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VII. Le général Rivet lançait en même temps, sous les ordres du commandant Julien, quatre compagnies du 46, soutenues par des chasseurs à pied, contre lest quatre embuscades que les Russes avaient déjà reconstruites avec cette prodigieuse activité dont ils ont donné tant de fois l'exemple. Là, comme à l'attaque du cimetière, l'ardeur de nos troupes surmonta tous les obstacles.

Bientôt cependant, elles se trouvèrent devant un ennemi très-supérieur en nombre, mais elles résistèrent avec opiniâtreté jusqu'à l'arrivée des renforts. Comme les jours précédents, les Russes, convaincus que nous renouvellerions nos efforts sur ces deux points, y avaient accumulé de nombreuses réserves; un instant nos soldats, écrasés par des feux qui les pressaient de toutes parts, se replièrent vers les tranchées. Mais déjà l'impulsion de leurs chefs leur a imprimé un nouvel élan; des compagnies de soutien arrivées à la hâte se joignent à eux, et tous s'élancent contre ces masses compactes qui ont repris possession du terrain. Ce choc devait être décisif, il fut sanglant, mais cette fois encore l'ennemi dut rétrograder; alors les compagnies assaillantes, mêlées à celles de la légion étrangère et du 42, formèrent en avant des embuscades un rempart vivant que les Russes ne purent plus parvenir à entamer. La nuit, heureusement assez obscure, ne leur permettait pas d'assurer la direction de leur tir, et les balles et la mitraille passaient au-dessus de la tête des compagnies courbées sur le sol.

La série d'embuscades, dont une portion avait atteint

la proportion de véritables remparts, est définitivement à nous.

L'ennemi, fort de sa supériorité numérique, avait résisté avec un grand acharnement, et ce ne fut qu'après de redoutables efforts qu'il s'était décidé à opérer sa retraite. Ses pertes sans nul doute durent être considérables, proportionnées aux masses qu'il nous opposa. Un grand nombre de cadavres couvraient le sol de nos attaques; mais si les Russes virent leurs tentatives se briser contre l'énergique résistance de nos vaillantes troupes, ce ne fut pas sans que nous eussions de notre côté de douloureuses pertes. 5 officiers avaient été tués, 12 blessés et 200 hommes environ avaient été mis hors de combat.

Les résultats obtenus étaient précieux. Ainsi se trouvaient détruits, ces abris derrière lesquels d'habiles tireurs, placés à 50 ou 60 mètres de nos tranchées, nous causaient chaque jour des pertes d'hommes impossibles à éviter. Un grand nombre de tonneaux, de sacs à terre, d'outils trouvés sur le terrain démontraient clairement que toutes ces embuscades reliées entre elles devaient former plus tard une sorte de front bastionné. Les travaux semblables que les Russes tentèrent sur d'autres points sont la preuve qu'ils attachaient à la réalisation de ce projet une grande importance. Le lendemain, leur artillerie seule a inquiété nos chemi

nements.

VIII. Tous ces événements se produisaient pen

dant que chaque jour nos batteries continuaient leur feu régulier contre la place, en se maintenant dans les limites prescrites. Déjà ce duel terrible d'artillerie a inscrit sur la liste des morts des noms chers à l'armée. Le général Bizot, qui depuis le commencement du siége a donné chaque jour d'infatigables preuves de courage et de dévouement, a été gravement blessé en parcourant avec le général Niel les tranchées anglaises. En vain on espéra sauver ce chef intrépide dont le concours était si précieux, dont le cœur savait se faire si noblement comprendre par tous. L'espoir, hélas ! fut de courte durée; la balle, en traversant de la mâchoire à la joue, avait jeté dans le cerveau une perturbation mortelle (1). Sa mort fut un deuil et une af

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Le général Bizot était aimé de tous, estimé de tous; chacun avait pu apprécier depuis le commencement du siége cette calme et froide énergie, cette abnégation infatigable du devoir qui ne se démentaient jamais au milieu des plus rudes épreuves et des plus pénibles travaux. L'Empereur venait de reconnaître les services signalés qu'il avait rendus, et un décret, en date du 12 avril, l'élevait au grade de général de division. Le général Bizot, qui avait tant de fois échappé à la mort, venait d'être, la veille, mortellement frappé. Il était né en 1795. Admis à l'École polytechnique à l'âge de 16 ans, il en sortit en 1813, pour entrer, en qualité de sous-lieutenant élève du génie, à l'École d'application de Metz, et était déjà appelé, en 1814, à défendre, sous les ordres du général Rogniat, cette ville où venait de commencer sa carrière militaire. En 1815, il servait sous les ordres du maréchal Jourdan. Incorporé au 1er régiment du génie, en 1816, il était promu lieutenant en 1818, et classé à l'état-major du génie l'année suivante. A la campagne d'Espagne de 1823, le capitaine Bizot se distingua brillamment et fut cité deux fois dans les rapports du maréchal Lauriston. Le blocus et le siége de Pampelune valurent au jeune officier son premier grade dans la Légion d'honneur.

