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d'aborder l'ennemi, sont littéralement labourés par les projectiles de plus de 80 bouches à feu, tant des vaisseaux, que des batteries de terre qui convergent sur ce lieu, de tous les points d'une demi-circonférence. »

Cette lettre du général en chef, dit assez les dangers qu'offrait cette entreprise; mais il était urgent de ne pas laisser s'établir des travaux ennemis sur ce point, sans montrer qu'ils pourraient être à tout instant sérieusement menacés.

L'attaque devait avoir lieu dans la nuit du 23 au 24 février.

Le général Bosquet désigna pour cette opération difficile deux bataillons du 2o de zouaves (500 hommes chacun), un bataillon du 4 de marine, un bataillon du 6 de ligne et un du 10° (1). Le général Mayran, commandant la 3 division du 2 corps, fut chargé de diriger l'attaque, dont le commandement direct fut donné au général de Monet.

CV. Les divers régiments avaient reçu l'ordre de se tenir prêts à marcher à onze heures du soir. A minuit, la colonne d'attaque prenait dans les tranchées ses postes de combat. Les deux bataillons du 2o de Zouaves (colonel Cler) étaient placés en arrière de deux larges coupures pratiquées à droite et à gauche de la deuxième parallèle; le bataillon de droite, avec le chef de bataillon Lacretelle, a le colonel Cler à sa tête; le

(1) Journal du siége, du 23 au 24 février.

bataillon de gauche est sous le commandement du chef de bataillon Darbois; l'infanterie de marine tient le centre avec le général de Monet.

Le général Bosquet se rend dans les tranchées pour s'assurer, par lui-même, que toutes les dispositions sont bien prises et qu'aucun événement nouveau n'est venu mettre obstacle au projet arrêté.

Tout est calme; la nuit est obscure. A une heure et demie, le signal est donné par le général Mayran.

Les bataillons sortent de la parallèle et se forment en avant, en colonne serrée par section; puis s'avancent silencieusement, ayant devant chaque bataillon, deux compagnies d'avant-garde, suivies par un capitaine du génie et des travailleurs munis d'outils.

Aussitôt les deux bataillons du 6o et du 10° de ligne, sous les ordres du lieutenant-colonel Dubos, dépassent à leur tour la parallèle et se massent dans un pli de terrain, pour soutenir le retour.

Les instructions sont précises. « Le but que les généraux français veulent atteindre, en faisant cette sortie de leurs tranchées d'Inkermann, étant entièrement un but d'influence morale, l'ordre est donné de n'occuper que pendant peu de temps les travaux ennemis, de les bouleverser et de les abandonner au signal de la retraite. L'initiative de ce signal est laissée au commandant des troupes engagées.

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CVI. Bientôt la petite colonne a disparu dans l'obscurité, sans que rien ait indiqué que son approche eût

été éventée; mais le nombre de troupes que l'on trouva devant soi, postées aux abords de l'ouvrage ou placées en réserve, démontre clairement que les Russes s'attendaient à notre attaque.

En avant de l'ouvrage, une longue ligne de petits postes était déployée derrière le mur qui borde une partie de la route de Sébastopol, à l'endroit où cette route traverse une dépression du sol; des embuscades importantes précédaient et flanquaient cette ligne, protégée en arrière, près de l'ouvrage, par de petits carrés de troupes disposés en damier, de manière à en couvrir les abords.

Douze cents hommes au moins occupaient ces postes. La colonne d'attaque de droite arriva sur la ligne extrême sans recevoir un seul coup de fusil; mais, aussitôt engagée, elle fut assaillie sur ses deux flancs et sur son front par une vive fusillade à très-courte distance. Aussitôt les quatre compagnies de soutien changèrent de direction à gauche et attaquèrent vivement à la baïonnette les embuscades, que leurs défenseurs abandonnèrent après une courte résistance.

La colonne de gauche avait eu à parcourir un terrain raviné et avait rencontré des murs en pierres sèches qui avaient retardé sa marche; celle du centre s'était heurtée de front contre les embuscades, dont le feu subit avait occasionné un grand désordre dans ses rangs.

Le général de Monet, blessé grièvement par trois coups de feu, dont deux lui ont brisé les mains, sentant que peut-être ses forces trahiront son courage, remet

le commandement au colonel Cler; puis montrant de ses deux mains brisées l'ouvrage russe aux soldats qui l'accompagnent : « C'est là qu'il faut arriver! s'écriet-il, suivez-moi!» Et il s'élance sur la redoute à travers les carrés ennemis, avec lesquels les compagnies d'avant-garde ont déjà engagé un combat corps à corps. Près de lui combattent et s'élancent aussi, suivant de près leur général, le capitaine du génie Valesque, le lieutenant d'artillerie de La Fosse et le commandant Mermier, du régiment de marine.

Le colonel Cler a pris ses dispositions; une minute d'indécision peut être fatale. A droite, le commandant Lacretelle chargera avec ses zouaves; à gauche, ce sera le commandant Darbois : lui, se précipitera avec quelques compagnies, sur le fossé du retranchement. En quelques secondes il escalade les parapets, pendant qu'à droite et à gauche les zouaves y pénètrent par les flancs. Les bataillons russes, établis en colonnes serrées sur la gorge du retranchement, reçoivent nos Zouaves par une fusillade à bout portant et sur le fer de leurs baïonnettes. Sept officiers tombent au premier rang; mais rien n'arrête l'élan de nos intrépides soldats.

CVII. Tout à coup des feux de signaux de diverses couleurs éclairent le champ du combat, étendant jusqu'à l'horizon lointain leurs lueurs étranges et fantastiques. Les clairons russes retentissent de toutes parts, et le tocsin de la ville mêle ses tintements lugubres aux feux

croisés de mousqueterie et d'artillerie et aux décharges des bâtiments embossés dans le port.

C'est un spectacle à la fois terrible et superbe. Sébastopol et tous les terrains qui environnent le lieu du combat sont couverts d'un blanc linceul de neige; les lueurs blafardes des feux courbes lancés par les batteries et par les vaisseaux ennemis, éclairent les masses compactes des grenadiers russes et des Cosaques volontaires du Don, luttant corps à corps avec les zouaves, tandis que les travailleurs du génie s'efforcent de bouleverser les parapets de la redoute ennemie.

Ces clartés subites, tantôt rouges, tantôt pâles, apprennent aux Russes la faiblesse numérique des assaillants. Aussitôt leurs bataillons tirent au hasard sur le point principal de notre attaque, frappant aussi bien de leurs balles leurs propres soldats que les nôtres, et s'inquiétant peu de la mort qu'ils portent eux-mêmes dans leurs rangs.

Un instant la redoute nous appartient; mais nos troupes sont accablées par un feu de mitraille, et des renforts russes, arrivant à la fois par la droite et par la gauche, cernent nos bataillons, qu'un masque de gabions protége contre le choc des ennemis qui se ruent pêle-mêle, combattant à la fois à coups de baïonnettes et de pierres.

Le général de Monet, malgré ses blessures, est entré le premier dans les retranchements ennemis; il donne le signal de la retraite. Deux fois ce signal se fait entendre, avant que le colonel Cler se décide à abandonner

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