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LXI. Il était près de huit heures, lorsque les troupes commandées par le général Bourbaki se précipitèrent sur le champ du combat, et que les batteries à cheval de la réserve du commandant de La Boussinière ouvrirent leur feu. Sur l'emplacement des camps anglais que traversait la colonne, les cadavres russes étaient mêlés aux cadavres anglais, et indiquaient qu'une lutte terrible avait eu lieu sur ce point. De tous côtés on voyait des tentes renversées et déchirées en lambeaux par la mitraille, des débris d'uniformes, des armes appartenant aux deux nations,

Cap, l'énergie qu'il déploya contre les rebelles, et en même temps sa sage et loyale administration lui valurent l'estime et les sympathies de tous. Pour récompense de ses services, il fut nommé chevalier compagnon de l'ordre du Bain, distinction qu'il avait méritée depuis longtemps.

Lorsque l'Angleterre, alliée de la Turquie, déclara la guerre à la Russie, les meilleurs généraux furent mis en réquisition, et sir George Cathcart, qui avait été fait adjudant général en 1853, fut, à son retour du Cap, désigné pour faire partie de l'armée d'Orient. Arrivé sur le théâtre de la guerre, on le nomma lieutenant général, et on lui donna le commandement de la 4° division.

A la bataille de l'Alma, il soutint avec la division de réserve le flanc gauche de l'armée anglaise et le protégea énergiquement.

Le 25 octobre, à la journée de Balaclava, le général Cathcart rendit de grands services avec sa division, qui prêta aux Turcs un solide appui, et arrêta, en se déployant dans la plaine, l'attaque ennemie. C'est à la bataille d'Inkermann que le brave général devait tomber glorieusement : « Sa Majesté, dit lord Raglan dans son rapport, a été privée, par sa mort, d'un sujet dévoué et d'un officier du plus grand mérite. »

A la gauche d'Inkermann, dans une petite enceinte, entourée d'un mur en pierres sèches à moitié détruites, repose le brave général, à côté du vieux Shangways, du colonel Seymour et du général Goldie. Sur les pierres élevées devant chaque tombe, sont tracés ces quatre noms, et tout autour, des fosses nombreuses indiquent que d'intrépides combattants dorment lå du dernier sommeil. Une sentinelle est placée chaque jour sur ce champ des morts.

que les terres humides recouvraient à moitié, et des blessés oubliés au milieu des morts et des mourants.

En arrivant vers la batterie fixe que les Anglais avaient établie, en avant de leur camp, sur le plateau, le général Bourbaki forma ses bataillons en bataille, et, sans attendre un seul instant, s'élança, l'épée haute, à la tête de ses vaillants soldats, au milieu des broussailles élevées qui couvraient le sol. La France tendait la main à l'Angleterre, et venait prendre sa part du combat.

En voyant accourir leurs alliés avec cet élan impétueux qui leur est propre, les Anglais poussèrent une longue acclamation et cessèrent un instant de combattre pour agiter en l'air leurs armes ensanglantées. Les blessés se relèvent à moitié et crient: hourra!... Les troupes françaises répondent par les cris répétés de vive l'Empereur! puis les bataillons chargent avec fureur. On dirait une masse de fer mue par une puissance invisible. Déjà ils ont fait deux larges trouées dans les rangs ennemis; sous leurs pas, les morts s'entassent et les Russes rétrogradent; les pieds marchent sur des cadavres que cachent les broussailles, et étouffent des mourants qu'on ne voit pas.

XLII.

L'ennemi, un instant épouvanté par cet ouragan humain, resserre ses rangs éclaircis; les chefs animent leurs soldats et s'élancent les premiers sur nos baïonnettes avec une intrépidité sans égale; alors le combat redouble. Nos deux bataillons, écrasés par le

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nombre, sont à leur tour repoussés par le flot toujours croissant; mais ils se retirent pied à pied, combattant comme des lions. Le brave colonel de Camas est tombé frappé d'une balle dans la poitrine; car il s'était jeté au plus fort de la mêlée, donnant à tous l'exemple du plus intrépide et du plus audacieux courage. Deux fois refoulés et deux fois revenant à la charge, les Russes reprennent pied sur ce même terrain où gît déjà privé de vie le corps du colonel, entouré de ses soldats morts, comme il était, quelques instants auparavant, entouré de ses soldats vivants (1).

(1) Bien des versions ont été dites et écrites sur la mort du colonel de Camas, qui blessé, dit-on, avait été achevé par les Russes; aussi nous croyons devoir reproduire ici ce passage d'une lettre écrite par son frère devant Sébastopol, le 22 décembre 1854.