Plusieurs années se passèrent; il s'embarqua pour l'Afrique,

fliction profonde pour toute l'armée. Aussi, tout ce que les trois armées comptaient d'officiers généraux avait voulu rendre un dernier hommage au brave et noble Bizot et accompagner sa dépouille mortelle qui allait reposer pour toujours sur cette terre de Crimée, té

en 1839, comme chef du génie de la province d'Oran. C'était la vie qu'il fallait à cette ardente nature, que dévorait à la fois un besoin d'activité et de travail. Nommé chef de bataillon en 1839, il prit part à presque toutes les expéditions. Après celle de 1841, contre les Kabyles, chargé de faire sauter un pont, il reçut à l'issue de la campagne la croix d'officier de la Légion d'honneur. Déjà le commandant Bizot avait su faire apprécier par tous ses qualités réelles il était recommandé au ministre comme un officier d'avenir. Rentré en France en 1841, il repartait une seconde fois pour l'Afrique en 1849. Depuis quatre ans déjà, il était lieutenant-colonel. Aussi, à peine avait-il pris possession de son nouveau commandement de directeur des fortifications à Constantine, qu'il fut nommé colonel, et trouva bientôt l'occasion de se distinguer, dans plusieurs expéditions, sous les ordres du général de Saint-Arnaud. Général de brigade en 1852, il reçut le commandement supérieur du génie en Algérie, dont il exerça les fonctions jusqu'au moment où les brillantes qualités qu'il avait su toujours déployer, dans les diverses phases de sa vie, l'appelèrent à la tête de l'Ecole polytechnique.

Lorsque notre armée s'embarqua pour l'Orient, le général Bizot fut nommé commandant en chef du génie, et s'embarqua pour Gallipoli, le 1er mai de l'année 1854. Dans la première partie de ce travail, nous avons dit avec quelle énergique et persistante audace il avait dirigé pendant le siége les durs et périlleux travaux de son arme. Nommé commandeur de la Légion d'honneur au mois de janvier 1855, il devait périr glorieusement, sans avoir pu porter les épaulettes de général de division, qu'il avait si noblement gagnées.

On ne peut faire un plus bel éloge de celui que l'armée venait de perdre, que de répéter les nobles paroles prononcées sur sa tombe par le général en chef Canrobert:

« C'est parce que Bizot était un noble caractère, donnant à tous, chaque jour, le modèle du courage, du devoir accompli sans relâche, du dévouement, de l'abnégation: c'est parce que Bizot avait toutes les vertus et toutes les mâles qualités que Dieu, dans sa justice infinie, lui a accordé le suprême honneur de tomber en soldat sur la brèche, en face de l'ennemi. »

moin de son constant dévouement et de sa courageuse abnégation. En tête de ce triste et solennel cortége marchaient les trois généraux en chef des armées alliées. Au milieu de la foule accourue, c'était un silence triste et grave qu'interrompait seulement le bruit du canon, qui, lui aussi, semblait vouloir saluer la dépouille du brave soldat tombé sur la brèche (1).

Non loin de son général allait reposer le commandant Masson, mort le même jour. Le génie était souvent frappé par de cruelles blessures; le commandant Saint-Laurent (2), officier du plus haut mérite, que

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Le commandant Masson était mort au champ du combat, et ce fut pour lui un grand et dernier honneur d'être conduit à sa dernière demeure côte à côte avec le général Bizot.

C'était un brave officier, dont la vie comptait déjà de bons et loyaux services en France, en Afrique, à la Guadeloupe.

Né en 1806, au Sénégal, il fut élève de l'École polytechnique, puis de l'Ecole d'application de Metz en 1828. Envoyé à l'état-major du génie en Algérie, en 1835, il ne tarda pas à être nommé capitaine. Il suivit plusieurs expéditions dans la province de Constantine, et fut mis à l'ordre du jour dans un rapport du duc d'Aumale, pour s'être brillamment distingué.

On lit dans ses états de service : « A la Guadeloupe, du 7 avril 1845 au 28 septembre 1847. Au Sénégal, du 2 novembre 1847 au 13 juin 1850: a assisté à l'attaque et à la prise de Fanaye, dans la province de Dimar, où il s'est particulièrement distingué. »

Blessé d'une balle au côté gauche, dans la tranchée, le 1er avril, il succomba le même jour à sa blessure.

(2)

LE COMMANDANT SAINT-LAURENT.

C'est au moment où le commandant Saint-Laurent allait être élevé au grade de colonel pour récompense méritée de ses services dans ce siége à jamais mémorable que la mort vint le frapper.

Sa perte fut vivement sentie, vivement regrettée.

La note que le brave général Bizot avait ajoutée au mémoire de pro

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