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de revers et d'enfilade malgré de nombreuses traverses, était si cruellement maltraitée, qu'elle ne tarda pas à recevoir l'ordre, vers neuf heures, de cesser son feu; la plupart de ses pièces étaient égueulées, et presque tous les servants mis hors de combat par la nuée de projectiles qui l'accablaient sans relâche.

Lorsque le capitaine Schmitz atteignit la batterie du fort Génois, elle était littéralement broyée. Une seule pièce continuait à tirer; toutes les autres, hors de service, étaient couchées sur leurs affûts brisés; les parapets étaient à jour, le sang inondait les platesformes, les bombes et les obus à Scharpenelle (1) éclataient de tous côtés.

Le commandant Penhoät, debout au milieu de ce désastre, surveillait le tir de son unique pièce et donnait froidement le signal aux canonniers.

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Tant que je pourrai tirer un coup de canon, je resterai là, dit-il au capitaine Schmitz.

Le général Canrobert, instruit de cette résistance courageuse et persistante, se rendit lui-même au fort Génois; il fit au brave commandant les éloges que méritait sa conduite énergique dans cette lutte inégale avec les canons ennemis, et ordonna la suppression de la batterie (2).

(1) On appelle ainsi des obus qui éclatent en lançant des grêles de balles.

(2) Un ordre du jour porta à la connaissance de l'armée la belle conduite du commandant Penhoät.

Le tir de l'ennemi sur la batterie du fort Génois, était d'une și

Peu à peu, dans la matinée, le brouillard s'était levé, et un vent favorable avait dissipé les nuages de fumée qui enveloppaient la colline et la ville.

La tour du bastion central fut dans la journée complétement minée, et la face droite du bastion du Mât avait si grandement souffert, que le lendemain, deux pièces seulement purent faire feu.

V. Les travaux de développement et d'amélioration continuent avec activité dans les tranchées; plus de 6000 travailleurs y sont employés.

Mais l'ennemi, de son côté, s'occupe avec ardeur à réparer et à augmenter ses lignes de défenses, pendant que son artillerie couvre de mitraille les points où apparaît la marche progressive de nos tranchées; la population tout entière de Sébastopol est employée à porter de la terre, des gabions et des fascines; chaque nuit, les ouvrages s'accroissent et se relient entre eux sous l'habile direction du capitaine de génie Todleben (1). De toutes parts, les terres se soulèvent;

grande précision, que l'on arriva à supposer qu'elle se trouvait construite sur l'ancien emplacement de leur polygone. Ce qui donna lieu à cette assertion, c'est que la petite baie qui avoisine le fort Génois s'appelle la Baie du Tir.

(1)

LE CAPITAINE DU GÉNIE TODLEBEN,

François Todleben, dont le siége de Sébastopol devait illustrer le nom, était au commencement de sa carrière militaire lorsque la guerre d'Orient éclata. C'est à cette guerre et au génie infatigable qu'il a déployé dans l'opiniâtre défense de Sébastopol qu'il doit le grade élevé qu'il occupe aujourd'hui.

Fils d'un marchand de Mittau, Todleben est né le 25 mai 1818. Après

il semble que le sol de la Crimée vient de lui-même en aide à la ville assiégée.

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Depuis l'action du 17, écrit le vice-amiral anglais Dundas, l'ennemi n'a pas cessé de travailler à réparer ses batteries et à ériger sur le côté nord du port de nouveaux ouvrages, qui commandent les approches par terre et par mer. »

On peut le dire, des deux côtés se multiplie à l'infini tout ce que peuvent créer la force et l'intelligence humaines.

Malgré les difficultés sans cesse renaissantes de masses rocheuses, nous avançons chaque nuit à pas sûrs; nous établissons de nouvelles batteries, dont nous pressons l'armement, et nous enlaçons le bastion du Mât d'un réseau de tranchées. Les deux compagnies de francs-tireurs continuent à faire grand mal à l'ennemi. Embusquées dans de petits logements en avant des parallèles, elles portent la mort derrière les bastions russes. A plusieurs reprises,» dit le journal du corps de siége, l'ennemi tire sur elles toutes ses pièces chargées à mitraille avec un acharnement sans pareil.

avoir fait ses études dans les écoles de Riga, il fut reçu au collége des ingénieurs de Saint-Pétersbourg. Au commencement de la guerre actuelle, il n'était que capitaine en second du génie; il se distingua sous les ordres du général Schilders, puis fut envoyé en Crimée. - Ce qu'il a fait devant Sébastopol appartient désormais à l'histoire, qui mêlera son nom au souvenir de ce siége gigantesque.

