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ment affaibli, qu'il lance à peine quelques volées, à de rares intervalles. L'on peut facilement constater les dégradations que lui a occasionnées notre artillerie.

Certes, cette canonnade subite et d'une vigueur excessive dut faire croire à la ville assiégée qu'une tentative sérieuse se préparait contre elle; et, en effet, l'assaut avait été résolu en conseil, pour le 6 novembre.

Le général Forey, commandant le corps de siége, avait reçu l'ordre de préparer de solides colonnes commandées par des officiers choisis dans tous les grades, parmi ceux qui jouissaient d'une réputation connue de vigueur et d'intelligence. Tout s'apprête; on fait à la hâte dans les tranchées les plus avancées des gradins de franchissement.

Le feu des Russes a repris avec une nouvelle intensité, et notre attaque de gauche, exposée à un grand nombre de batteries nouvellement construites, est plus éprouvée que l'attaque de droite. Tout semble faire pressentir qu'on touche à un grave et solennel moment; nos canonniers de terre et de mer redoublent d'ardeur et d'énergie chaque homme se multiplie. Sur plusieurs points, les pertes sont sérieuses, le sang coule; des coups d'embrasure démontent les pièces. Dans la même journée, quatorze canonniers sont mis hors de combat dans la batterie 13 qui est forcée de suspendre son tir : les balles, les boulets, la mitraille détruisent de tous côtés ses parapets. Les projectiles creux surtout sont lancés avec une grande précision; mais les francs-tireurs, placés aux deux extré

mités de la deuxième parallèle nouvellement ouverte, ralentissent souvent le feu de l'ennemi.

On connaît l'activité des Russes à réparer leurs travaux défensifs; on sait que les approvisionnements accumulés dans les arsenaux ne leur feront pas défaut, et que les pièces démontées la veille seront mises le lendemain en état et prêtes à faire feu. Il faut se hâter.

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XXIX. Aussi, pendant que le général en chef, accompagné des généraux d'artillerie et du génie, explore les abords de la place, les officiers supérieurs, désignés pour diriger les diverses colonnes, étudient avec un soin minutieux le terrain où les troupes assaillantes doivent rencontrer de sérieux obstacles, après avoir franchi la première enceinte. Mais bien des points restent encore obscurs, car les affaissements de sol, impossibles à constater, peuvent créer des difficultés imprévues. C'est le bastion du Mât dont on doit s'emparer; c'est celui qui a le plus souffert et qui doit le plus souffrir par le feu continuel de nos batteries.

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Dans la nuit du 3 au 4, le général de Lourmel, général de tranchée, envoie son officier d'ordonnance, le capitaine d'artillerie de Lajaille, en reconnaissance vers le bastion du Mât, afin de savoir, avec certitude, les obstacles artificiels qui peuvent en défendre les approches. Il fait une nuit profonde; la pluic tombe; des deux côtés l'artillerie, comme fatiguée par son feu incessant, semble se reposer. Quelques bombes

seulement traversent l'air de leurs rayons enflammés, et des balles perdues sifflent et labourent les crêtes de nos travaux les plus avancés. Le capitaine de Lajaille part, accompagné de quelques officiers et de cinq ou six soldats; il se glisse silencieusement; pas le moindre bruit ne trahit son approche : il arrive ainsi devant le bastion sans être aperçu, et peut constater avec certitude qu'il s'y trouve un fossé, dont la profondeur doit être de 1 mètre 50 à 2 mètres, au plus.

Le lendemain, le capitaine Martin et le lieutenant Fescourt partent de nouveau au milieu de la nuit avec des sapeurs et quelques soldats, pour reconnaître une autre partie du terrain que les colonnes doivent aussi parcourir; mais cette fois, les Russes font bonne garde; la petite reconnaissance est reçue par une vive fusillade et ne peut avancer. Quelques heures avant le jour, la pluie, qui tombait à torrents, diminue d'intensité; mais un épais brouillard s'abat sur la terre. - C'était le 5 novembre au matin.

XXX. Pendant que nous préparions ainsi nos moyens d'attaque, et que tous les cœurs battaient d'impatience et d'espoir, l'ennemi ne restait pas inactif, et prenait toutes les mesures qui pouvaient déjouer ou du moins entraver nos projets.

« Tous les matins, écrivait le général commandant le corps du siége, dès les premières clartés du jour, inoment ordinairement choisi pour livrer un assaut, les

défenses de la place se garnissaient de troupes nombreuses, le feu redoublait de violence contre nos travaux d'approche, et le tir de 50 à 60 pièces de campagne disposées de manière à couvrir de mitraille le terrain où doivent, selon toute prévision, s'engager les colonnes d'attaque, venait s'ajouter à celui de 400 ou 500 pièces de position qui battaient de leur feu les places d'armes que les Russes supposaient pouvoir être occupées par les assaillants.

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En même temps le prince Menschikoff, dont l'armée s'augmentait chaque jour par des renforts considérables, avait décidé une attaque de l'armée de secours contre l'armée d'observation, pendant qu'une partie de la garnison se précipiterait sur nos travaux de siége et détruirait nos batteries. - Le corps d'armée du général Liprandi agissait sur la ligne de Balaclava; le corps d'armée du général Dannenberg sur Inkermann. Si les Russes parvenaient à s'emparer des hauteurs d'Inkermann, ils descendaient comme un torrent sur le terrain du siége, coupaient les communications de l'armée assiégeante avec Balaclava et prenaient à revers la ligne de circonvallation, pendant que le général Liprandi, pénétrant de son côté par la route de Balaclava, faisait sa jonction avec le reste de l'armée russe entre cette ligne et celle des travaux d'approche contre la place. Par cette manœuvre, Anglais et Français, attaqués à dos, étaient forcés d'abandonner leurs travaux de siége et de se faire jour au travers de l'armée ennemie, pour regagner les deux ports de dépôt, Balaclava et Kamiesch.

La sortie contre l'extrême gauche des tranchées fran çaises devait, en occupant sérieusement le corps de siége, concourir ainsi à l'ensemble de ce plan d'opérations. Le moment était bien choisi et favorable à ce projet habilement combiné, dont le but était de jeter à la mer les armées alliées.

XXXI. Les grands-ducs Michel et Nicolas étaient arrivés à Sébastopol et apportaient aux troupes qui allaient combattre un appui moral, dont la force se décuplait par le fanatisme du dévouement. Les deux fils de l'empereur venaient partager les périls des soldats et les mener au combat; images vivantes du souverain de la Russie, ils raniment par leur présence dans la ville assiégée les esprits et les courages. Aussi, la veille, le son des cloches et les cris d'allégresse résonnaient dans l'intérieur de Sébastopol mêlés aux tristes mugissements de la canonnade; et les échos, messagers indifférents, portaient à la fois au camp des alliés ces cris de joie et ces bruits de mort.

XXXII. Le général Liprandi avait pu reconna!tre, par la journée du 25 octobre, que le plateau du côté de Balaclava était difficilement abordable; garni d'ouvrages armés d'artillerie qui battaient toute la vallée, il était en outre défendu par le corps d'observation français; mais l'armée ennemie, campée depuis lors sur les hauteurs qui forment la chaîne de

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