Dol, nommé Nicolas Delaunay. Ce renseignement est puisé dans une note finale que nous reproduisons avec la formule précatoire qui la termine :

Scriptum in villa Dolensi per me fratrem Nicholaum Delaunay, priorem ⚫ de Monte Dolis. Anno Domini millesimo quadracentesimo vicesimo tertio. . Mense februarii. »

Lectores cari, curetis, quæso, precari

Pro scriptore Deum, salvet ut ille reum. »

DES

TITRES ET CHARTES

inédits

DE L'ABBAYE DE SAVIGNY

PAR M. L'ABBÉ DESROCHES,

Curé d'Isigny, membre de la Société.

De toutes les abbayes de France, Savigny (1) a peut-être été la plus illustre au moyen-âge, elle donna naissance à une quantité prodigieuse d'autres monastères célèbres, qui ne furent pas seulement des oratoires, mais des établissements d'instruction, des archives enfermant dans leurs vastes collections d'actes publics et particuliers les documents les plus précieux pour l'histoire de l'esprit humain et de la civilisation. Les moines de ces couvents n'étaient pas des hommes simples, mais pour la plupart de preux chevaliers, qui, las de courir le monde, venaient finir leur vie dans le cloître où ils arrivaient à grand bruit avec armes et bagages, ainsi que le prouvent les chartes de la sainte maison dont nous allons nous occuper.

(1) Ce n'est pas de l'abbaye de Savigny, dans le diocèse de Lyon, et dont M. Auguste Bernard vient de publier le Cartulaire (2 vol. in-4°. Imprimerie Impériale, Paris, 1853) qu'il s'agit ici; mais de celle qui, sous le même nom, honora le diocèse d'Avranches. La première s'appelait, en latin, Saviniacum ou Sabiniacum (monasterium); la seconde, Saviniacum et mieux Savigneium, comme l'écrit Stapleton dans sa carte de Normandie (Tabula Normanniæ sub regibus Anglia), que nous avons reproduite en tête de notre t. XVI. Voyez, sur ces deux abbayes, Expilli, Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, t. VI, p. 648; et le Gallia Christiana, t. IV, col. 259, et t. XI, col. 540. Cf., pour la dernière, le Neustria pia, p. 676.

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