« Le colonel de Camas a été atteint d'un coup de feu au bas de la poitrine, à gauche. Un sergent, appelant à son aide un de ses camades, l'entraîna, en le soutenant par-dessous les épaules, l'espace d'une trentaine de pas. De Camas, qui ne paraissait pas souffrir, mais perdait beaucoup de sang, leur dit de s'en aller et de le laisser là, où il n'avait plus qu'à mourir.... De Camas finit par perdre connaissance, et, étendu à terre, il cherchait autour de lui avec la main, répétant ces mots : « L'épée de mon père! »

<< Par suite du flux et du reflux des colonnes en lutte, les Russes étaient revenus sur le terrain ou gisait de Camas. Plus tard, on le retrouva à la même place, mort; mais il est faux qu'il ait été achevé par les Russes à coups de crosse ou de baïonnette: on me l'avait dit avant que j'aie pu le voir; aucune trace de cela n'existait sur lui, il n'avait que la blessure dont il est mort, et qui lui traversait le corps. »

LE COLONEL DE CAMAS.

Le colonel Filliol de Camas avait 47 ans, et était fils du général d'artillerie le baron Filliol de Camas. C'était un officier distingué, plein d'énergique et vigoureuse résolution. Il avait de son père la taille et le type du commandement. L'armée perd en lui un chef de corps qui savait inspirer à ses soldats l'élan du champ de bataille.

Elevé à l'école spéciale de Saint-Cyr, il en sortit en 1828, et fut

Par instants le brouillard se lève, laissant aux regards le temps d'apercevoir le lieu du combat, puis s'affaisse tout à coup, comme un voile que laisserait tomber la main de Dieu, pour cacher ces tristes scènes de mort et de carnage.

Le commandant de La Boussinière, malgré le feu de mitraille qui hache à tout instant ses hommes et ses chevaux, résiste en désespéré et continue son tir sur les batteries qui couronnent les hauteurs. Les bataillons français sont débordés sur la droite par des forces supérieures; aussitôt le commandant prend la batterie placée à gauche de la redoute et la porte vigoureusement à sa droite; là, il recommence son feu à courte distance sur les colonnes russes, et y sème le désordre par ses boulets et ses obus.

Le général Bosquet est accouru; il voit l'ennemi envahir les abords du plateau; il voit ses braves régiments

nommé sous-lieutenant au 17o régiment d'infanterie de ligne. En 1837, il était capitaine; c'est avec ce grade qu'il s'embarqua pour l'Afrique en 1839, et prit part aux campagnes qui signalèrent les cinq années suivantes. Bientôt il se fit remarquer par sa bravoure et son instinct militaire. Chaque expédition faisait ressortir les énergiques qualités du jeune officier. Il fut nommé chef de bataillon en 1842, et porté à l'ordre du jour de l'armée pour sa brillante conduite dans les combats livrés contre les tribus arabes, en 1844. Le commandant de Camas fit la campagne d'Italie, et sa bravoure le signala encore à l'attention de ses chefs; cette nature active, entreprenante, avait besoin de ce mouvement, de cet imprévu, de cette agitation de la vie des camps; il retourna en Afrique, et fut nommé lieutenant-colonel; alors il rentra en France; c'était le 23 août 1851. Bientôt la guerre d'Orient ouvrit à l'armée un glorieux champ de bataille; il s'embarqua au mois d'avril 1854, et fut promu, la même année, au grade de colonel du 6o de ligne, à la tête duquel il devait tomber noblement, frappé dans cette mémorable journée, qui porta si haut le drapeau de la France.

plier sous le fardeau d'une lutte inégale, et il lance pour les soutenir de nouveaux renforts. A côté d'eux, il les anime, il les guide, et, au milieu de la mitraille, avec son état-major, sonde la profondeur des masses qui débouchent de toutes parts. Presque sur ses pas arrive une batterie de la seconde division que conduit le commandant Barral; cet officier supérieur rejoint le général Bosquet, au moment où celui-ci, l'épée à la main, revenant d'examiner d'un coup d'œil calme et résolu la gravité de la position, organise en nouvelles colonnes d'attaque les troupes du général d'Autemarre. Le commandant Barral lui annonce l'arrivée de sa batterie et lui demande ses ordres.

—Je vais, lui répond le général, charger à fond avec les troupes que j'ai sous la main, pour reprendre aux Russes toutes ces positions; les Anglais doivent garder ma gauche; établissez vos pièces de manière à appuyer mon mouvement. »

Aussitôt la batterie de la seconde division vient prendre place sur le terrain où l'artillerie de la réserve, à bout de munitions, lutte encore avec des pertes considérables en hommes et en chevaux (1). Le colonel Forgeot fait ranger les pièces en batterie sur la crête, pendant que le commandant Barral se portant

(1) Ces deux batteries eurent 47 hommes tués ou blessés et 104 chevaux tués.

C'est sur le terrain même du combat que le commandant de La Boussmière a raconté à l'auteur de ce livre les épisodes les plus saisissants de cette mémorable journée.

Les Russes, lui disait-il, avaient amené sur les hauteurs plus de

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