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frappé glorieusement, l'épée à la main, à la tête de son régiment (une balle lui avait traversé le crâne) : c'était un brave soldat, dont la perte fut vivement sentie (1). A peu de distance suivaient les brancards sur lesquels étaient étendus le commandant Julien et le capitaine. Dubosquet, tous deux tués. Hélas! notre succès était payé par des pertes douloureuses: mais le jour, en éclairant le lieu du combat, montra le sol et les fossés de l'ouvrage jonchés de cadavres russes. Des prisonniers, des armes, des outils en grand nombre et neuf mortiers portatifs, trouvés en batterie, restèrent entre nos mains (2).

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Le colonel Viénot, né en 1804, était âgé de 51 ans; il sortit de l'Ecole spéciale militaire en 1825, et passa plusieurs années en Afrique. Tous les généraux inspecteurs le signalèrent comme un officier distingué, instruit et capable; c'était surtout un chef actif, digne et ferme à la fois dans le commandement. C'est à cause de ces qualités essentielles que le commandement difficile d'un régiment de la légion étrangère lui fut donné en Orient. Ses soldats l'aimaient, et c'est au milieu d'eux qu'il tomba frappé mortellement.

(2) Rapport particulier du général de Salles au général Pélissier.

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« Les ordres que vous m'avez donnés hier au soir ont été exécutés. L'important ouvrage que les Russes avaient construit à quelques mètres de la batterie no 40, a été vigoureusement enlevé à la baïonnette par nos braves soldats; les troupes s'y sont maintenues. Sous la direction des officiers du génie, les parapets ont été retournés; une communication avec nos approches a été construite dans la nuit ; au jour l'ouvrage a pu être conservé, et j'ai la confiance qu'il nous appartient définitivement.

<< Cet ouvrage présentait une double enceinte; son importance était immense; il avait pour but d'écraser par des feux d'artillerie la batterie no 40, et les travaux qui l'entourent, de battre les deux gorges

XXIV. Dans la matinée qui suivit, le feu se ralentit, et 400 travailleurs furent employés aux communications commencées entre nos approches et cette place d'armes dont nous venions de nous emparer. D'un seul bond nous nous étions avancés de 150 mètres sur le bastion Central.

Le lendemain, vers les trois heures, 300 Russes environ débouchaient par une issue, à gauche de la lunette du bastion Central, courbés à terre, marchant en une seule colonne. Sans nul doute, ils supposaient que nos défenses, tourmentées toute la nuit par le feu incessant de leur artillerie, devaient être encore imparfaites sur ce point.

Deux compagnies d'élite du 2a régiment de la légion étrangère, une du 43o et deux bataillons du 46° et du 98o, tous deux d'un effectif très-affaibli par le combat de la nuit précédente, gardaient cette position. Les Russes, protégés par les ondulations du terrain, avaient pu, sans être aperçus, arriver très-proche des parapets derrière lesquels nos compagnies de garde étaient couchées; espérant nous surprendre par cette attaque inusitée en plein jour, ils s'élancent avec une grande

qui séparent cette batterie du bastion du Mât et de la crête sur laquelle nous avons établi les batteries 41 et 42. Presque entièrement terminé. il avait déjà reçu un armement de 9 mortiers, et il était défendu par plusieurs bataillons, flanqué par les feux croisés du bastion du Mât et de la Quarantaine, et soumis aux feux de la face gauche du bastion du Centre et de la flèche qui la couvre. L'ouvrage nous appartient, les défenseurs ont été culbutés à la baïonnette, l'artillerie est entre nos mains; tous les efforts de l'ennemi pour tenter la reprise de cet ouvrage ont échoué. »