En moins d'une année, il devait passer successivement par les grades de capitaine, commandant, lieutenant-colonel, adjudant-colonel, maréchal de camp et adjudant-général, et recevoir de son souverain les plus grandes marques d'estime et de haute considération.

VI. Depuis l'ouverture du feu, les Russes n'avaient tenté contre les assiégeants aucune démonstration extérieure; ils s'étaient seulement montrés, le 18, sur les hauteurs de Balaclava. Lord Raglan, son état-major et de forts détachements du corps français d'observation s'étaient aussitôt portés de ce côté; mais après quelques coups de canon tirés des redoutes élevées par les Turcs, au-dessus de la plaine de Balaclava, les Russes se retirèrent (1).

Sans doute, ils ne jugeaient pas nos travaux assez près de la place pour devoir les inquiéter sérieusement, autrement que par le feu redoublé de leur artillerie. Toutefois, le 20, un fort détachement de volontaires russes, protégé par une nuit noire, arrive sans être aperçu jusqu'à nos tranchées. Conduits par des officiers résolus, ces volontaires pénètrent dans les batteries 3 et 4, et se ruent avec une audacieuse énergie contre les gardes de tranchées avec des cris frénétiques; les canonniers, surpris par cette attaque, s'élancent sur leurs armes placées contre l'épaulement

(1) L'aide de camp général prince Menschikoff rend ainsi compte, dans son rapport, de ce mouvement de ses troupes :

18. « Le feu des batteries anglaises a sensiblement diminué passé midi, probablement à la suite de ce que, par mon ordre, le généralmajor Sémiakine s'était porté avec son détachement, du village de Tchorgoun sur les hauteurs de Balaclava, et qu'en se montrant sur les derrières du camp anglais, il avait, occasionné quelque trouble, de sorte que l'armée s'était hâtée de se former et de se mettre en marche dans la direction de Balaclava; par cette démonstration d'un corps détaché, le but que l'on avait eu en vue de détourner l'ennemi de la forteresse, a été atteint. (Invalide russe.)

de la batterie et luttent corps à corps au milieu de l'obscurité. L'ennemi parvient toutefois à enclouer trois mortiers à la droite de la batterie 3; déjà il se répand dans l'autre batterie, où il encloue également quatre pièces; mais le premier moment de confusion est passé ; à la voix du lieutenant Lebelin de Dionne et du lieutenant Clairin, les artilleurs se rallient et reprennent vigoureusement l'offensive.

La compagnie de voltigeurs du 1er bataillon du 74° s'est jetée en avant aux premiers cris d'alerte (1); une

(1) Le journal de ce régiment mentionne particulièrement le nommé Audié,

Voici à ce sujet un épisode qui mérite d'être signalé et dont nous tenons les détails du colonel Breton, qui commandait alors le 74°.

La bravoure et l'audace d'Audié pendant le combat le firent mettre à l'ordre de son régiment le 21 octobre. Au moment d'accorder les récompenses, le colonel feuilleta le dossier de ce soldat, et trouva sur un de ses feuillets qu'il avait été condamné, avant son entrée au service, à deux mois de prison pour tapage nocturne et bris de clôture.

En distribuant les récompenses accordées au régiment, le colonel Breton dit à Audié:

<< Votre vaillante conduite m'a été signalée; je vous dois les éloges que mérite votre bravoure, et si je n'ai pas demandé une récompense pour vous, comme pour vos camarades, vous savez pourquoi; mais je dois hautement, rendre témoignage de votre belle conduite. C'est justice, mon colonel, répliqua Audié : aussi je ne me plains pas; mais j'en ferai tant, que je vous ferai oublier mon passé. Je prends acte de votre parole, Audié, lui dit le colonel; tenezla en brave soldat que vous êtes, et je déchirerai ce feuillet. >>

Audié fit honneur à cet engagement contracté en face de la compagnie. Dans la nuit du 15 janvier, il appela encore par sa valeureuse conduite l'attention de ses camarades; mais il fut grièvement blessé de deux coups de feu.

Le colonel s'empressa de faire savoir au général en chef la réponse du soldat Audié, et comment il venait de tenir parole en se battant comme un lion, et en refusant de quitter la tranchée après sa première

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