impétuosité, battant la charge et poussant, selon leur habitude, des cris sauvages. Les voici contre les parapets, assaillant à la fois nos soldats de coups de fusil, de coups de pierres, de coups de crosse; ceux-ci supportent sans faiblir ce choc inattendu : les plus rapprochés n'ont pas eu le temps de saisir leurs armes; mais ils rendent coup pour coup, pierre pour pierre, frappant l'ennemi avec les pioches et les pelles qui étaient sous leurs mains, et combattant à la fois comme des travailleurs et des soldats. La colonne ennemie est rejetée en arrière; mais, se reformant avec audace sous notre feu, elle revient de nouveau à la charge, enhardie par le petit nombre des défenseurs de cette importante position. Le lieutenant-colonel Martineau-Deschenez soutient vaillamment, avec le 46°, cette seconde attaque, et deux compagnies du 1er régiment des voltigeurs de la garde, en réserve dans la deuxième parallèle, s'élancent à travers champs sur l'ennemi, qu'elles menacent sur son flanc droit à leur tête est le capitaine Gentil; chacun court à travers la mitraille. C'est la première fois que ce brave régiment de la garde s'élance au feu, il a cet enthousiasme superbe d'un premier combat, enthousiasme que tous, depuis les chefs jusqu'aux soldats devaient conserver jusqu'à la fin de cette longue et terrible lutte. Sur les pas des voltigeurs se sont jelées une compagnie de chasseurs à pied et deux du 80° que dirige le commandant Courson : ce renfort inattendu rendit la lutte terrible et courte à la fois. Les Russes, comprenant l'impossibilité de nous désemparer de cet

ouvrage, regagnèrent leurs bastions, où les poursuivirent la grêle de nos balles et les boulets de nos canons.

Depuis Inkermann c'était la première fois qu'un combat avait lieu à la lumière du jour et aux rayons du soleil. Mais bientôt un voile de fumée avait enveloppé l'horizon et caché les batteries de l'ennemi, ainsi que le long mur de la Quarantaine, déchiré par notre artillerie.

Toute tentative pour nous disputer la victoire était désormais inutile. Dans la journée du 3, le pavillon blanc s'éleva sur la lunette du bastion Central, et un parlementaire russe demanda de la part du général Osten-Sacken une suspension d'armes, pour rendre aux morts les derniers devoirs. Cette autorisation fut aussitôt accordée.

A deux heures, le feu recommençait des deux parts. « Ce double combat, écrivait le général en chef, en date du 4 mai, caractérise de la manière la plus heureuse les qualités d'élan et d'ardeur qui sont particulières à nos troupes: jamais elles ne firent preuve sur un théâtre, restreint il est vrai, mais où le drame de la guerre se manifestait sous les formes les plus saisissantes, de plus de vaillance et d'impétuosité. »

Dans les deux engagements 33 officiers avaient été mis hors de combat, 11 étaient tombés pour ne plus se

Journal du corps de siége, du 3 au 4 mai.

<< On a rendu aux Russes 150 cadavres, qui se trouvaient, tant dans les ouvrages dont nous nous étions emparés que sur les parapets et le terre-plain extérieur. De notre côté, nous avons relevé 121 morts, qui étaient entre cet ouvrage et le corps de la place. »>

relever. Ce chiffre dit assez à quel rang sont les officiers, quand l'heure est venue de combattre.

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XXV. Omer-Pacha, prévenu par de nombreux rapports, que les Russes s'avançaient en force sur Eupatoria, s'est rendu dans cette ville avec 5000 des soldats qu'il avait conduits devant Sébastopol.

L'expédition de Kertch est partie avec la division Brown et la 1re division du 1er corps français sous les ordres du général d'Autemarre, qui a remplacé le général Forey (1); un détachement turc fait aussi partie de l'opération.

Les vapeurs avaient pris la mer le 30 avril au soir. La petite flottille, afin de donner le change, cingla d'abord dans la direction d'Odessa; elle devait se rabattre sur la

(1) Appelé au commandement de la province d'Oran, le général Forey se sépara avec une profonde amertume de cette armée dont il avait partagé depuis le commencement les travaux, les combats et les fatigues.

Avant de partir il adressa ses adieux à sa division en termes nobles et touchants:

«

Officiers, sous-officiers et soldats, disait son ordre du jour, un ordre de l'Empereur m'appelle à un autre commandement; un soldat ne sait qu'obéir. Je quitte celui de la belle et brave division que depuis un an je m'étais plu à considérer comme une famille, dont tous les membres m'étaient dévoués, et que j'espérais, après lui avoir assigné moi-même, comme commandant du corps de siège, les postes les plus périlleux, conduire bientôt sur la brèche de Sébastopol : c'est vous dire les regrets que j'en éprouve. Si quelque chose peut les adoucirce sont les témoignages d'estime et de sympathie que j'ai reçus de tous tes parts en vous quittant, et l'assurance que j'emporte que, sous les ordres d'un autre chef si digne de vous commander, vous conserverez votre belle réputation, parce que vous serez toujours de vaillants soldats. >>

Le général en chef voulut, de son côté, rendre au général Forey,

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